La faute à qui ? (première partie)

Auteur(s)
Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 01 octobre 2024 - 06:58
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A qui la faute ?
Crédits
DR, France-Soir
La faute à qui ? (première partie)
DR, France-Soir

Pardonnez-moi, mais, respect de la Charte de Munich oblige, il me faut faire ceci avant de tenter de répondre à la question que j'ai posée en titre : je dois commencer cet édito à contre-courant de ce qui a été rapporté dans les médias, en tout cas concernant la forme, à propos de cette affaire, ce fait divers sordide, ce drame atroce qui à juste titre a choqué l'opinion publique, à savoir le viol et le meurtre de Philippine, cette étudiante de 19 ans dont le corps sans vie a été retrouvé enterré dans le bois de Boulogne, dans l’ouest parisien, samedi 21 septembre.

De ce crime particulièrement abject, c'est vrai, un homme a été désigné coupable. Unanimement et irrévocablement désigné coupable par les médias (présentateurs, journalistes, chroniqueurs et Cie), et par ces professionnels de la récupération à des fins démagogiques que sont nos bons politiciens.  Tous reprennent là les investigations menées par la police, alors que celles-ci sont toujours en cours, et tous en tirent toutes sortes de conclusions, notamment quelles sont les mesures qui doivent être prises pour empêcher qu'un tel drame se reproduise à l'avenir ; c'est-à-dire le blabla habituel que nous ressortent toutes ces personnes à chaque nouvelle fois où, malheureusement, un drame similaire intervient... une fois de plus.

Bien que je sois terriblement horrifié par ce qui est arrivé à cette jeune femme qui aurait très bien pu être ma fille ou la vôtre, je m'offusque du fait que la désignation coupable de cet individu (Taha O., un Marocain âgé de 22 ans) intervient en violation manifeste du principe constitutionnel de la présomption d'innocence, a fortiori en attente que nous sommes toujours de sa version des faits, cela même si, en droit pénal français, l'aveu n'est pas une preuve, simplement un élément de preuve parmi les plus importants.

En effet, c'est justement parce qu'il s'agit d'un principe, et non pas d'une règle qui s'applique au cas par cas, ou pas, le principe constitutionnel de la présomption d'innocence, doit être appliqué dans toutes les affaires, y compris les plus sordides. Eux qui ont été similairement désignés coupables pendant des années, les personnes mises en cause dans l'affaire d'Outreau seront d'accord avec moi. Notamment, celui qui, ne l'ayant pas supporté, s'est suicidé durant l'instruction.

Car, n'en déplaise à ceux, politiciens et hommes et femmes des médias notamment, qui le conchient lorsque cela les arrange, mais l'invoquent quand ce sont eux-mêmes ou des confrères qui sont la cible de la justice, le respect du principe constitutionnel de la présomption d'innocence est indispensable à ce que la justice puisse s'acquitter de la première de ses missions. Celle dont toutes les autres dépendent : la manifestation de la vérité. Or, pour pouvoir s'acquitter de cette mission, la justice doit pouvoir officier en toute sérénité. Hélas, sérénité, il n'y a, lorsque, renforcée par la pression de la rue, la pression de la hiérarchie est portée à son maximum. Tel est immanquablement le cas dans un système comme le nôtre, où les juges (magistrats du siège) sont nommés par le président de la République, et que les procureurs (magistrats du parquet), en sus, sont placés sous l'autorité directe du ministère de la Justice. Et, lorsque la justice ne peut officier en toute sincérité, voici ce qui peut arriver.

Même si, dans le cas du viol et du meurtre de Philippine, nombre d'éléments avancés par la police tentent d'écarter cette hypothèse, la violation du principe constitutionnel de la présomption d'innocence peut conduire à ce que l'auteur véritable des faits arrive à échapper à la justice. À savoir si l'auteur des faits est une personne autre que celle qui a été publiquement désignée coupable par les médias ; ceci généralement pour satisfaire à l'exigence de la population, que « LE » coupable soit appréhendé le plus vite possible, voire immédiatement, cette exigence étant d'une intensité proportionnelle à la gravité de l'atteinte portée à la morale du moment, par l'infraction concernée. Le meurtre et le viol d'un enfant ou d'une très jeune femme, accompagnés ou non d'actes de torture ou de barbarie, s'inscrit très haut dans l'intensité de cette exigence. C'est logique. Éminemment compréhensible. 100 % légitime. Tout particulièrement pour les proches de la victime, ses parents en tête.

Fréquemment, mais pas que, des exemples existent, où c'est à bon droit que certains observateurs avancent l'hypothèse que c'est potentiellement de façon délibérée que telle personne a été immédiatement désignée coupable par les politiciens et par les médias, suite à une « indiscrétion » des personnes (policiers et magistrats) en charge de l'enquête (une « indiscrétion » qui intervient, elle, en violation du secret de l'instruction, principe général du droit pénal français), alors qu'en haut lieu ou ailleurs (accointance corporatiste ou autre), « on » savait pertinemment que cette personne était innocente. Pourquoi ? Pour assurer ainsi l'impunité à l'auteur véritable des faits. La ou les personnes véritablement coupables, in concreto, de l'infraction en question.

Voilà. Il fallait que cela fût dit, dit avant toute autre chose. Pour la bonne et simple raison, qu'en se focalisant sur une personne, plutôt que la faillite du système, et en dévoilant des informations en confidence sous secret de l'enquête, cela évite de parler des vrais problèmes.

 

Tentons maintenant de répondre à la question que j'ai posée en titre. Lors de l'attentat du 7 octobre 2023, plusieurs personnes m'ont pris à partie pour ne pas avoir condamné ou répondu immédiatement. J'avais effectivement pris le temps d'une réflexion, si important dans de pareil cas. Ce temps offre aussi un espace de deuil à la famille et aux français qui, marqués par le choc de ce crime, prennent immanquablement le temps de s'interroger en silence : et si c'était moi ? Si c'était mon enfant ? Qu'ai-je donc fait au bon Dieu pour que cela arrive à ma famille ? Pourquoi elle ? 

Alors répondre objectivement à la question, demande ce temps, probablement beaucoup de temps. C'est-à-dire tout le contraire de la précipitation dont font montre les médias mainstream et les politiciens qui se sont emparés de l'affaire, comme à l'accoutumée « en tout premier lieu » (pour ne pas dire uniquement) pour servir leurs intérêts partisans. Ils sont d'ailleurs tous prêts à défiler sur les plateaux télévisions pour resservir leur tambouille indigeste, réchauffée. Des professionnels du « yaka » (faire ceci ou faire cela) qu'ils sont tous.

Dans ce domaine, le tout neuf ministre de l'Intérieur s'est brillamment illustré. En effet, il a déclaré qu'il serait « intraitable ! » Attention. Intraitable, non pas contre la racaille du haut et la racaille du bas (délinquants et criminels en col blanc droits dans leur botte, ou à bonnet et casquette de travers), mais contre toute personne « qui proférera des menaces contre les forces de l'ordre, fera l'objet d'une plainte » (c'était le 24 septembre 2024, en direct sur Europe 1).

Et, on sait pouvoir faire confiance à Bruno Retailleau pour ce qui est de tenir parole. N'avait-il pas juré, avant la nomination de Michel Barnier à Matignon, que jamais ô grand jamais son groupe parlementaire (les LR) ne participerait à une coalition présidentielle, et que jamais ô grand jamais lui-même ne participerait à un Gouvernement nommé par Emmanuel Macron. Plutôt mourir !

« Que je trépasse si je faiblis ! »

Comme Georges Marchais l'a dit il y a 40 ans, lui aussi en direct (c'était à la télévision), emblématique secrétaire général du parti communiste français de jadis, époque où nos politiciens savaient encore s'exprimer avec franchise et sans papier, et surtout savaient faire leur autocritique : « Il n'y a que les imbéciles qui ne changent jamais d'avis. C'est ce que je dis depuis toujours. » Après quoi il avait ajouté ceci, suite aux rires du public : « J'ai p't'être dit une connerie, là. »

Néanmoins, c'est normal qu'on ait un doute concernant Bruno Retailleau. Il fait tout de même partie d'un Gouvernement, dans lequel un ministre du Gouvernement a été reconduit dans ses fonctions, ministre de la Culture, alors que cette personne, Rachida Dati, est mise en examen pour des faits dont la gravité est très indubitable : il s'agit de faits qualifiés par des délits chacun puni de dix ans d'emprisonnement. Bon, allez vous me dire (et vous avez raison), on a bien eu dans le Gouvernement précédent, une personne, Éric Dupont-Moretti, maintenue dans ses fonctions de ministre de la Justice, malgré le fait qu'il était mis en examen, et malgré le fait qu'il ait reconnu être l'auteur des faits pour lesquels il était mis en examen. Cependant, il n'a pas été reconnu coupable. Non. Sur réquisitions d'un magistrat directement placé sous ordres (le procureur général « près » la Cour de cassation) et nommé par le président de la République, ses collègues politiciens qui constituaient le jury dans cette affaire (députés et sénateurs siégeant ad hoc à la Cour de Justice de la République) ont estimé que nonobstant sa parfaite maîtrise de la matière pénale, issue de ses trente années d'expérience dans ce domaine et de ses fonctions, fait qu'Éric Dupont-Moretti savait obligatoirement que la commission de ces faits matérialiserait les délits des chefs desquels il était poursuivi. Toutefois, lorsqu'il a commis ces faits, il n'avait pas la volonté de commettre cette infraction (sic).

Cette interprétation du droit pénal étant une première dans l'Histoire de la justice. Cette première dans l'Histoire de France, tous systèmes politiques confondus, que fut son maintien dans ses fonctions de ministre de la Justice, alors qu'il était poursuivi, par la justice, pour des faits qu'il a commis dans l'exercice de ses fonctions de ministre de la Justice. Cette histoire (sans majuscule) s'est terminée comme elle avait commencé : une première dans l'Histoire de la politique, qui a complètement fini de discréditer la politique et la justice aux yeux des Français, et de ridiculiser la France à l'international. Remarquez, on a bien pour Président du Conseil constitutionnel, une personne responsable de la mort de milliers de personnes (affaire du sang contaminé), mais jugée « pas coupable » par blanchisseuse à hommes et femmes politiques « marrons » qu'est la Cour de la justice. Car rappelons à ce sujet, que c'est la Cour de justice de la République qui a dispensé de peine, une Christine Lagarde qui, par commission d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement lui aussi, a indûment fait dépenser au contribuable français, la coquette somme de 485 millions d'euros. Un menu larcin, c'est vrai, comparé aux dizaines de milliards d'euros, montant du préjudice porté au contribuable européen par les délits des chefs desquels Ursula Von der Leyen est poursuivie, dans la procédure visant l'entente illégale entre la Commission européenne et les laboratoires Pfizer, dans l'achat des millions de doses de leur « vaccin » prétendument anti-covid. Plainte en cours déposée par Frédéric Baldan, la Hongrie, la Pologne et près de 1000 autres plaignants.  Et, que dire du secrétaire général de l'Élysée, le très discret Alexis Kohler dont la défense, appuyée par le ministère public, demande la prescription d’une partie des faits de prise illégale d'intérêt. 

 

Cependant, d'autres personnalités politiques n'y sont pas allées de main morte, paradoxalement, dans leurs interventions publiques en commentaire du viol et du meurtre de Philippine. Pareillement, les membres du syndicat de la magistrature.

La retranscription et l'analyse de ces interventions publiques requérant une place et un temps conséquents, je vous propose que nous nous retrouvions, pour cela, dans la seconde partie, de cet édito. Le temps d'une réflexion en plus.

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