Les primaires victimes de l'élection présidentielle ?
A droite comme à gauche, les élections primaires n'ont pas donné les résultats escomptés par les partis qui les ont organisées et le maintien de ce système inspiré du modèle américain est loin d'être assuré au terme d'une campagne chaotique.
Quel avenir pour les primaires en France ? De l'avis de François Hollande: aucun. "De cet épisode, je tire une conclusion: il ne doit plus y avoir de primaires dans les partis de gouvernement", affirme-t-il dans son récent entretien au Point.
En petit comité, le chef de l'Etat est catégorique : "La primaire en soi est destructrice. Je pense qu'il n'y aura plus jamais de primaire dans les partis de gouvernement, c'est terminé".
Analyse lucide ou ressentiment contre un système qui devait lui permettre de se relégitimer pour l'élection présidentielle et qui a au contraire contribué à son élimination de la course à l'Elysée ?
Trois des quatre candidats qui ont joué les premiers rôles dans la campagne - Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon - ne sont pas passés par la case primaire.
Présenté comme un "nouvel espace démocratique", le système des primaires a d'abord eu des effets positifs sur le débat électoral.
"Les deux primaires ont été les moments de la campagne où on a vraiment eu l’émergence de propositions et de vrais débats d'idées", selon Adelaïde Zulfikarpasic, directrice de BVA Opinion.
C'est aussi la période - novembre, décembre, janvier - où les Français interrogés par les instituts de sondage se sont dits le plus intéressés par la campagne, avec une forte mobilisation des électeurs, à droite mais aussi à gauche, et des débats télévisés très suivis.
- Retour en arrière ? -
A l'opposé, en prolongeant la campagne de plusieurs mois, les primaires ont renforcé la lassitude des électeurs. "L'effet le plus négatif, c'est l'allongement de la campagne. On rajoute deux mois à une campagne déjà considérée comme un peu longue par les électeurs", estime Daniel Boy, directeur de recherches au CEVIPOF (Sciences Po).
Les difficultés rencontrées à droite et à gauche avec les primaires n'ont pas été de même nature.
A gauche, le socialiste Benoît Hamon, qui l'a emporté avec un programme très à gauche, n'a pas su rassembler les sympathisants de son propre parti et s'est effondré en quelques semaine à moins de 10% d'intentions de vote. Le processus a par ailleurs pâti de la décision de candidats à la primaire organisée par le PS - Manuel Valls, François de Rugy... - de ne pas respecter leur engagement à soutenir le vainqueur.
A droite, où la primaire était organisée pour la première fois et a débouché sur l'élimination de Nicolas Sarkozy puis d'Alain Juppé, les affaires judiciaires et la mise en examen de François Fillon notamment pour détournement de fonds publics ont ensuite fortement perturbé la campagne.
"Ce n'est pas un défaut de la primaire. La difficulté, c'est qu'on ne peut pas recommencer une primaire, si le candidat n'est plus considéré comme adapté par certains, on ne peut pas le remplacer", constate Daniel Boy.
Si le candidat de la droite parvient à se hisser au second tour dimanche, son parcours aura été infiniment plus compliqué que sa victoire triomphale à la primaire ne le laissait envisager.
Et les deux principaux partis de gouvernement, le Parti socialiste et Les Républicains, sortent encore plus fragilisés de l'épisode.
"Dans la balance entre positif et négatif, les leçons à tirer ne sont pas forcément en faveur de la répétition de ce type de choix", juge Adelaïde Zulfikarpasic, pour qui "les primaires ne sont pas suffisamment installées dans la vie démocratique française pour empêcher tout retour en arrière".
Pour Daniel Boy en revanche, "il est très difficile de revenir sur quelque chose qui dans sa nature est démocratique. Par contre, les partis peuvent mieux l'organiser, l'éloigner davantage de l'élection pour qu'il n'y ait pas ce sentiment d'une campagne électorale interminable".
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