Le 14 juillet 1945, jour de grande fête nationale
Ce fut, comme le titre ce jour-là France-Soir dans un encadré en première page, "un Quatorze Juillet comme on n’en a pas connu depuis sept années…".
Le samedi 14 juillet 1945, le quotidien de Pierre Lazareff fait paraître un numéro historique avec ces trois titres s’étalant en Une: "14 juillet 1945. Edition spéciale. Vive la République!".
Sous son nom, France-Soir rappelle celui de son prédécesseur, dont il a pris la suite huit mois tôt: "Défense de la France. Fondé sous l’Occupation (14 juillet 1941)".
Défense de la France avait été créé par un groupe d’étudiants parisiens réunis autour de Philippe Viannay et Robert Salmon, et était devenu France-Soir le 8 novembre 1944, après la libération de Paris, sous l’impulsion de Robert Salmon et Pierre Lazareff.
Ce 14 juillet 1945, la première page de cette édition spéciale est ornée de lampions, d’un bonnet phrygien et, de part et d’autre de la une, sur les colonnes de gauche et de droite, de banderoles bleu-blanc-rouge.
L’article principal est signé du rédacteur-en-chef Maurice Felut, ancien rédacteur-en-chef de La Montagne. Il commence ainsi:
"14 juillet 1945. Premier 14 juillet de la France libérée.
"Allons-nous retrouver la belle journée et ses traditions populaires: dans toutes les communes les drapeaux pimpants sous le soleil, les pompiers en uniforme sur les places de nos bourgades, la musique, les flonflons, les illuminations, les feux d’artifice éclairant la nuit d’été de leurs bouquets multicolores, les bals se poursuivant jusqu’à l’aube. Une journée où l’on danse, où l’on rit, où l’on fait bonne chère, où l’on crie +Vive la République!’+?
"Non, ce 14 juillet ne sera pas célébré à la bonne franquette comme ceux du bon temps où papa Fallières (Armand Fallières, chef de l’Etat de 1906 à 1913, NDLR) présidait la revue des pantalons garance. Il y aura bien des bals, des feux d’artifice, des concerts et une revue. Mais les soldats aux visages burinés qui défileront sans l’éclat des panaches et des dorures n’auront pas seulement la gaudriole en tête et c’est avec une gravité fervente que sur leur passage la foule criera: +Vive la République!+
"Car, si dans les fiévreuses journées de l’été dernier, toutes frissonnantes de sa révolte, le peuple a reconquis la France, (…) c’est la République qu’il retrouve en ce jour symbolique (… )".
Maurice Felut, pour conclure, incite les Français à "s’unir pour que ce 14 juillet soit à la fois une affirmation et un point de départ. L’affirmation qu’ils sauront protéger des institutions sans lesquelles –on l’a bien vu– la France n’est plus la France. Un point de départ vers d’autres conquêtes pour une vie plus libre, plus heureuse et plus noble".
A l’époque, le général de Gaulle est, depuis un an, président du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), et le restera jusqu’à janvier 1946, début de sa "traversée du désert".
Sur la droite de sa Une, France-Soir rappelle que la revue militaire de ce 14 juillet 1945 aura lieu à partir de 9h "de la Bastille à l’Arc de Triomphe" et que "le général de Gaulle et le bey de Tunis passeront les forces françaises en revue sur le cours de Vincennes", avant une remise de décorations.
Pour ce premier défilé du 14 juillet de l’après-guerre, c’est sur la place de la Bastille que sera installée la tribune officielle, décorée du V de la victoire entremêlé à la croix de la Libération et à quatre disques représentant les nations alliées.
Les troupes françaises, accompagnées de quelques divisions alliées, défileront également dans les principales avenues de Paris (place de l’Arc de Triomphe, place de la Madeleine, place de la République, place de la Bastille), devant une foule nombreuse.
La Une de cette édition spéciale de France-Soir comporte également un grand dessin représentant la prise de la Bastille, surmontant un article racontant l’histoire du 14 juillet 1789.
Et un entrefilet rappelle que "la sous-préfecture de Sceaux et le pont de la Concorde ont été construits avec les pierres de la Bastille".
En bas de la Une, en bandeau rouge sur toute la largeur de la page, une publicité vante les mérites du blockbuster de cet été 1945: le film de Charlie Chaplin Le dictateur, qui "fait rire tout-Paris au Gaumont-Palace".
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