Les Maldives s'enfoncent dans le chaos politique
Le petit archipel touristique des Maldives s'enfonçait mardi dans le chaos politique après l'arrestation du président de la Cour suprême, l'opposition appelant à une intervention internationale pour renverser le président Abdulla Yameen qui dénonce lui une "conspiration".
Le président de la Cour suprême Abdulla Saeed et un autre juge ont été arrêtés mardi au petit jour pour "corruption" par des policiers lourdement armés, cinq jours après que la haute juridiction eut infligé un camouflet au régime maldivien en cassant les condamnations de neuf éminents opposants.
Après avoir refusé d'appliquer l'arrêt de la Cour et de libérer les prisonniers politiques incarcérés, le gouvernement a décrété lundi soir l'état d'urgence pour quinze jours.
"J'étais dans l'obligation de décréter l'état d'urgence car il n'y avait aucun autre moyen d'enquêter sur ces juges. Nous devions d'abord suspendre leur autorité et leur immunité. Car nous devions découvrir jusqu'où va la conspiration ou le coup" d'État, s'est expliqué le président Abdulla Yameen dans une allocution télévisée. Selon lui, le président de la Cour suprême œuvrait à le destituer.
Dans la foulée, la Cour suprême, réduite à trois juges, a annoncé sa décision de revenir sur son arrêt ordonnant la libération de neuf opposants politiques, "à la lumière des inquiétudes exprimées par le président".
Le Parti démocratique des Maldives (MDP) de l'ex-chef de l'Etat Mohamed Nasheed, devenu un opposant en exil, a dénoncé une décision prise sous la pression par les juges.
"Yameen a fait pression pour obtenir la révocation de la décision d'origine", a déclaré le porte-parole du MDP Hamid Abdul Ghafoor à l'AFP.
Face à la volatilité de la situation, nombre de pays - dont la France, la Chine et l'Inde - ont déconseillé à leurs ressortissants de se rendre dans cet archipel de 340.000 habitants (selon le dernier recensement), dont l'image est associée aux plages paradisiaques de sable blanc et à la mer bleu turquoise.
L'ex-autocrate Maumoon Abdul Gayoom, demi-frère du président Yameen mais récemment passé dans l'opposition, a lui aussi été arrêté. Le Parlement, où l'opposition détient désormais sur le papier la majorité absolue, est suspendu depuis samedi.
"Le président Yameen a illégalement décrété la loi martiale et s'est emparé de l'État. Nous devons l'évincer du pouvoir. Le peuple des Maldives a une requête légitime envers les gouvernements du monde, notamment l'Inde et les États-Unis", a déclaré Mohamed Nasheed dans un communiqué.
- Demande d'intervention indienne -
L'ancien chef de l'État, qui figurait parmi les opposants dont la condamnation avait été initialement cassée par la Cour suprême, a réclamé une intervention militaire indienne et un blocage financier américain.
"Nous voudrions que le gouvernement indien envoie un représentant, appuyé par son armée, pour libérer les juges et les détenus politiques, dont l'ancien président Maumoon Abdul Gayoom, et les ramener chez eux. Nous demandons une présence physique", a dit M. Nasheed.
Condamné en 2015 à 13 ans de prison pour "terrorisme" et incarcéré, ce champion de la lutte contre le réchauffement climatique était parti l'année suivante à la faveur d'une permission médicale au Royaume-Uni où il a obtenu le droit d'asile.
L'Inde est déjà intervenue militairement aux Maldives par le passé. En 1988, dans le cadre de l'"opération Cactus", elle avait dépêché des troupes pour faire échouer une tentative de coup d'État contre Maumoon Abdul Gayoom.
L'opposition a par ailleurs demandé que Washington "s'assure que les institutions financières américaines interrompent toutes les transactions en dollars des responsables du régime aux Maldives".
- 'Purge' -
L'instauration de l'état d'urgence vient renforcer les pouvoirs déjà très vastes des forces de sécurité pour arrêter et maintenir en détention des suspects.
Les Nations unies ont appelé mardi le gouvernement maldivien à "respecter la Constitution et la primauté du droit" et à "lever l'état d'urgence le plus rapidement possible".
La Cour suprême avait expliqué son annulation des condamnations des neuf opposants en estimant que celles-ci étaient d'une "nature contestable et avaient des motivations politiques" et avait ordonné l'organisation de nouveaux procès. Le gouvernement avait refusé d'obtempérer et qualifié l'arrêt de la Cour d'anticonstitutionnel.
La décision de la Cour avait provisoirement libéré la voie à une candidature de M. Nasheed à la présidentielle, qui doit se dérouler cette année. Il avait déclaré son intention de se présenter face au président Yameen, qui l'avait battu en 2013 dans des circonstances controversées.
"Un état d'urgence ne peut pas être utilisé pour perpétrer ce qui semble être une purge contre la Cour suprême et l'opposition", a dénoncé mardi Amnesty International, appelant à la libération des juges et des opposants politiques.
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