Homophobie : "année noire" pour les personnes LGBT en 2018
Une année noire" et "un triste record": les agressions physiques envers les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bis, trans) ont atteint un niveau inégalé en 2018, signe d'une homophobie "de plus en plus violente" selon le rapport annuel de SOS Homophobie dévoilé mardi.
Avec 231 agressions physiques recensées, "2018 a été une année noire pour les personnes LGBT", écrivent Véronique Godet et Joël Deumier, coprésidents de SOS Homophobie, en préambule du rapport, qui déplore un "triste record". Le précédent datait de l'année 2013 - 188 cas -, marquée par un pic des actes homophobes lié à l'adoption de la loi autorisant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe.
"Cela montre que l'on fait face à une homophobie et une transphobie de plus en plus violente", constate Joël Deumier. Parfois jusqu'à la mort, avec le meurtre en août de Vanesa Campos, une travailleuse du sexe transgenre tuée par balle dans le Bois de Boulogne.
L'année 2018, qui enregistre un bond de 66% des agressions physiques LGBTphobes par rapport à 2017, doit ses mauvais résultats à son dernier trimestre, lors duquel un cas d'agression par jour en moyenne a été signalé à SOS Homophobie.
A l'automne, plusieurs victimes avaient créé l'émoi en relayant sur les réseaux sociaux leurs visages tuméfiés. "Des victimes se sentent de plus en plus à l'aise et légitimes pour prendre la parole dans le débat public", se réjouit Joël Deumier.
Le 21 octobre, une foule de 3.000 personnes s'était rassemblée à Paris à l'appel de plusieurs associations après cette série d'agressions homophobes dans la capitale.
En réaction, la secrétaire d'Etat chargée de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, avait présenté fin novembre un plan de lutte contre les violences LGBT.
"Sur la dizaine de mesures annoncées, seules deux ont été mises en oeuvre: une circulaire de la ministre de la Justice Nicole Belloubet adressée aux parquets et une campagne de sensibilisation à l'école lancée en janvier. Pour nous, c'est largement insuffisant", pointe Joël Deumier.
Il attend notamment un "premier bilan chiffré" du nombre de policiers, gendarmes, magistrats et professeurs formés aux violences LGBT. Sollicité par l'AFP, le cabinet de Mme Schiappa n'a pas donné suite.
- Lesbophobie -
Au total, en 2018, "SOS Homophobie a recueilli 1.905 témoignages d'actes LGBTphobes", en augmentation de 15% par rapport à 2017 (1.650 témoignages), soit la troisième année de hausse consécutive, observe l'association, qui tire ses données de sa ligne d'écoute, son chat ou son formulaire en ligne.
Les manifestations de rejet (62%) et les insultes (51%) sont les faits les plus fréquemment signalés par les victimes, devant les discriminations (38%), le harcèlement (20%), les menaces (17%) et la diffamation (17%).
Fait notable: les signalements des agressions de lesbiennes ont bondi de 42%, avec 365 actes répertoriés. "Un par jour, c'est énorme", souligne Véronique Godet. "Avant, les lesbiennes minimisaient les agressions, les insultes. Désormais, elles prennent plus souvent la parole. Cela s'inscrit dans une vague revendicative, dans le sillage des mouvements féministes initiés par #Metoo et #Balancetonporc", constate-t-elle.
"Les lesbiennes continuent d'être invisibilisées", observe néanmoins SOS Homophobie dans son rapport. "Leur sexualité est niée ou fantasmée dans une société encore très hétéronormée. Se tenir la main dans la rue, c'est encore se mettre en danger pour les lesbiennes, qui aimeraient que ce ne soit plus un acte militant mais un geste naturel", regrette Véronique Godet.
Enfin, comme chaque année depuis 2010, Internet reste "le premier lieu d'expression des LGBTphobies", déplore l'association, avec 23% des signalements.
La députée LREM Laetitia Avia a déposé en mars une proposition de loi visant à lutter notamment contre les contenus homophobes en ligne. Le texte, que le gouvernement voudrait présenter en Conseil des ministres à l'été, prévoit notamment d'imposer aux plateformes internet et aux réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête, de retirer sous 24 heures tout propos haineux.
"C'est une loi qui irait dans le bon sens", estime Joël Deumier, car "il y a un lien de cause à effet direct entre les violences en ligne et les violences réelles".
L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.
Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.
Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.
Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.