L'Union européenne investit dans la défense avec un projet d'achats conjoints
Le 19 juillet dernier, inspirée par l'achat mutualisé de vaccins, la Commission européenne a annoncé sa volonté de créer un nouvel instrument budgétaire destiné à stimuler les passations conjointes de contrats d’armement entre les pays membres. Alors que les États membres s'évertuent depuis mars à fournir Kiev en armes et équipements, cette proposition met en lumière le déficit d’investissement en défense et sécurité de l’Union européenne ; les stocks sont quasiment vides.
Inciter les États membres à acheter des armements communs
Pour muscler son industrie, l’Union européenne (UE) propose une enveloppe de 500 millions d’euros — qui sera prélevée sur le budget européen, à dépenser d'ici à l'année 2024. Celle-ci devrait permettre aux États membres de financer partiellement les achats communs en matière de défense : des missiles antiaériens, antitanks, de l’artillerie légère ou lourde, etc.
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Inciter les pays membres de l’UE à acheter conjointement des armes, tel est l’objectif de la Commission. Cet outil financier concerne uniquement les achats auprès d’entreprises d’armement installées au sein de l’UE, qui n’échappent pas au contrôle européen. Les achats pourront également se faire auprès d’entreprises basées dans l’UE, mais sous contrôle étranger, à condition que celles-ci remplissent les critères rigoureux du Fonds européen de défense (FED), créé en 2017.
Arriver après la guerre ?
Pour Bruxelles, il est primordial de moderniser la défense, dont les armements datent de l’époque soviétique, mais aussi d’investir davantage dans les systèmes de défense aériens. Si l'objectif est compréhensible, le timing paraît hasardeux.
Après s'être vidée de ses moyens pour soutenir l'Ukraine, sous la houlette des États-Unis et du "front anti-Poutine", l'Union européenne se rend compte qu'il faut investir dans la défense !
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En d'autres termes, ce financement partiel d’achats en commun illustre les défaillances des systèmes de défense européens. À ce sujet, Le Figaro rapporte qu’entre 1999 et 2021, "les dépenses de défense combinées de l’UE n’ont augmenté que de 20 %, contre 66 % pour les États-Unis et de près de 300 % pour la Russie". À cela, on peut ajouter qu’au cours de l’année 2021, les États membres n’ont investi conjointement que pour 11 % des investissements militaires… Loin derrière les 37 % initialement prévus en 2017 par la Commission ! Optimiste, celle-ci prévoit toujours de pérenniser l'instrument pour permettre aux États membres de coopérer militairement.
"L’ambition est d’aller beaucoup plus loin"
L'instrument de financement proposé par l’UE prévoit de débourser entre 10 et 20 % du montant total de chaque passation conjointe. Et à peine est-elle lancée, l'Union vise déjà "plus loin". Pour Thierry Breton, commissaire au Marché Intérieur, "il s’agit en effet d’un projet pilote", dont "l’ambition est toutefois d’aller beaucoup plus loin, avec un instrument qui sera pérenne".
C'est une avancée cruciale pour l’UE, d'après Federico Santopinto, chercheur au sein du Grip. Celui-ci avance que "pour la première fois, le budget de l’UE va permettre de financer l’achat de matériel militaire, ce qui constitue un grand pas vers l’intégration européenne de la défense". Et de poursuivre : "À un moment crucial, la Commission cherche à coordonner les dépenses militaires des États membres pour qu’elles se fassent dans une logique européenne et éviter ainsi une fragmentation des capacités de production de l’UE".
Pourtant, selon Hélène Masson, chercheuse à la Fondation pour la recherche stratégique, "la situation capacitaire (de chaque armée) est toujours très hétérogène d'un État à l'autre". En somme, si l'intention semble bonne, la réalité du terrain semble (encore) faire du tort à l'Union européenne : le rêve d'une Europe forte et soudée est encore lointain.
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