Essai clinique à Rennes : la famille du patient décédé attend des réponses
Après avoir ressenti de premiers symptômes, maux de tête et troubles de la vue, au centre d'essais cliniques de Biotrial, Guillaume Molinet avait été hospitalisé au soir du 10 janvier au CHU de Rennes. Son état neurologique s'est aggravé et il est mort une semaine plus tard, à 49 ans. Cinq autres patients avaient aussi été hospitalisés, dont quatre présentaient des lésions cérébrales.
"J'aimerais avoir des réponses. Est-ce que ces essais thérapeutiques étaient vraiment nécessaires ? Quels étaient leurs buts réels?", a demandé sa compagne, Florence, lors d'une conférence de presse à Paris, au cabinet de son avocat Jean-Christophe Coubris.
L'avocat a déposé plainte, dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris pour homicide et blessures involontaires.
A ses yeux, plusieurs anomalies apparaissent dans le protocole du laboratoire portugais Bial, qui testait la molécule "BIA 10-2474". Cette molécule appartient à une famille d'inhibiteurs d'une enzyme (la FAAH), qui empêchent la destruction de substances produites dans l'organisme, les endocannabinoïdes, susceptibles d'apaiser la douleur et l'anxiété.
D'après l'avocat, le protocole présente "une multitude d'objectifs" confondus et flous, il passe sous silence les morts d'animaux, chiens et singes, lors des études précliniques, et ne pose pas assez de limites en cas d'effets secondaires. De quoi se demander, selon lui, si le but n'était pas de rechercher, justement, le maximum d'effets secondaires.
L'avocat s'est interrogé sur les buts recherchés par le laboratoire portugais, en mettant en avant ses liens avec la fondation Bial, "qui a pour activité principale la parapsychologie".
Dans un premier rapport rendu lundi, le comité d'experts mis en place par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a demandé des précisions au laboratoire. Ces experts jugent que la démonstration sur l'animal de l'effet antidouleur de la molécule est a priori "beaucoup trop sommaire pour justifier la poursuite d'un développement, a fortiori chez l'homme". Ils notent aussi que d'autres laboratoires ont abandonné le développement de molécules de la même famille à une étape plus avancée que l'essai de Rennes pour leur "inefficacité".
Le rapport établit que la molécule est la cause de l'accident, mais les experts s'interrogent aussi sur l'âge des volontaires et certains facteurs de risques chez eux. Ils évoquent "un antécédent de traumatisme crânien grave" chez l'un d'eux, en l'occurrence Guillaume Molinet.
"Un accident de vélo à l'âge de six ans, dont il n'a conservé aucune séquelle", a balayé l'avocat.
La famille de la victime a également mis en cause le centre d'essais Biotrial. Alors qu'il "va manifester les premiers symptômes à 9h du matin", puis des troubles de la vue et des difficultés d'élocution, "on va lui donner un gramme de paracétamol à 20h et on va l'adresser aux urgences". "N'aurait-on pas dû agir plus tôt?", a demandé l'avocat, en rappelant aussi que "le lendemain matin" le protocole s'est poursuivi pour les autres patients volontaires.
"La molécule a été administrée aux autres volontaires lundi 11 janvier à 8h. A ce moment-là, nous n'étions absolument pas au courant de l'aggravation de l'état de santé du patient, hospitalisé la veille avec des symptômes pas particulièrement graves", a répondu à l'AFP le directeur général de Biotrial, François Peaucelle.
"L'hôpital ne nous a fait part de cette dégradation qu'à 10h30", a-t-il affirmé.
Pour sa part, l'avocat de la famille s'en est remis au parquet de Paris, en qui il a "toute confiance". Mais il a souhaité qu'une information judiciaire soit confiée à des juges d'instruction, pour avoir accès au dossier, ce qui n'est pas le cas lors de l'enquête préliminaire.
Le parquet a indiqué vendredi à l'AFP que "des expertises médicales sont en cours" et qu'il attend les résultats "pour envisager les suites et le cadre procédural le plus approprié".
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