Trottinettes électriques : est-ce la fin de la récré ?
Est-ce la fin du mirage du business de la trottinette électrique? Face au grand n'importe quoi urbain que ces petits engins ont déclenché dans les grandes villes, des mesures réglementaires sont intervenues. En même temps peut être qu'une prise de conscience des utilisateurs : la trottinette électrique est "casse-gueule". Comme pour le vélo en libre service aujourd'hui pratiquement abandonné par les "start up", c'est au tour de certaines sociétés de location de trottinettes d'abandonner la partie.
Depuis que les trottinettes électriques ont envahi les grandes villes, les dégâts et les réticences se sont fait de plus en plus nombreux. D'abord, loin de faire baisser la polution, elle l'augmente. Un étude éffectuée au printemps dernier à laquelle a participé l'Ademe démontrait que les utilisateurs de trottinettes étaient "des piétons augmentés". C'est à dire qu'avant de faire de la trottinette, la plupart d'entre eux étaient piétons, surtout les touristes. Donc l'engin ne fait pas baisser la part des automobiles dans les centre villes.
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Les trottinettes sont plus dangereuses que ce que l’on croyait
Faire de la trottinette, c'est juste plus "amusant" selon la motivation de la majorité des utilisateurs. Sauf qu' à 25 km/h et plus, le jouet peut être blessant. Les urgentistes des hopitaux de Paris mais aussi de Lyon en savent quelque chose.
Une trottinette électrique est un véhicule particulièrement dangereux. Il peut aller très vite (25 km/h pour la plupart des modèles) avec une stabilité très mauvaise dues aux petites roues et un centre de gravité à peu près au niveau du guidon. Pas la peine d'être physicien pour comprendre le problème. Et en cas de pluie, la glissade n'est pas loin à cause des pneus en caoutchouc dur.
En 2017 les accidents de trottinette s’élevaient à 285 cas recensés. Sachant que la véritable explosion du nombre de trottinettes électriques a eu lieu en 2018, le nombre d’accidents les impliquant a lui aussi logiquement augmenté. Le professeur Alain Sautet, chef du service d'orthopédie de l'hôpital Saint-Antoine à Paris, s’alarmait que dans son service, au cours des deux premiers mois de l’année 2019, il a dû faire face à des interventions lourdes pour des fractures graves deux fois par semaine. "Ce sont des lésions qu'on n'avait pas l'habitude de voir", explique-t-il. Sautet conseille de limiter la vitesse et surtout de porter impérativement un casque!
Trottinette de m**** : Des « trottineurs » peu civiques, le chaos sur les trottoirs
Il est courant de voir des usagers de trottinettes circuler sur les trottoirs ou en duo sur la même trottinette, à des vitesses peu respectueuses des piétons, ce qui est interdit et dangereux. Elles sont aussi laissées à l’abandon de manière chaotique, ce qui gêne la circulation des piétons, sans parler des personnes malvoyantes. La faute aux conducteurs de trottinettes imprudents mais aussi au manque de stations dédiées. Pour désencombrer les trottoirs, la ville de Paris a conclu un accord avec la start-up américaine Charge, pour mettre en place des parkings de rechargement.
Mais des places de parking ne résoudront pas les nombreuses nuisances générées par certains conducteurs.
Lime, le leader de la trottinette électrique à Paris a lancé en juin dernier une campagne pour sensibiliser les conducteurs aux bonnes manières en trottinette. En reprenant les arguments de ses détracteurs (« Ils me font c**** avec leurs trottinettes », « ras le c** des trottinettes » et « trottinette de m**** »), la marque cherchait à changer le comportement de ses utilisateurs mais aussi à conquérir ceux qui étaient encore réticents.
Les trottinettes sont en fait mauvaises pour la planète
Pour couronner le tout, les trottinettes électriques se sont avérées être très polluantes. Selon Annie Chang, Project Manager pour SAE International (Society of Automotive Engineers) et spécialiste de la mobilité partagée, le coût écologique des trottinettes et vélos en libre-service est loin d’être positif. D’un côté, le système de ramassage et de recharge basé sur la collaboration de particuliers n’est pas du tout éco-responsable, car les émissions de CO2 des camions ou voitures sont très élevés. À ces émissions s’ajoutent celles des camions qui enlèvent les trottinettes pour les réparer et le nombre élevé de trottinettes qui finissent au fond des fleuves, rivières, lacs, et dans la mer...
De nombreuses start-ups quittent le marché à Paris
De nombreuses start-ups ont profité d'un vide juridique pour s’installer dans plusieurs villes du monde. À Paris, jusqu'à 12 entreprises différentes opèrent sur le marché des trottinettes électriques. Pour ces start-ups, Paris offrait une cible irrésistible: 12 millions d'habitants et 40 millions de touristes en 2017, tous clients potentiels.
Malgré la promesse d’un marché facile à conquérir, leur installation à Paris s’est avérée peu rentable: la courte durée de vie de leurs trottinettes a causé des pertes élevées, et des entreprises ont quitté le marché presque aussi rapidement qu'elles y sont entrées. Au moins six opérateurs de trottinettes électriques parisiens ont «suspendu leurs opérations» .
Une taxe est envisagée à Paris
D’autres marques de trottinettes résistent au désenchantement de la fièvre des trottinettes et proposent des solutions. Circ, qui offre désormais ses services dans 26 villes et 10 pays européens, refuse d'être mis dans le même sac… Dans sa campagne de réponse a Lime, la start-up argumentait: « Si nos trottinettes vous font moins c****, c'est parce qu'on en déploie juste assez ». Circ s’auto proclame «seul acteur responsable du secteur des micro-mobilités» en proposant un service de ramassage avec des personnes en CDI, en s’engageant auprès des collectivités, en recyclant ses trottinettes et en réduisant sa flotte.
À Paris, la mairie a décidé de prendre la question en main et a lancé un appel d'offres pour limiter le nombre de marques de trottinettes à trois entreprises. Une taxe est aussi envisagée. C’est peut-être une opportunité pour que seules les start-ups les plus responsables restent sur le marché Parisien, et montrent la voie pour offrir un service plus réfléchi, à des conducteurs de plus en plus civiques … et munis d’un casque!
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