6 août 1945, la bombe atomique détruit Hiroshima (VIDEO)
Le 6 août 1945, les Etats-Unis lançaient pour la première fois une bombe atomique sur une ville ennemie, Hiroshima. Trois jours après, la seconde bombe larguée sur Nagasaki allait achever de convaincre les Japonais de capituler.
C’était un lundi. Le 6 août 1945, à 8h15 du matin, un bombardier B-29 américain surnommé Enola Gay largue la première bombe atomique de l’Histoire sur la ville japonaise d’Hiroshima, faisant, selon les sources, entre 70.000 et 140.000 morts.
"Hiroshima ne compte plus un seul être vivant", titre France-Soir dans sa 6e et dernière édition du jeudi 9 août, ajoutant: "La bombe atomique a 'brûlé à mort' la ville qui n’est plus que ruines effroyables".
A l’époque France-Soir n’existe que depuis neuf mois, et a pris la suite de Défense de la France, créée par les résistants Robert Salmon et Philippe Viannay sous l’Occupation le 14 juillet 1941. Le journal est déjà sous la direction de Pierre Lazareff, et déjà installé au 100 rue Réaumur, qu'il ne quittera qu'en 1988.
L'article de Une de France-Soir cite Radio Tokyo, qui "décrit en des termes horrifiants l’effet de la bombe atomique qui a 'littéralement carbonisé' tout être vivant à Hiroshima. La puissance destructive de l’engin nouveau dépasse toute imagination. Il est encore impossible de fixer le nombre des morts, mais il est déjà certain que c’est le raid le plus meurtrier de cette guerre".
Autant que le bilan des morts, c'est la nouveauté de cette arme atomique utilisée pour la première fois (après des essais secrets dans le désert américain) qui surprend le monde entier. Les photos d'Hiroshima ne sont évidemment pas encore parvenues, et sur sa première page France-Soir ne publie qu'une petite photo montrant trois hommes, avec cette légende: "Voici réunis trois des inventeurs de la bombe atomique: le savant anglais sir James Chadwick, le général américain Groves et le docteur Richard Tolman, de l’Office scientifique des USA".
Parmi les autres titres de Une, le journal révèle que "le secret de la bombe ne sera momentanément révélé ni à l’URSS, ni à la France". Et ceci, précise le journal, citant le Times Herald, "avant qu’une étude approfondie soit faite sur les conséquences de l’utilisation de la force atomique en temps de guerre et en temps de paix".
"Une grande anxiété succède dans le monde au premier étonnement", ajoute France-Soir dans un autre article de première page. Au Vatican notamment, le pape "Pie XI a été profondément impressionné à l’annonce de l’invention de la bombe atomique et n’a pas caché son anxiété quant à l’usage qui en sera fait dans l’avenir".
Alors que la défaite de l'Allemagne dans cette Seconde guerre mondiale était chose acquise, les dirigeants américain, britannique et soviétique s'étaient rencontrés en février 1945 à Yalta (Crimée): Roosevelt, Churchill, Staline. Après la capitulation allemande le 8 mai 1945, les trois mêmes nations s'étaient ensuite réunies à Postdam, près de Berlin, en juillet 1945: le nouveau président américain Harry Truman, successeur de Roosevelt depuis avril, avait retrouvé Churchill et Staline.
Le 26 juillet, à la fin de cette conférence de Potsdam, les trois ont signé un ultimatum à destination du Japon. Ultimatum rejeté par l'Empire du Soleil Levant. Truman a alors décidé de lancer la bombe atomique sur Hiroshima.
France-Soir rapporte le témoignage du colonel américain Paul Tibbets, pilote de la superforteresse Enola Gay qui largua sa bombe (baptisée Little Boy) sur Hiroshima: "Un éclair gigantesque, un remous monstrueux, un grondement terrifiant", dit le titre de l'article.
A côté, dans un dessin étonnamment naïf, Jean Effel représente un cow-boy qui exulte au "Far-West Bar" après avoir tout cassé –y compris la figure d’un autre cow-boy, à terre–, avec en légende ce jeu de mots: "Zut! La bombe à Tom Mix…".
Plus gravement, en bas de page, le résistant Jean-Daniel Jurgensen (1917-1987), membre du comité directeur de Défense de la France puis de France-Soir, signe un éditorial intitulé "L’âge atomique".
"Avec le message du président Truman, l’humanité a appris qu’elle était entrée dans un nouvel âge de son évolution", y écrit-il. "Désormais, avec la 'désintégration de la matière', elle dispose de l’énergie la plus puissante qui existe dans l’univers. Les conséquences immédiates sont immenses. Les conséquences lointaines sont infinies".
Jean-Daniel Jurgensen poursuit: "Si la nouvelle découverte, comme il est probable, peut être rapidement appliquée à l’industrie, les hommes de notre génération verront se mouvoir avions et fusées à des vitesses pratiquement illimitées autour de la terre et bientôt jusque dans les espaces interplanétaires. Et pourtant, la prodigieuse nouvelle de cette grande découverte était-elle une bonne nouvelle? On voudrait en être sûr. (…) Maintenant l’humanité se trouve réellement placée devant l’alternative: organiser la paix ou disparaître".
La Une de France-Soir de ce 9 août 1945 n'est pas entièrement consacrée à Hiroshima. On peut y lire, en haut à droite, le compte-rendu quotidien du procès Pétain, qui s'est ouvert le 23 juillet. Les anciens dignitaires de son régime, qui s'étaient réfugiés à Sigmaringen dans le sud de l'Allemagne, y témoignent leur attachement à leur chef.
Autre reportage, en bas de page, celui du journaliste Paul Bringuier, rédigé à la première personne, à travers l'Allemagne occupée par les Alliés. L'article est titré "Un million de soldats allemands se croient encore 'en garnison' dans le Schleswig-Holstein", la province du nord de l’Allemagne, trois mois après la capitulation du IIIème Reich.
Mais deux entrefilets, en milieu de page, sur le bombardement d'Hiroshima, retiennent l'attention. L'un deux affirme que "des superforteresses armées de bombes atomiques sont prêtes à partir pour anéantir le Japon".
Dans le second, France-Soir souligne que "la bombe atomique a coûté moins que neuf jours de guerre". L'article, daté de New York, précise que "le président Truman ayant annoncé que 'les Etats-Unis avaient aventuré deux milliards de dollars pour la plus grande gageure scientifique de l’histoire –et gagné', cela incita les fonctionnaires du ministère des Finances des Etats-Unis à faire un calcul amusant. Ils sont arrivés à trouver que si cette bombe raccourcit la guerre de neuf jours seulement, le coût de son invention sera compensé puisque, à son taux actuel, la guerre coûte 2,2 milliards de dollars –ou 110 millions de francs– tous les neuf jours".
Il ne faudra pas neuf jours. Le 8 août, l'URSS lance une offensive terrestre contre le Japon, et le 9 août, la seconde bombe atomique américaine est larguée sur Nagasaki. Le 14 août, l'empereur du Japon annonce la capitulation de son pays. La Seconde guerre mondiale est terminée.
(Voir ci-dessous la bombe atomique expliquée aux actualités cinématographiques de 1945):
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