Jean-Jacques Susini, dernier nostalgique de l'Algérie française

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Par AFP
Publié le 16 juillet 2017 - 16:46
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Jean-Jacques Susini, le 22 octobre 2004 à Paris
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Jean-Jacques Susini, le 22 octobre 2004 à Paris
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Jean-Jacques Susini, dernier nostalgique de l'Algérie française, ancien chef de l'Organisation de l'armée secrète (OAS), vient de mourir à 83 ans sans avoir manifesté de remords pour les attentats, notamment contre le président Charles De Gaulle (1890-1970), dont il a assumé la responsabilité jusqu'à son dernier souffle.

Assassinats, enlèvements, torture, attentats aveugles, ratonnades contre des Algériens, au total environ 1.600 morts et 5.000 blessés, il a -- presque -- tout justifié au nom d'un attachement viscéral à la terre algérienne, sa seconde patrie. C'est tout juste si au début des années 2000 il avait exprimé "des regrets" pour l'attentat le 7 février 1962 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) au domicile d'André Malraux (1901-1976), ministre de la Culture du général De Gaulle, attentat qui avait fait perdre un oeil à une petite fille de quatre ans, Delphine Renard, et provoqué dans la population un rejet massif de l'OAS.

Décédé le 3 juillet, ses obsèques ont eu lieu à Paris le 6 juillet en présence de nombreux adeptes d'une époque révolue et en grande partie tombée dans l'oubli.

Il était né à Alger le 30 juillet 1933 dans une famille d'origine corse, avec un père cheminot et syndicaliste. C'est sa grand-mère maternelle, admiratrice du dictateur fasciste italien Benito Mussolini (1883-1945), qui lui servira de boussole.

Etudiant en médecine, toujours tiré à quatre épingles, il adhère au parti gaulliste, le Rassemblement du Peuple Français (RPF), pour s'en détacher rapidement.

Dès 1958, Jean-Jacques Susini a l'intuition que le fameux "Je vous ai compris" du général De Gaulle à Alger ne signifiait pas "Je suis d'accord avec vous". Et il rejoint le Front national français du cafetier Joseph Ortiz (1917-1995), préfiguration de l'OAS. Alors que les Français du continent veulent l'indépendance de l'Algérie, lui se veut le défenseur des "pieds-noirs", les Français d'Algérie: "Je défendais le sol, la famille, c'était un tout", dira-t-il au quotidien Corse-Matin. Avec Jo Ortiz et l'avocat Pierre Lagaillarde (1931-2014), il organise en 1960 à Alger les "Journées des barricades", ce qui lui vaut d'être condamné à deux ans de prison avec sursis.

Jean-Jacques Susini s'exile alors en Espagne où il fonde l'OAS en 1961 avec le général Raoul Salan (1899-1984), dont il dirigera la branche Action psychologique et propagande (APP). En 1962, il regagne Alger avec le général Salan alors que l'Algérie est meurtrie par le terrorisme aveugle de l'OAS et du Front de libération nationale (FLN) algérien.

Après l'échec du "Putsch des généraux" mené par Raoul Salan et le début de l'exode des "pieds-noirs", Jean-Jacques Susini prend l'initiative de négocier avec des dirigeants modérés du FLN, Abderrahmane Farès et Chawki Mostefaï, négociations conclues par une trêve des attentats et un accord dans lequel le FLN reconnaissait l'OAS comme "le représentant des Européens d'Algérie". Mais, au sein du FLN, ces modérés seront balayés par le futur chef de l'Etat algérien Ahmed Ben Bella (1916-2012) et l'accord jamais mis en oeuvre.

- La haine pour De Gaulle -

La haine de Jean-Jacques Susini pour son ancien héros Charles De Gaulle n'en sera que plus forte et il le rendra responsable de "tous ces gens égorgés comme des lapins, mais aussi de l'exode d'un million de nos compatriotes dans des conditions terribles".

En France, l'OAS commettra au moins deux attentats contre le président De Gaulle: le 22 août 1962 au Petit-Clamart, dans la banlieue parisienne, où le chef de l'Etat et son épouse, Yvonne, échapperont par miracle au mitraillage de la voiture présidentielle, et le 15 août 1964 à une cérémonie officielle au Mont-Faron, à Toulon, où une bombe dissimulée dans une jarre fera long feu.

Condamné deux fois par contumace à la peine de mort par la Cour de sûreté de l'Etat, celui qui se décrit comme un "patriote" de l'Algérie vit dans la clandestinité en Italie avant de revenir en France à la suite d'une première amnistie accordée en 1968 par le président De Gaulle. Définitivement amnistié en 1981 par le président socialiste François Mitterrand (1916-1996), il fonde une société de gestion en sécurité.

En politique, il s'engage au Front national de Jean-Marie Le Pen: candidat aux élections législatives à Marseille en 1997, il obtient 45% des voix au 2e tour, mais est battu par le dirigeant communiste Guy Hermier.

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