Les chantiers STX passent sous pavillon italien : une faute stratégique de la part de l'Etat
Finalement l'Etat a calé et s'est plié à la stricte loi du marché par-delà certaines déclarations préalables. Ainsi, l'actionnaire de référence des chantiers STX à Saint-Nazaire sera italien faute d'un patriotisme national qui aurait pourtant été justifié dans ce cas précis. Selon les informations disponibles à ce stade, ce jeudi 6, il ressort que le groupe Fincantieri devrait disposer à l'avenir de 49% du capital. L'Etat conservant sa minorité de blocage de 34% épaulée par les 10% de DCNS. Il reste donc un peu moins de 10% du capital "dans la nature" qui devrait échoir à une fondation italienne: l'Etat ayant refusé que ces 10% ne tombent dans l'escarcelle de la Caisse des dépôts transalpine.
Certains diront que l'on retrouve le même type de configuration que du temps de l'actionnaire sud-coréen, précédent détenteur du bloc majoritaire de STX. A une lourde nuance près que le risque de délocalisation du savoir-faire est éminemment supérieur.
De surcroît, il faut impérativement garder à l'esprit que seul ce chantier est capable d'élaborer et de réaliser la coque d'un porte-avions nucléaire. Autrement dit, à l'expiration du service du Charles de Gaulle, un élément stratégique de notre Défense nationale reposera sur les petites lignes d'un pacte d'actionnaires entre Fincantieri et l'Etat. N'avions-nous pas la possibilité via ce fait de Défense nationale de monter jusqu'au seuil de la majorité simple soit 7% de plus que ce que nous détenons actuellement? A l'échelle des enjeux, ces 7% manquants risquent d'être lourd de sens.
Décidément, on comprend mal la logique suivie par l'Etat que préside François Hollande. Chez Peugeot, on a su prendre des risques (17,5% du capital) pour aider au retournement d'un groupe en péril. Ici, nous sommes face à une entreprise prospère, à l'activité commerciale débordante et dotée d'un fort niveau de technicité (paquebots de type "géants des mers") et on reste sur le quai des brumes d'une décision publique fort contestable. Evidemment, si la fiscalité du capital était moins dure, il y aurait pu avoir des repreneurs partiels tricolores. Il est quand même désolant de devoir constater qu'une belle affaire file à l'étranger tout comme Technip, Dentressangle ou Lafarge.
Cette érosion de notre appareil productif a deux entrées: par le bas, elle gomme les canards boiteux qui ne peuvent tenir le choc de la compétitivité. Par le haut, les investisseurs n'ont plus guère envie d'être opérateurs en France et réalisent leurs actifs au détriment de notre potentiel national. Certains, un peu pressés, diront "haro sur ces sales capitalistes!". Le problème, c'est que l'Etat vient d'adopter la même logique en oubliant le détail potentiellement mortifère pour Saint-Nazaire: le groupe Fincantieri vient d'investir en Chine et de créer une coentreprise…
La logique posée et froide des chiffres risque par conséquent de sceller le destin d'une partie des salariés actuels de STX. Evidemment une équipe gouvernementale sortante n'en a cure malgré les efforts connus et reconnus de l'ancien élu de Saône-et-Loire qu'est le secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christophe Sirugue.
Dans un communiqué commun entre messieurs Sapin et Sirugue du 10 octobre dernier, on pouvait lire: "L’objectif du gouvernement n’est pas de devenir actionnaire majoritaire de la société STX France mais il est de peser dans le choix du repreneur pour que les Chantiers de Saint-Nazaire puissent disposer d’un actionnariat industriel solide capable d’accompagner leur développement sur le long terme".
A la lumière de la structure actionnariale projetée, il est légitime et lucide d'avoir des doutes sur la vraie nature future de "l'accompagnement du développement".
Cet article a été initialement publié dans FranceSoir le 6 avril 2017
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