La Corse choquée par le décès d'Yvan Colonna : "c'était avant tout un humaniste"
À la suite du décès d’Yvan Colonna, nous avons recueilli plusieurs témoignages de personnes présentes en Corse pour entendre leur analyse de la situation.
Élagueur, Alain Schollaert a pris le temps depuis son chantier de répondre à nos questions. Selon lui, les Corses ont été choqués par cet assassinat, d'autant plus qu'il a eu lieu dans une prison française. Sur place, la police a mis plus de cinq minutes à réagir à l'agression du nationaliste. Le cas Colonna ne fait pas consensus ; certains avaient beaucoup d’affection pour le natif d’Ajaccio, d’autres n’oublient pas qu’il est accusé du crime d’un préfet de France.
Alain Schollaert explique : « L’affaire Yvan Colonna n’est pas encore claire pour tout le monde. Certains ont la croyance qu’il n’a pas tué le préfet Erignac, d’autres ont la conviction qu’il l’a tué. Le jugement d’Yvan Colonna pose encore beaucoup de questions. »
La deuxième personne interviewée, que nous appellerons Laura pour respecter son anonymat, est opposée à la main mise actuelle de l’État français. Malgré cela, elle ne souhaite pas être étiquetée "indépendantiste", ni Gilets jaunes, ni autres, car « ce sont des marqueurs qui divisent alors que le peuple partage un même combat », selon elle.
M. Schollaert rappelle que Gilles Simeoni, président du conseil exécutif Corse, est décrié par beaucoup de nationalistes. D'autres témoins corses nous ont confié qu'ils regrettent les accords que le représentant des nationalistes a passé avec l'État français.
Laura témoigne :
« Un Corse indépendantiste, c’est à la base un humaniste. L’indépendance de la Corse c’est avant tout pour tous les peuples. On veut un retour au local, à la région. On veut manger local. Bien sûr, aujourd’hui dans les manifestations il y a de tout, il y a forcément des jeunes qui ne savent même pas qui est Yvan Colonna, mais c’est une opposition à l’État français tel qu’on le voit aujourd’hui.
On est en colère essentiellement parce que Colonna a été assassiné par un islamiste et on pense que ce n’est pas pour rien. On n'est toujours pas sûr aujourd’hui que Colonna était sur place au moment du meurtre du préfet. Il ne faut pas oublier qui était Yvan Colonna, pour nous, c'était un humaniste, c'est l'image que l'on a.
C’est la même chose avec l’accusation de la directrice de la prison. Elle a la responsabilité de ce crime dans son établissement, mais ce n’est pas le sujet. On essaye toujours de détourner le sujet.
On est en colère en France contre cet État français. Il y a un SDF qui meurt tous les jours dans le pays. Ça fait quarante ans que je suis Gilet jaune dans l’esprit. On voit la France être vendue à tort et à travers.
Autre sujet, sur le fait que ce soit un islamiste qui soit accusé. On craint qu’ils divisent également sur cet aspect-là. Nous vivons très bien avec les populations immigrées. On vit d’un respect commun. On nous met dans une urgence en ce moment où il faut répondre tout le temps.
La chose à retenir pour notre combat, c’est qu’on veut un retour à la culture de nos régions. Qu’on se souvienne de nos souvenirs d’enfance. On ne veut pas être isolé sur notre île, mais on ne veut pas être soumis dans nos vies. »
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La troisième personne ayant répondu à nos questions, que nous nommerons Lucie, constate qu’il y a un rejet croissant de la France dans le cœur des Corses :
« Ça, ça fait des années qu’on le voit évoluer. En Corse, le peuple est très attaché à l'identité corse, mais avant les deux identités étaient plus compatibles. Les gens ici ne se reconnaissent plus dans la culture française. Le nationalisme, c'est beaucoup les jeunes qui le véhiculent, ce sont beaucoup les jeunes qui sont dans la rue depuis l’agression d’Yvan Colonna, début mars.
Les personnes âgées sont très attachées à la France, ils parlent le corse et ont continué à faire vivre la langue, mais ils partagent complètement la culture française également. Donc voilà un peu ce qu’on voit en France.
L’évènement est spectaculaire, mais je ne suis pas sûr que les médias relatent la réalité. C’est du sensationnel. La mort d’Yvan Colonna est un prétexte, les gens manifestent surtout pour rappeler qu’ils existent, mais l’étincelle était déjà là.
Il y a une confusion entre les autonomistes et les indépendantistes. Ce deuxième groupe est minoritaire en Corse. Dès que l'on a appris l’agression dans les médias, on savait que ça allait donner lieu à des manifestations. Colonna ce n’est pas un héros, mais c’est quelqu’un que tout le monde connaît ici.
Beaucoup le croient innocent, il n’avait pas eu un procès impartial à l’époque donc l’affaire n’est pas claire pour beaucoup. Globalement, tous les Corses demandent à ce qu’il y ait davantage de compétences pour les pouvoirs locaux. On a des difficultés spécifiques ici et qui ne peuvent pas être réglées par Paris. »
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