La réforme de la SNCF, marchepied pour celles des retraites ?
Soutenue par l'opinion mais combattue par les syndicats, la réforme éclair de la SNCF représente pour Emmanuel Macron, en baisse dans les sondages, un test pour des réformes à venir encore plus délicates: celles des retraites et de la fonction publique, selon les analystes.
"Emmanuel Macron veut imposer un choc thatchérien en France", estime l'analyste Philippe Moreau-Chevrolet, qui dresse un parallèle avec la Première ministre britannique des années 80.
"Margaret Thatcher avait déclenché sciemment et brutalement un conflit avec le syndicat des mineurs, en prenant l’opinion à témoin. En gagnant, elle avait obtenu ses galons de dame de fer et eu les mains libres pour libéraliser l’économie britannique. Macron veut être l’homme de fer français, briser les syndicats et s’attaque donc à leur bastion numéro 1, la SNCF", estime l'analyste.
Après l'annonce d'une réforme par ordonnances de la SNCF avant l'été, comprenant la fin du statut des cheminots pour les nouveaux entrants, plusieurs syndicats ont menacé d'une grève dure et longue, la CGT-cheminots se disant prête à "un mois de grève" et la CFDT-cheminots à une "grève reconductible à partir du 14 mars".
"Macron risque de voir le pays paralysé mais il peut compter sur l’impopularité de la SNCF et de ses retards", avertit l'analyste. "La grève SNCF est devenue le symbole des blocages français. S'il gagne, il aura les mains libres pour la réforme des retraites".
"Côté opinion publique, il ne prend pas de risque majeur", renchérit Bruno Cautrès, du Cevipof. "L'opinion publique adhère à l'idée de réformer la SNCF car elle a l'image d'un secteur trop protégé, avec son régime de retraites et ses billets gratuits", juge le politologue. Il ne croit pas à une grande grève comme celle de 1995 car, contrairement à Jacques Chirac, Emmanuel Macron avait annoncé ses intentions.
C'est l'atout sur lequel parie le gouvernement, qui estime que la méthode pour cette réforme est un "cas d'école" : un objectif annoncé d'avance, des discussions multiples via les "assises de la mobilité", le rapport du sénateur Philippe Duron et celui commandé à Jean-Cyril Spinetta pour "refonder" la SNCF, puis l'annonce claire d'une réforme "sans louvoiement".
- Front syndical ? -
Le risque peut venir d'un autre front, avance Bruno Cautrès : celui des fonctionnaires, qui peuvent estimer qu'après les cheminots, l'ensemble du statut de la fonction publique pourrait être remis en cause.
Début février, l'annonce par le gouvernement de pistes de réforme de la fonction publique (départs volontaires, davantage de contractuels, rémunérations au mérite...) a poussé les syndicats à prévoir une journée de grève le 22 mars.
Trois des quatre syndicats des cheminots ont décidé de s'y joindre.
L'autre gros chantier de 2019 sera la réforme des retraites, avec la fin des régimes spéciaux, cheminots compris. L'Elysée veut aussi revoir plus globalement la place de l'Etat en France : ce sera l'objet en avril de l'explosif rapport "CAP 22", sur lequel planche tout le gouvernement.
"La réforme de la SNCF amorce des dossiers qui risquent de moins bien se passer que les ordonnances travail, en faisant émerger un front syndical plus uni et des tensions politiques plus fortes", souligne Bruno Cautrès.
"Le gouvernement risque de devoir lâcher certaines choses,ou d'apparaître comme un gouvernement qui n'écoute pas", estime-t-il.
Lundi soir, Edouard Philippe a calmé le jeu sur la préservation des "petites lignes", en se démarquant des préconisations de Jean-Cyril Spinetta qui souhaitait faciliter la fermeture des moins rentables d'entre elles.
Autre dossier sensible pour l'instant suspendu, le "big bang" de la formation professionnelle que devait annoncer ce mardi la ministre du Travail Muriel Pénicaud, au delà de l'accord conclu entre les partenaires sociaux. L'annonce a été reportée à lundi.
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