Dépakine : 2.000 à 4.000 cas de malformations majeures depuis 1967
La Dépakine et ses dérivés ont provoqué des malformations congénitales graves chez 2.150 à 4.100 enfants depuis le début de leur commercialisation en 1967, selon une première évaluation de l'agence du médicament et de l'Assurance maladie, publiée jeudi.
Ce traitement de l'épilepsie et des troubles bipolaires entraîne un risque élevé de malformations et de troubles du développement pour l'enfant, lorsque sa mère a été traitée pendant la grossesse.
"L'étude confirme le caractère tératogène (cause de malformations, ndlr) très important" de ce médicament. "Autour de 3.000 malformations majeures, c'est particulièrement élevé", a déclaré à l'AFP le Dr Mahmoud Zureik, directeur scientifique de l'ANSM et co-auteur de l'étude.
"L'étude ne parle que des malformations physiques, ce n'est que la face émergée de l'iceberg", a dit à l'AFP Me Charles Joseph-Oudin. Ce défenseur de nombreux plaignants réclamant des indemnisations dénonce là "un scandale de santé majeur".
Les troubles neurodéveloppementaux sont plus fréquents, comme l'autisme "qui va entraîner une dépendance et nécessiter l'aide d'une tierce personne à vie", souligne Marine Martin, présidente de l'Apesac, association de victimes.
"Le nombre de victimes potentielles est gigantesque et irait jusqu'à 30.000 enfants victimes", estime-t-elle ajoutant que "40% des grossesses exposées au valproate (molécule active du traitement) n'arrivent pas à terme".
Des juges d’instruction du pôle de santé publique de Paris sont saisis depuis septembre d’une enquête sur les commercialisation de l’anti-épileptique et sa prescription.
Selon Me Joseph-Oudin, "une procédure d'indemnisation devant l'Oniam (Office national d'indemnisation des accidents médicaux) va s'ouvrir de manière imminente".
Une trentaine de dossiers de demandes d'indemnisation ont été déposés au TGI de Bobigny et à Nanterre.
Il y a en outre "une action de groupe qui va faire l'objet d'une assignation dans les jours qui viennent".
Sanofi assure avoir "fait preuve d'une totale transparence vis-à-vis des autorités de santé" et avoir été "à l'initiative de l'actualisation" de la notice et de l'information des médecins.
Depuis 2015, le valproate ne peut être prescrit aux femmes enceintes ou en âge de procréer qu'en cas d'échec des autres traitements, bien moins risqués.
L'utilisation de cette molécule a chuté "de l'ordre de 30% ces deux dernières années chez les femmes en âge de procréer", relève M. Zureik. "Et nous voulons que cette baisse s'accentue".
L'étude met en évidence un risque plus élevé dans le cas des femmes traitées pour épilepsie: le risque de malformations congénitales majeures est alors multiplié par quatre pour l'enfant, tandis qu'il double pour celles traitées pour troubles bipolaires.
"Pour les troubles bipolaires, plus de 3/4 des traitements par valproate sont stoppés au 1er trimestre de la grossesse et par ailleurs l'observance du traitement est bien moins grande", explique M. Zureik. Or, "le risque de malformations majeures est limité aux deux premiers mois de grossesse", précise le Dr Alain Weill (Assurance maladie), co-auteur de l'étude.
Parmi 26 malformations congénitales majeures étudiées, des anomalies du système nerveux comme le spina bifida (absence de fermeture de la colonne vertébrale, cause de décès et de paralysie), des anomalies cardiovasculaires ou des organes génitaux externes sont pointées dans ces travaux.
L'étude qui a permis cette évaluation a porté sur près de 2 millions de femmes enceintes (début 2011-31 mars 2015).
- Un risque connu depuis les années 80 -
De 1967 à 2016, entre 64.100 et 100.000 grossesses auraient été exposées au valproate, et auraient donné lieu à 41.200 à 75.300 naissances vivantes.
Le valproate est commercialisé depuis 1967 pour le traitement de l'épilepsie (sous la marque Dépakine de Sanofi puis sous d'autres marques génériques) et depuis 1977 pour les troubles bipolaires (Depamide, puis Depakote).
Le risque de malformations est connu depuis le début des années 1980, notamment le spina bifida, 20 fois plus fréquent parmi les enfants exposés in utero quand la mère est traitée pour épilepsie, selon l'étude.
Le risque accru de retards du développement et de troubles de type autistique a été mis en évidence dans les années 2000. Une étude sur ces troubles est attendue pour le second semestre 2017.
Le risque que l'enfant naisse avec une malformation est estimé à 10% et celui de troubles neurodéveloppementaux entre 30% et 40%.
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