Au Sommet de l'Élevage, végans et éleveurs face à face
Durant les trois jours du Sommet de l'élevage, des militants végans sont venus protester plus ou moins pacifiquement, au nom de la cause "animaliste". A chaque fois, ils ont été éconduits plus ou moins pacifiquement par des éleveurs qui aiment leurs animaux, et les mangent.
Des deux côtés de ces mondes qui s'ignorent et se détestent, la tension - la peur presque - était palpable dans ce jeu de rôle grandeur nature, tandis que 93.000 visiteurs venus de plus de 80 pays se pressaient de mercredi à vendredi à Cournon-d'Auvergne pour y voir 2.000 bêtes d'exception.
L'association la plus connue, L214, "antispéciste", anti-élevage et anti-viande tout court, tente à coups de films chocs d'éveiller les consciences contre les violences faites aux animaux, dans les abattoirs notamment.
Earth Resistance, qui a essayé de faire parler d'elle pendant le Sommet, affichait sa volonté de se confronter à "l'agroalimentaire, aux lobbies et aux politiques", soit au "système industriel et économique de production de la viande", selon la présidente de l'association Emilie Pujol.
Mais les militants se sont surtout frottés... aux éleveurs eux-mêmes.
Mercredi, le jour n'était pas levé lorsque des manifestants se sont accrochés à des bidons de béton à l'entrée du salon, "une action de désobéissance civile". La police n'est pas intervenue, ce que les deux camps ont regretté, selon des témoignages recueillis par l'AFP.
"Jamais je n'aurais cru que la police nous laisserait seuls et ne nous protégerait pas face à des gens équipés de machines pour nous déloger", confie une végan. "Jamais je n'aurais pensé que les éleveurs doivent expulser eux-mêmes les manifestants", s'étonne un éleveur de vaches limousines.
"Je leur ai dit : +Ecoutez, partez, sinon on va être obligé de vous évacuer. Vous ne pouvez pas bloquer+", explique Fabrice Berthon, commissaire général de la manifestation. "A ce moment-là, les éleveurs laitiers devaient aller soigner leurs animaux et sortir des remorques de fumier."
- 'Depuis le Néolithique' -
Comme les militants n'ont pas obtempéré, les éleveurs sont passés à l'action. "Ils ont utilisé des machines. On ne s'attendait pas à cette violence, beaucoup ont été choqués", affirme Emilie Pujol.
"J'ai pris mes responsabilités et comme nous sommes dotés d'engins agricoles, on est venu évacuer les plots béton. On a tiré les militants pour qu'ils se désolidarisent et enlèvent leurs bras avant de prendre les plots. Forcément, il y a eu un peu d'énervement, de chahut mais on n'a pas frappé les gens. L'évacuation a duré 30 minutes", assure Fabrice Berthon.
"Nous aimerions que les agriculteurs un jour comprennent que notre message n'est pas contre eux, qu'ils sont eux aussi victimes du système en gagnant très peu d'argent après s'être lourdement endettés", fait valoir la présidente de Earth Resistance.
Jeudi, le groupe qui a pris la relève, 269Life Liberation animale, a choqué par ses slogans: "Honte à ce métier de paysan", "A bas les agriculteurs", qui ont divisé jusque dans le camp des militants.
"Des fous furieux, des révolutionnaires avec lesquels on ne peut pas parler", selon un éleveur.
Au troisième jour, une quarantaine de militants d'Earth Resistance ont à nouveau tenté de s'enchainer à l'entrée, avant d'être expulsés par les forces de l'ordre cette fois-ci.
"C'est une erreur tactique de se mettre à dos les éleveurs. Ils existent depuis le Néolithique. Le Massif Central, c'est un peuple d'éleveurs. Ils évolueront quand la société évoluera, pas par des actions violentes", estime M. Berthon.
"Le tractage et le militantisme traditionnel ne servent plus à rien. Le nombre d'animaux tués et le nombre d'éleveurs suicidés augmente, les éleveurs sont enfermés de manière morale et physique dans un système qui les oppresse, nous voulons abolir cette injustice", répond Lily Rochette, 28 ans, activiste à plein temps chez Earth Resistance.
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