Trancher le nœud macronien - Le scénario d'une sortie de crise

Auteur(s)
Alain Tranchant pour France-Soir
Publié le 29 novembre 2024 - 15:25
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Meyssonnier / AFP
Trancher le nœud macronien - Le scénario d'une sortie de crise
Meyssonnier / AFP

OPINION - Trois mois à peine après l'arrivée aux affaires d'un gouvernement Barnier qui parait déjà en grande difficulté, il n'est pas une Française et il n'est pas un Français de bon sens qui pense que l'expérience d'un pouvoir sans aucune majorité, ni absolue, ni relative, puisse encore tenir deux ans et demi. 

Si l'on entend que "trancher le nœud gordien" revient à "résoudre un problème difficile de manière très directe en faisant quelque chose de puissant et d'extrême", alors le moment est venu de trancher le nœud macronien. 

Au lendemain des élections législatives consécutives à la dissolution de l'Assemblée nationale, ce n'est certainement pas la destitution du président Macron qu'il fallait demander (tout le monde savait qu'il n'y aurait pas de majorité au Parlement pour cela), mais sa démission. Il y a quarante ans - le temps passe, mais il accuse ceux qui font fi de leurs convictions pour un plat de lentilles à Matignon ou dans les palais de la République - Michel Debré disait au "Figaro" : "On ne consulte pas impunément le corps populaire. A tout vote populaire correspond une sanction politique". C'est cela la Vᵉ République ! 

Ayant prononcé la dissolution de l'Assemblée nationale au lendemain de la débâcle de ses troupes lors du scrutin européen, la logique des institutions de la Vᵉ République - aujourd'hui totalement dévoyées - voulait donc que le président de la République, encore défait lors des élections législatives qu'il avait provoquées, quitte le palais de l'Élysée. C'est ce qu'avait fait le général de Gaulle en avril 1969, après un référendum où il recueillait 47,6 % des suffrages. Dans la nuit du 27 au 28 avril, il annonçait sa démission par un bref communiqué de presse. 

Il est vrai que M. Macron a été d'autant moins enclin à donner sa démission que, dans la sphère politique, personne ne le lui a vraiment suggéré. De part et d'autre de l'échiquier politique, tout s'est passé comme si l'on gardait le président de la République dans son palais, en voulant le réduire à l'"inauguration des chrysanthèmes" comme disait De Gaulle, ou au rôle de "roi fainéant" pour parler comme Sarkozy. En confinant Macron en son palais, les dirigeants politiques entendent utiliser Matignon comme un tremplin pour l'Élysée en 2027. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, et la France s'enfonce dangereusement. 

Dans la situation d'un pays au bord de l'abîme financier, de la récession économique et de l'explosion sociale, il n'est pas vrai qu'il n'existe pas de solution politique à la crise de régime. Et ce n'est assurément pas la promesse du passage à la proportionnelle - que le Premier ministre adresse à ses opposants pour tenter d'échapper à leur censure à l'Assemblée nationale - qui serait de nature à guérir un malade en bien triste état. Ce serait, au contraire, pérenniser une Assemblée sans majorité de gouvernement. La vie politique en Allemagne, dont le pouvoir nous vantait récemment encore la fameuse culture du "compromis", et où la coalition gouvernementale vient d'éclater, apporte une preuve surabondante de la nécessité d'une vraie majorité, autrement dit d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale, qui ne peut pas provenir de la représentation proportionnelle, les douze années de la IVᵉ République française sont là pour le prouver. 

Conformément à l'esprit des institutions comme à la pratique des grandes années de la Vᵉ République naissante, il n'est d'autre solution que de revenir devant le souverain, c'est-à-dire devant le peuple. Dans la tragi-comédie qui se joue sous nos yeux, ce n'est pas la Vᵉ République qui est en cause, c'est son abandon, sa négation, y compris par ceux-là mêmes pour qui la référence aux grands ancêtres est une figure imposée. 

En appeler au suffrage universel est non seulement souhaitable, mais absolument indispensable, pour donner la légitimité et l'autorité, qui ne peuvent que résulter du "vote populaire", à celles et ceux qui auront la lourde charge, demain, de remettre la France debout. Si les formations politiques présentes à l'Assemblée nationale s'entendent pour imposer le départ du président de la République et un retour devant les électeurs, personne ne pourra s'opposer à ce que le peuple exerce son pouvoir d'arbitrage et de décision. 

Désormais dépourvu de toute légitimité, massivement rejeté par les Françaises et les Français qui prennent conscience chaque jour davantage de l'état désastreux dans lequel il a plongé la France, M. Macron ne pourrait pas rester en place si l'Assemblée nationale venait à censurer tout gouvernement qu'il nommerait. Il n'aurait pas le choix de se soumettre ou de se démettre, il serait contraint de se démettre. 

Et ce ne serait pas un drame pour le pays. La Constitution a fort justement prévu cette situation qui s'est déjà produite en 1969, quand De Gaulle a donné sa démission, et en 1974, quand Georges Pompidou est décédé. Le président du Sénat, Gérard Larcher, assurerait l'intérim à la présidence de la République, comme l'a fait jadis Alain Poher. Suivant l'article 7 du texte fondateur de 1958, l'élection d'un nouveau président de la République aurait lieu "vingt jours au moins et trente cinq jours au plus après l'ouverture de la vacance", déclarée par le Conseil constitutionnel. 

Une fois le nouveau chef de l'État installé dans ses fonctions, il s'agirait de renouveler l'Assemblée nationale. Pour cela, il convient de modifier la Constitution. Les constituants de 1958 ne pouvaient certes pas prévoir que le pays pourrait connaître, sous la nouvelle République, les affres de la IVᵉ République et du régime des partis. Et si, pour le général de Gaulle, la voie royale de la révision constitutionnelle est le référendum de l'article 11 de la Constitution, à l'initiative du pouvoir exécutif et non du Parlement, il ressort clairement des travaux préparatoires de la Constitution de 1958 que le processus de révision de l'article 89, par la voie parlementaire, peut trouver application en cas d'urgence. Et nous y serions. 

Il reviendrait ainsi au nouveau président de la République de convoquer les deux assemblées en Congrès à Versailles pour modifier l'article 12 de la Constitution relatif à la dissolution de l'Assemblée nationale. En l'état, le texte indique qu'"il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale dans l'année qui suit" les élections générales consécutives à une dissolution de l'Assemblée nationale. Les députés et sénateurs compléteraient ce texte en écrivant par exemple : "Toutefois, cette disposition ne s'applique pas si un nouveau président de la République a été élu dans les douze mois suivant la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par son prédécesseur". 

Bien évidemment, pour retrouver une majorité et mettre fin au jeu des illusions, des combinaisons, et pour finir des trahisons, à l'œuvre aujourd'hui dans les allées du pouvoir et les travées des assemblées, il est impératif de maintenir le mode majoritaire du scrutin, à deux tours. Peut-être faudra-t-il ensuite recourir au référendum pour inscrire dans la Constitution le scrutin majoritaire à un seul tour, à l'anglo-saxonne, qui obligerait les formations politiques à se présenter unies devant les électrices et les électeurs, ainsi appelé(e)s à un choix très clair.  

Dans ce scénario, le peuple français serait amené à décider, à deux reprises en quelques mois, du destin de la France et de la République. Qui peut s'opposer à ce que le peuple soit appelé aux urnes pour choisir lui-même, et souverainement, son avenir ? 

C'est maintenant qu'il s'agit de revenir à la Vᵉ République. Sinon, je ne donne pas cher des chances de la France de retrouver un chemin d'honneur et de grandeur. 

 

Alain Tranchant, président-fondateur de l'Association pour un référendum sur la loi électorale 

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