Aux Philippines, le vaccin contre la dengue sème une totale confusion

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Par Cecil MORELLA - Imus (Philippines) (AFP)
Publié le 17 avril 2018 - 10:52
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Pavillon spécialisé de surveillance pour les personnes vaccinées contre la dengue avec le Dengvaxia au Quirino Memorial Medical Center à Manille, le 5 mars 2018
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© Noel CELIS / AFP/Archives
Pavillon spécialisé de surveillance pour les personnes vaccinées contre la dengue avec le Dengvaxia au Quirino Memorial Medical Center à Manille, le 5 mars 2018
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Quatre mois après la suspension d'une campagne de vaccination contre la dengue, la confusion demeure totale aux Philippines quant aux effets du Dengvaxia en raison, notamment, de la communication ambiguë des autorités.

Le géant français Sanofi, fabricant du premier vaccin contre la dengue autorisé dans le monde, a beau contester tout lien de causalité entre son produit et le décès d'enfants, le vent de panique n'est pas retombé dans l'archipel.

La suspicion est telle que la vaccination contre d'autres maladies recule dangereusement.

D'après le ministère de la Santé, les taux de vaccination infantile contre des maladies comme la rougeole ont ainsi baissé de 25% durant l'année écoulée. Des épidémies de rougeole ont fait au moins 13 morts.

Des blogueurs favorables au président Rodrigo Duterte, suivis par des millions de personnes sur Facebook, soufflent sur les braises, la campagne de vaccination ayant été lancée sous son prédécesseur Benigno Aquino. M. Aquino, lui, n'a pas de mots trop durs pour la campagne antidrogue meurtrière de son successeur.

"Le jeu des reproches l'emporte sur le vrai sujet sanitaire", déplore auprès de l'AFP Ronald Mendoza, doyen de l'école de l’administration publique de l'Université Ateneo.

"Cela pourrait faire plus de tort que de bien à la santé publique."

L'affaire a débuté fin 2017, après une campagne de vaccination publique qui a concerné 837.000 écoliers.

Sanofi a présenté le vaccin comme une percée dans le combat contre cette maladie transmise par des moustiques et qui fait chaque année des centaines de morts dans l'archipel, essentiellement des enfants.

- 'Aucune preuve' -

Mais le géant y a créé la panique fin novembre en annonçant que le vaccin pouvait aggraver les symptômes chez les personnes jamais infectées auparavant en cas d'exposition au virus.

Dans la foulée, Manille a suspendu sa campagne de vaccination tandis que des centaines de milliers de parents terrorisés se demandaient si leurs enfants étaient en danger.

Sanofi a toujours fermement défendu le Dengvaxia.

"Aucun décès mettant en cause le vaccin n'a été rapporté dans les 15 pays où les essais cliniques ont été menés pendant plus de dix ans et auxquels 40.000 personnes ont pris part", déclarait encore le groupe le 21 mars.

"Il n'existe à l'heure actuelle aucune preuve que l'administration de notre vaccin soit à l’origine de décès", poursuivait Sanofi, en dénonçant "un climat de défiance à l’égard de la vaccination".

Mais cela a été sans effet sur la colère de Philippins comme Melinda Colite, 55 ans, convaincue de tenir la cause de la mort de son petit-fils Zandro, 12 ans.

"Cela ne peut avoir été autre chose. Il a commencé à se plaindre de douleurs après sa troisième injection".

La semaine dernière, un total de 65 décès suspects avaient été rapportés aux autorités et faisaient l'objet d'une enquête, selon le ministère de la Santé.

- Cacophonie -

La confusion a été alimentée par les désaccords publics au sein des autorités quant à la dangerosité du vaccin.

"Nous ne pouvons à ce stade conclure que le Dengvaxia ait été la cause directe des décès", avait déclaré en février le ministre de la Santé Francisco Duque, évoquant le cas de 14 enfants.

Mais avec l'apparition de nouveaux cas potentiels, le gouvernement a demandé au Public Attorney's Office (PAO), l'agence offrant une aide juridique aux plus pauvres, de se saisir du sujet.

Or, selon la cheffe du PAO, Persida Acosta, les certificats de décès des enfants en question montrent qu'ils ont succombé à des "syndromes respiratoires aigus, des encéphalites, appendicites, chocs septiques". "Tout cela s'apparente à la dengue sévère", a-t-elle déclaré.

Diagnostiquer la dengue post-mortem est malaisé et la cause des décès pourrait rester incertaine, expliquent les spécialistes.

Le test le plus généralement utilisé pour détecter le génome du virus est le RT-PCR. Mais après un décès, le matériel génétique se dégrade rapidement, dit à l'AFP Benjamin Neuman, spécialiste des virus.

"Le défi consistant à déterminer la cause de la mort avec le RT-PCR peut, de difficile, rapidement devenir impossible", ajoute-t-il. On ignore en outre si ce type de test a été utilisé dans les enquêtes en cours.

Pour Ruth Jaime, dont le petit-fils de 12 ans Alexzander est décédé d'une infection du sang des mois après sa dernière dose, les choses sont claires.

"Bien sûr personne ne nous dira ce qui a provoqué son décès", lâche la poissonnière dans sa maison de l'ouest de Manille.

"Mais si vous avez un enfant en bonne santé et qu'il meurt après avoir reçu une injection, n'est-ce pas à ça que vous imputeriez le décès?"

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