Liu He, un très proche de Xi pour négocier avec Washington
Il porte sur ses épaules le sort du commerce entre les deux premières économies mondiales. Considéré comme réformiste, le négociateur chinois Liu He, chargé des discussions commerciales avec Washington, est aussi un très proche du président Xi Jinping.
A 67 ans, le vice-Premier ministre connaît bien les Etats-Unis: il a étudié à la prestigieuse université d'Harvard dans les années 1990.
Aveu inhabituel pour un dirigeant chinois, il a confié être "sous pression" jeudi à son arrivée à Washington, où il devait reprendre les discussions avec ses homologues américains.
Avec un pistolet sur la tempe: à minuit, les nouveaux droits de douane américains sont entrés en vigueur, renchérissant de 25% plus du tiers des produits chinois importés aux Etats-Unis. Les tractations devaient nonobstant reprendre vendredi.
Signe du risque d'échec des négociations, après 10 mois de guerre commerciale, M. Liu n'a plus cette fois le titre "d'émissaire spécial" de Xi Jinping. Une précaution protocolaire qui permettrait d'épargner l'image du président chinois au cas où son négociateur serait une nouvelle fois humilié par ses interlocuteurs américains.
Au printemps dernier, M. Liu pensait être parvenu à un accord avec le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin... avant que le président Donald Trump n'impose une première volée de droits de douane punitifs aux produits chinois.
La stature politique de Liu He au sein du Parti communiste chinois (PCC) en aurait pâti.
- "Monsieur Economie" -
Longtemps resté discret, l'influent conseiller économique de Xi Jinping est sorti de l'ombre fin 2017 en devenant un des 25 plus hauts dirigeants du PCC. Il était désigné quelques mois plus tard vice-Premier ministre, confortant son rôle de "Monsieur Economie" du géant asiatique.
Cheveux d'un blanc satiné, Liu He est considéré comme l'orchestrateur du "rééquilibrage économique" chinois vers un modèle de croissance plus durable, moins dépendante de l'industrie lourde, de l'exportation et de l'endettement.
Auteur d'un ouvrage comparant les crises de 1929 et 2008 aux Etats-Unis, on le dit hanté par la question des périls financiers.
Ses partenaires américains veulent voir en lui un réformateur pour qui les pressions américaines seraient un bon moyen de réduire les subventions aux entreprises publiques déficitaires et de relancer l'économie chinoise via le secteur privé.
"Il y a des gens en Chine pour qui les réformes sont une bonne idée. Et il faut bien comprendre que ces personnes occupent des échelons très élevés", déclarait récemment le principal négociateur américain, Robert Lighthizer, semblant dresser le portrait de son homologue.
L'élite mondiale des affaires le découvre début 2018 au Forum économique mondial de Davos: il y pourfend le protectionnisme et promet l'ouverture des marchés chinois via "des mesures surpassant les attentes du monde".
- Amis d'enfance ? -
Christopher Balding, ancien professeur de l'Université de Pékin, ne voit cependant pas en lui un réformiste à l'occidentale, en dépit de sa formation américaine.
"Il ne faut pas sur-interpréter, c'est un technocrate qui devrait poursuivre la politique menée ces dernières années, avec centralisation de l'économie et contrôle accru de l'Etat", indique-t-il à l'AFP.
Né à Pékin comme Xi Jinping - des rumeurs en font des amis d'enfance - Liu He intègre la prestigieuse Université du Peuple après l'ouverture du pays au début des années 1980. Il rejoint ensuite l'agence de planification.
Formation rarissime pour un dirigeant chinois: entre 1993 et 1995, il étudie aux Etats-Unis et décroche un master d'administration publique à Harvard.
Il s'y initie, entre autres, aux théories du commerce international et donne l'image d'un "élève calme, très maître de lui, extrêmement studieux", selon un condisciple néozélandais de l'époque interrogé par l'AFP.
De retour à Pékin, il intègre un centre d'études gouvernemental. En mai 2013, président depuis peu, Xi Jinping le présente ainsi à un haut responsable américain: "Voici Liu He. Quelqu'un d'extrêmement important pour moi", selon des propos cités alors par le Wall Street Journal.
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