En Antarctique, formation d'un des plus gros icebergs jamais vus
Un iceberg de mille milliards de tonnes, l'un des plus gros jamais vus, vient de se former après s'être détaché de l'Ouest Antarctique, région vulnérable aux dérèglements climatiques, où la calotte glaciaire subit de profonds changements.
"Le vêlage (la séparation) s'est produit entre lundi et mercredi", ont annoncé les scientifiques de l'Université de Swansea (Royaume-Uni), se basant sur des données satellitaires de la Nasa.
Les chercheurs surveillaient de près l'évolution de ce bloc de glace de 5.800 km2 (soit 55 fois la surface de Paris, la taille de Bali, ou les deux tiers de la Crète).
Épais de 350 m, l'iceberg, qui sera probablement baptisé "A68", n'aura pas d'impact sur le niveau des océans car il flottait déjà sur l'eau.
Mais il faisait partie d'une gigantesque plateforme de glace, nommée Larsen C, qui, à l'ouest de l'Antarctique, retient des glaciers capables, eux, de faire gagner 10 cm aux mers du monde s'ils finissent dans l'océan, selon les chercheurs. Larsen C, privée de 12% de sa superficie, est désormais "potentiellement moins stable", soulignent-ils.
Au final, la zone pourrait suivre l'exemple de Larsen B, une autre plateforme glaciaire qui s'était désintégrée de façon spectaculaire en 2002 sept ans après la formation d'un iceberg. Une troisième plateforme, Larsen A, avait disparu en 1995.
Larsen C était fissuré depuis des années par une gigantesque crevasse, qui s'est allongée de manière frappante ces derniers mois, gagnant jusqu'à 18 km en décembre. Début juillet, le futur iceberg n'était plus relié au continent que sur cinq kilomètres.
- L'Ouest Antarctique dans le viseur -
La formation des icebergs est un processus naturel, que le réchauffement de l'air comme des océans contribue cependant à accélérer, soulignent les scientifiques.
Or l'ouest de l'Antarctique est une des régions du globe se réchauffant le plus rapidement, sous l'effet d'un dérèglement climatique mondial généré par les activités humaines.
"La progression future de cet iceberg est difficile à prédire", souligne Adrian Luckman, professeur à l'université de Swansea et responsable du projet Midas, qui suit la situation. "Il pourrait rester entier, mais devrait plus probablement se rompre en plusieurs fragments. Une partie de la glace pourrait rester dans la région des décennies durant, tandis que des portions pourraient dériver vers le nord et des eaux plus chaudes".
D'après l'Agence spatiale européenne, les courants pourraient entraîner des morceaux jusqu'aux Malouines, générant même un risque pour les navires croisant dans le détroit de Drake (le bras de mer séparant l'extrémité sud de l'Amérique latine et l'Antarctique).
Mais au-delà de l'iceberg, que va devenir Larsen C, plateforme glaciaire épaisse de 200 à 600 m, collée à la péninsule antarctique ? "Nous allons suivre les signes d'instabilité du reste de la plateforme", explique le glaciologue Martin O'Leary, du projet Midas.
"Dans les mois et années à venir, la plateforme pourrait soit se reconstituer peu à peu, soit souffrir d'autres départs d'icebergs pouvant en toute fin conduire à son effondrement. Là-dessus les scientifiques sont divisés", ajoute M. Luckman : "Nos modèles disent qu'elle sera moins stable. Mais tout effondrement ne se produirait pas avant des années, voire des décennies."
"C'est le signe que les +ice shelves+ (plateformes glaciaires, ndlr) sont de plus en plus fragilisées", estime Catherine Ritz, chercheuse au CNRS, qui y voit le signal d'un réchauffement accéléré.
"Les glaciers (derrière Larsen C, ndlr) n'ont pas un gros potentiel et sont contraints par des montagnes. Ils ne vont pas s'emballer jusqu'à entraîner une grosse partie de l'Antarctique", estime toutefois cette spécialiste des calottes polaires.
La scientifique évoque des secteurs "beaucoup plus problématiques" à l'ouest du continent blanc (dont le socle est nettement en-dessous du niveau de la mer, contrairement à l'est): dans la mer d'Amundsen, le glacier de l'Île du Pin ("PIG") et surtout celui de Thwaites qui, à lui seul, peut faire grimper de quelque 2 m le niveau des mers. "Eux ont un potentiel de recul, sans pouvoir s'arrêter, si leur plateforme glaciaire fond. Et PIG a déjà bien commencé", dit-elle.
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