Burkini : le Conseil d'Etat appelé à trancher alors que le débat s'emballe
La plus haute juridiction administrative française, saisie en particulier par la Ligue des droits de l'homme (LDH) et le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), réunit à 15h ce jeudi 25 une formation de trois juges. Ils devraient ensuite rendre leur décision dans un délai de 48 heures.
Le Conseil d'Etat examine un "référé-liberté", une demande de suspension en urgence d'un arrêté de la commune de Villeneuve-Loubet (Côte d'Azur). Mais il est en réalité appelé à trancher la querelle juridique pour la trentaine de communes françaises qui exigent sur leurs plages, cet été, une tenue "respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité" au nom de "l'ordre public". Quelle que soit sa décision, il est peu probable que retombe la polémique sur ces tenues de bain couvrant le corps des cheveux aux chevilles, et plus largement sur la place de l'islam en France.
Nicolas Sarkozy, candidat à la primaire de la droite, appelle ainsi, dans un entretien à paraître vendredi dans le Figaro Magazine, à légiférer pour interdire "tout signe religieux à l'école mais également à l'université, dans l'administration et aussi dans les entreprises". Pour lui, "ne rien faire" contre le burkini "serait acter un nouveau recul de la République".
Le Front national va plus loin, en se prononçant pour "une loi d'interdiction générale des signes religieux ostensibles dans l'ensemble de l'espace public". Le Premier ministre Manuel Valls, qui "comprend" et "soutient" les maires ayant pris ces arrêtés, a affirmé le 17 août son refus de légiférer sur la question.
Le droit français interdit le foulard islamique dans les écoles, collèges et lycée publics, et le voile intégral (burqa ou niqab) dans tout l'espace public. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a mis en garde mercredi contre la "stigmatisation" des musulmans, après la diffusion des images d'une femme contrôlée sur la plage de Nice, porteuse d'un simple voile.
Sur une suite de photos prises au téléobjectif, on la voit d'abord allongée sur les galets, tandis que quatre policiers municipaux s'approchent. Puis assise, entourée des fonctionnaires, enfin faisant le geste d'ôter sa tunique.
Ces clichés ont enflammé les réseaux sociaux - le hashtag #WTFFrance (What the fuck France) a été utilisé dans plusieurs dizaines de milliers de tweets -, indigné la presse étrangère, et conduit le Conseil français du culte musulman (CFCM) à réclamer en urgence une entrevue place Beauvau. Le président du CFCM Anouar Kbibech y a fait part de la "forte émotion et forte inquiétude au sein des musulmans de France", en réaffirmant "l'attachement" de ces derniers "aux valeurs de la République".
M. Cazeneuve a renvoyé la balle au Conseil d'Etat sur la question du burkini, rappelant que rien n'interdisait aux maires de prendre des mesures restreignant les libertés pour préserver l'ordre public, à condition qu'elles soient "rigoureusement proportionnées". Charge à la plus haute juridiction administrative d'apprécier cette "proportionnalité", après que le tribunal administratif de Nice a, dans une première étape, validé l'arrêté de Villeneuve-Loubet.
Pour la juridiction locale, l'interdiction est "nécessaire, adaptée et proportionnée" pour éviter des troubles à l'ordre public après la succession d'attentats en France, dont celui de Nice le 14 juillet, qui a fait 86 morts. Le tribunal a aussi estimé que le port de ces tenues de bain pouvait "être ressenti comme une défiance ou une provocation exacerbant les tensions ressenties par la population".
A Nice, au moins 24 femmes ont été verbalisées depuis le début de la semaine. A Cannes, l'arrêté a conduit à verbaliser le 16 août une jeune mère de famille musulmane, venue à la plage coiffée de son voile, sous l'œil de badauds lui criant "rentre chez toi!". Sur ce cas, le Parti socialiste a dénoncé "une dérive particulièrement dangereuse".
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