La BCE sommée de tenir ses promesses tout en ménageant les banques
Le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a annoncé la couleur dès janvier, en assurant que la BCE "n'abandonnait pas" et allait "ré-examiner" son action en mars.
L'Italien ne ménage pas ses efforts, même si leur effet se fait attendre. Un an après avoir dégainé son bazooka monétaire, un vaste programme d'achat de dette publique et privée de 1.500 milliards d'euros destiné à faire repartir les prix et l'économie, l'inflation s'affiche à -0,2% en zone euro. La faute à la chute sans fin des prix du pétrole et à une reprise toujours atone sur le Vieux Continent, assombrie par le ralentissement de la Chine et des pays émergents.
Cela fait maintenant trois ans que la BCE rate largement son objectif d'une inflation légèrement inférieure à 2%, malgré de multiples baisses de taux, des prêts géants aux banques et son "QE", surnom du programme d'achats d'actifs.
Pis, M. Draghi a déçu les marchés en décembre, en annonçant seulement une prolongation du QE jusqu'en mars 2017. Sa réputation de "Super Mario", prêt à faire "tout le nécessaire" pour la zone euro est en jeu.
"C'est l'heure de tenir ses promesses", estime Johannes Gareis, économiste chez Natixis. Comme la majorité de ses confrères, il s'attend à un "Draghi très accommodant" car "la répétition de la déception de décembre pourrait endommager la crédibilité de la BCE".D'autant que les nouvelles prévisions d'inflation et de croissance pour la zone euro de la BCE jusqu'en 2018, publiées jeudi, ne devraient pas être roses.
M. Draghi devrait donc faire plonger le taux de dépôt, actuellement à -0,3%, encore plus loin en territoire négatif, à -0,4 ou -0,5%. Cette taxe imposée aux banques qui déposent leur argent dans les coffres de la BCE est censée les inciter à prêter plus aux ménages et aux entreprises.
L'efficacité de cette mesure, longtemps tabou, est contestée, et le secteur bancaire se plaint d'une amende impossible à répercuter sur les clients, qui ampute sa rentabilité. Mais ce levier est le plus facile à actionner pour M. Draghi: la plupart des membres du conseil des gouverneurs y sont favorables.
Après la raclée subie en Bourse ces dernières semaines par les banques, dont la solidité a commencé à inquiéter, les affaiblir "pourrait être contre-productif", remarque Holger Schmieding, économiste chez Berenberg.
Des gouverneurs se sont dits "conscients" du problème. De nombreux observateurs tablent donc aussi sur l'introduction d'un mécanisme de seuil, allégeant la charge pour les dépôts les moins importants.
Autre quasi-certitude, la BCE devrait augmenter sa puissance de feu. Ses achats d'actifs devraient passer de 60 à 70, voire 75 milliards d'euros par mois, selon la plupart des économistes. Ils pourraient aussi être prolongés de trois à six mois, ce qui porterait les injections de liquidités de la BCE dans l'économie de la zone euro à plus de 2.000 milliards au total. Creuser son sillon semble de toute façon être la seule voie pour M. Draghi, tant les autres options paraissent exclues.
Changer les règles du QE pour acheter plus de dette des pays convalescents, comme l'Espagne et l'Italie, s'apparente à de la "dynamite politique", relève M. Schmieding. Et l'élargissement des achats aux dettes d'entreprises privées ne se justifie pas encore, selon lui. Enfin l'"helicopter money", une solution qui verrait la BCE larguer directement de l'argent sur les comptes des citoyens européens, serait un casse-tête légal. Pourtant, une nouvelle extension du QE seule, sans réformes d'ampleur de la part des Etats, "ne suffira pas à stimuler suffisamment l'inflation", avance déjà Fadi Hassan, d'UniCredit.
Pour les critiques de la méthode Draghi, son activisme incite les responsables politiques à la paresse. Au Portugal par exemple, "le nouveau gouvernement ne reviendrait pas sur les réformes du marché du travail" sans cette protection "de facto" de la BCE, accuse le chef économiste de Commerzbank, Jörg Krämer.
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