Lagny : le Conseil d'Etat suspend la dissolution d'une association qui gérait une mosquée
La dissolution de cette association comme la fermeture de la mosquée avaient constitué, en janvier, des marqueurs de la détermination du gouvernement à s'attaquer aux foyers de radicalisation dans la foulée des attentats djihadistes du 13 novembre, les plus meurtriers jamais commis en France.
Ces mesures répondaient à la ligne de fermeté fixée par le président François Hollande face à des "actes de guerre", devant le congrès réuni à Versailles trois jours après les attentats, dans une France sous état d'urgence.
La plus haute juridiction administrative, saisie en référé (urgence) par l'Association des musulmans de Lagny-sur-Marne, a estimé que le décret de dissolution avait été "pris à l’issue d’une procédure irrégulière propre à créer (...) un doute sérieux quant à sa légalité", dans sa décision consultée par l'AFP. Le Conseil d'Etat ne s'est en revanche pas prononcé sur le bien-fondé de la mesure de dissolution, qui fera l'objet d'une audience ultérieure, "d'ici l'été".
L'association avait été informée en décembre que sa dissolution était envisagée et avait été invitée à réagir. Le courrier contenant ses observations, envoyé le 14 décembre au ministère de l'Intérieur qui en a accusé réception, "s’est ensuite perdu". Les observations de l'association n'ayant pas pu être prises en compte, le Conseil d'Etat a jugé "le décret litigieux" irrégulier. "Cette décision nous permet de respirer", s'est réjoui le président de l'association Mohammed Ramdane, assurant à l'AFP avoir "toujours eu confiance en la justice de la République".
"C'est une décision qu'on accueille avec joie, car c'est une décision de plein droit. Les musulmans de Lagny vont pouvoir retrouver leur association, et une instance représentative pour contester l'arrêté de fermeture de leur lieu de prière", a déclaré l'avocat de l'association, Karim Morand-Lahouzi.
La mosquée de Lagny avait été fermée en décembre dans le cadre de l'état d'urgence. Le 25 février, le Conseil d'Etat avait confirmé la fermeture de ce lieu de culte, présenté par le ministère de l'Intérieur comme "un foyer d'idéologie radicale".
Pour justifier sa décision, le Conseil d'Etat avait expliqué avoir "constaté qu'entre 2010 et 2014, l'association gérant la salle de prière avait été présidée par une personne connue (...) pour faire l'apologie du jihad armé". Et que la salle avait servi "de lieu d'endoctrinement et de recrutement des combattants volontaires, dont plusieurs ont rejoint les rangs de Daech", le groupe Etat islamique.
Lors des débats au Conseil d'Etat, la représentante du ministère avait expliqué que le but n'était pas "d'interdire aux fidèles de Lagny de prier, mais d'interdire au groupe de fidèles qui a noyauté l'association de disséminer leur idéologie radicale et de constituer des filières" de recrutement pour le djihad.
"Le danger est toujours là", avait-elle lancé au juge, s'inquiétant de l'existence d'un "foyer d'idéologie radicale" à quelques encablures de Disneyland. Face à elle, Me Morand-Lahouazi avait plaidé que les instances et les hommes qui avaient pris la mosquée en main au printemps 2015 n'avaient "rien à voir avec le passé".
Une allusion à l'imam salafiste Mohamed Hammoumi, 34 ans, qui a officié à Lagny jusqu'à son départ en Egypte fin 2014. Ce dernier "a compté parmi ses élèves des personnes apparues dans l'entourage immédiat d'auteurs d'attentats terroristes", affirmait Bercy dans un arrêté pris en avril pour geler ses avoirs. Il aurait "joué un rôle majeur dans le recrutement de volontaires pour le jihad en Syrie".
Moins de trois semaines après les attentats, une opération policière d'envergure avait été menée le 2 décembre en pleine nuit à Lagny. Bilan: un revolver, des documents sur le djihad et "un disque dur dissimulé" saisis, une madrasa (école coranique) clandestine découverte, 22 interdictions de sortie du territoire et neuf assignations à résidence "d'individus radicalisés" prononcées.
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