Bitcoin : peut-on créer une société dont le capital est constitué de crypto-monnaies ?
Et si une société était créée seulement à l'aide d'apports de crypto-monnaies?
C'est une première qui a été réalisée en Suisse avec cette création d'une entreprise entièrement constituée avec des bitcoins: IndéNodes Sarl -une entreprise souhaitant fonctionner sans comptes bancaires et dont le capital a été libéré en bitcoins- a été crée le 7 décembre 2017 et les documents de sa constitution régularisés auprès du registre du commerce du canton de Neuchâtel. Selon les règles de droit suisse, il est donc légalement possible de constituer une société avec un capital libéré dans une monnaie cryptographique comme le bitcoin ou l'éther.
On peut donc se poser la question pour une société en France.
Lors de la création d’une société, chaque associé doit effectuer un apport pour constituer le capital social. Le plus souvent, les associés effectuent des apports en numéraire et affectent donc une somme d’argent à la société. Mais les bitcoins et autres "moneros" ou "ripples" ne peuvent faire l'objet d'un apport en numéraire, n'étant pas une devise ou représentative d'une devise ayant cours légal.
Mais il est aussi tout à fait possible d’apporter un bien à la société: fonds de commerce, immeuble, machine, équipement… On parle alors d’apport en nature. Celui-ci peut-être effectué à la création de la société pour constituer le capital social de départ avec un engagement de transférer la propriété de l'actif en question par écrit, dans les statuts sociaux ou dans un document annexe, le contrat d’apport et de mettre cet actif à la disposition de la société qui en deviendra propriétaire dès son immatriculation. L’apport du bien sera donc comptabilisé dans son capital social en contrepartie des parts sociales correspondantes à sa valeur. Il est également possible d'effectuer un apport en nature en cours de vie sociale. Un tel apport aura l’effet d’une augmentation de capital pour votre société et vous donnera droit à des parts supplémentaires.
Lire aussi: Bitcoin: un actif au bord de l'explosion... mais qui devrait s'institutionnaliser
Autant dire que l’évaluation des apports en nature est importante pour éviter une sur ou sous-évaluation des biens apportés. Il doit être effectué par un commissaire aux apports (CAA). Depuis avril 2017, les règles de recours à cet expert ont été modifiées. Désormais tant pour les SAS que pour les SARL, vous pouvez vous dispenser de cette évaluation par le CAA seulement lorsque deux conditions sont remplies: primo, la valeur de chaque apport en nature doit être inférieure à 30.000€; secundo, la valeur totale de l'ensemble des apports en nature ne doit pas excéder la moitié du capital social.
Une fois désigné, le commissaire aux apports va évaluer la valeur des biens apportés et rédiger ses conclusions dans un rapport sur l’évaluation des biens en nature qui sera annexé aux statuts pour immatriculer la société (ou enregistrer l'augmentation de capital en cas d'apport en nature en cours de vie sociale).
Rien ne semble donc s'opposer à ce que des bitcoins puissent être utilisés dans le cadre d'un tel apport, sous réserve que leur valorisation soit bien précisée et estimée dans le contrat d'apport.
Rappelons que si les bitcoins n'ont pas encore de définition juridique quant à leur nature (ce ne sont ni des valeurs mobilières, ni des titres, mais ils sont fiscalement considérés comme des unités de compte) les crypto-monnaies peuvent faire l'objet d'une donation avec leur valeur déterminée selon le cours du jour de l'acte et qu'ils paraissent bien pouvoir être considérés comme des actifs au sens de l'article L. 225-8 du Code de Commerce. Bien entendu leur extrême volatilité amènera certainement le commissaire aux apports à rester très vigilant pour éviter une surévaluation (des sanctions pénales lourdes sont prévues en cas de surévaluation: 5 ans d’emprisonnement et 9.000 ou 375.000 euros d’amende). Et d'attendre la réaction du greffier du tribunal de commerce pour entériner la constitution...
À LIRE AUSSI
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.