Cannes 2022 : Ruben Östlund rafle la Palme d'or, clap de fin pour un Festival d'emblée politisé

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FranceSoir
Publié le 29 mai 2022 - 14:06
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Ruben Östlund
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CHRISTOPHE SIMON / AFP
"Sans filtre", ouvre à Ruben Östlund les portes du club très fermé des réalisateurs lauréats de deux Palmes d’or.
CHRISTOPHE SIMON / AFP

La 75e édition du Festival de Cannes a touché hier à sa fin. Après douze jours de compétition pour les 21 longs-métrages sélectionnés, Triangle of Sadness (Sans filtre), réalisé par Ruben Östlund, succède à Titane, Palme d'or punk et gore qui avait secoué la Croisette l'an dernier. Une nouvelle consécration pour le Suédois de 48 ans, puisqu’il vient de rafler samedi 28 mai une deuxième Palme d'or, cinq ans après "The Square", rejoignant ainsi le club fermé des réalisateurs lauréats de deux Palmes d’or.

"Tout le jury a été extrêmement choqué par ce film", a annoncé Vincent Lindon, le président du jury. En sacrant Ruben Östlund, le jury du Festival a donc fait le choix de la satire politique.

Elevé par une mère communiste, se définissant lui-même comme "socialiste", le réalisateur a voulu dénoncer au travers de son film Sans Filtre, par le biais de la caricature et de l’outrance, le capitalisme et les excès de la société de l'apparence, mettant également en exergue des thématiques chères aux idéologies marxistes et "woke" : la lutte qui opposerait les hommes et les femmes, les Blancs et les Noirs, les riches et les pauvres.

Ruben Östlund explique ne pas avoir voulu "décrire les riches comme méchants" mais plutôt "comprendre leurs comportements". "Lorsque nous avons commencé ce film, nous n'avions qu'un but : essayer de faire un film qui intéresse le public et qui le fasse réfléchir avec provocation", a déclaré le Suédois, euphorique sur la scène du Grand théâtre Lumière, en recevant son prix.

Un Festival de Cannes politisé dès son coup d'envoi

Le Festival de Cannes, qui a été retransmis sur France 2 (et non Canal+ pour la première fois depuis 28 ans) a donné d'emblée une tonalité politique à sa 75e édition au moment de son lancement mardi 17 mai. Outre le bannissement des délégations officielles russes, le Festival a offert une tribune, depuis Kiev, au président ukrainien. Une apparition surprise de Volodymyr Zelensky sur l'écran du Palais des Festivals, qui a été suivie d'une longue ovation par le gratin du cinéma mondial. D’autres polémiques sont venues émailler l’évènement.

Voir aussi : Oradour-sur-Glane, intervention à Sciences Po... Zelensky sur tous les fronts de la communication

Les rodéos urbains, une forme d'art comme une autre ?

Une vidéo du média Konbini qui a beaucoup fait parler : la pratique des rodéos urbains louée par la réalisatrice Lola Quivoron dans son film de fiction “Rodeo”, présenté cette année au Festival de Cannes. Cette dernière y fait l’éloge d’une forme d’expression artistique comme les autres et attribue la plupart des accidents aux policiers, malgré une enquête de l’institut CSA pour CNews publiée le 25 mai, qui a dévoilé une adhésion de pas moins de 96% des Français sondés à l'intensification de la lutte contre les rodéos sauvages.

Sans surprise, les internautes ont tôt fait de commenter l’affaire sur les réseaux sociaux.

Voir aussi : Rodéos urbains: le nombre de condamnations en hausse de 40% entre 2020 et 2021

Ladj Ly, un acteur français au passé tumultueux membre du jury du Festival

Autre point qui a fait réagir : l’étonnante présence dans le jury de Ladj Ly, réalisateur des Misérables, malgré sa condamnation en 2012 à trois ans de prison ferme pour « enlèvement et séquestration ».

Plus récemment, lui et son frère ont fait l’objet d’une enquête du parquet de Bobigny, rapportait Mediapart. Fondateur de l’école de cinéma Kourtrajmé, basée à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, Ladj Ly est suspecté d’avoir détourné 285 000 euros du compte de l’association Cité des arts visuels – qui gère l’école – mais aussi 50 000 euros depuis les caisses de la société de production Lylyfilms, qui a co-produit les Misérables.

Par ailleurs, une transaction de 118 000 euros du compte de l’association à la société Lylyfilms doit aussi être examinée, car il manquerait des justificatifs. Des antécédents qui n’ont pas eu l’air de troubler le Festival de Cannes outre mesure.

Voir aussi : "Les Misérables": un regard de l'intérieur sur les banlieues

L’interview de Diam’s qui enflamme la sphère médiatique et les réseaux sociaux

Enfin, l’interview de Mélanie Diam’s sur le média Brut. Lors de la présentation à Cannes d’un documentaire consacrée à son histoire, l’ex-rappeuse racontait dans cet entretien accordé à Brut jeudi 26 mai comment l’islam et le voile lui ont redonné goût à la vie.

De quoi enflammer la toile et la sphère médiatique, à l’instar du journal Marianne qui a titré son article sur ce sujet : « Diam's sur canapé : pour son interview sur Brut, Augustin Trapenard renonce au journalisme ».

En effet, pour le média, « cet entretien vidéo d’une quarantaine de minutes, conduit par l’animateur Augustin Trapenard, incarne à merveille les travers éditoriaux du média « progressiste » dans sa manière de traiter ceux à qui il donne la parole : 100 % d’empathie, 0 % de distance critique ». Et d’estimer : « Faire preuve de tact n’empêche pas d’adopter un point de vue critique sur le parcours de l'ancienne rappeuse, à qui la vedette empathique de France Inter évite soigneusement de poser toute question sensible. »

De son côté, Bruno Attal, secrétaire national du syndicat « France Police - policiers en colère », qui estimait début janvier sur notre plateau que la police « n’était pas là pour emmerder les non-vaccinés, mais pour protéger les Français », a accusé Brut d’islamo-gauchisme. « Combien de gamines vont se voiler après ça ? », s’est-il ému sur Twitter.

Voir aussi : "Nous ne sommes pas là pour emmerder les non-vaccinés" Bruno Attal, du syndicat France Police

Autres prix décernés

Parmi les autres prix de la soirée, l’actrice iranienne Zar Amir Ebrahimi, qui a dû quitter l'Iran pour la France en 2008 à la suite d'un scandale sexuel, a obtenu le prix d’interprétation féminine pour son rôle dans le thriller d'Ali Abbasi Les Nuits de Mashhad. L’acteur sud-coréen Song Kang-ho repart, lui, avec celui de l’interprétation masculine pour Les Bonnes étoiles du Japonais Kore-Eda.

Les réalisateurs Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen (pour Les Huit Montagnes) et Jerzy Skolimowski (pour EO) se partagent un prix du jury ex aequo. Tandis qu’un prix spécial du 75e anniversaire a été remis aux frères Jean-Pierre et Luc Dardenne pour Tori et Lokita.

Le palmarès complet de la 75e édition :

Palme d'or : Sans filtre de Ruben Östlund (Suède)

Grand prix : Close de Lukas Dhont (Belgique) et Stars at Noon de Claire Denis (France)

Prix d'interprétation masculine : Song Kang-ho dans Les Bonnes étoiles de Hirokazu Kore-eda (Corée du Sud)

Prix d'interprétation féminine : Zar Amir Ebrahimi dans Les Nuits de Mashhad de Ali Abbasi (Danemark)

Prix de la mise en scène : Decision to Leave de Park Chan-wook (Corée de Sud)

Prix du scénario : Boy from Heaven de Tarik Saleh (Suède)

Prix du jury : Les Huit Montagnes de Felix Van Groeningen & Charlotte Vandermeersch (Belgique) et Eo de Jerzy Skolimowski (Pologne)

Prix du 75e anniversaire : Tori et Lokita de Jean-Pierre & Luc Dardenne (Belgique)

Palme d'or du court métrage : The Water Murmurs de Story Chen (China)

Mention spéciale du court-métrage : Lori de Abinash Bikram Shah (Népal)

Caméra d'or : War Pony de Riley Keough et Gina Gammell (Etats-Unis)

Mention spéciale Caméra d'or : Plan 75 de Chie Hayakawa (Japon)

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