Le grand défi de l’humanité au cours du siècle : se perpétuer ou s’éteindre

Auteur(s)
Christophe Lemardelé pour France-Soir
Publié le 22 octobre 2024 - 11:28
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OPINION - 

La revue de l’INED (Institut national des études démographiques), Population & Sociétés, publie ce mois-ci les chiffres de la population mondiale, estimations à la mi-2024. Les démographes Gilles Pison et Svitlana Poniakina écrivent, et c’est bien la première fois, que les 10 milliards d’habitants seraient peut-être atteints à la fin du siècle. Or, auparavant, ils pouvaient écrire avec plus de certitude que ces 10 milliards seraient atteints en 2050. Que se passe-t-il ? Pourquoi une telle incertitude ? 

Il faut le dire, les données de la natalité dans le monde sont catastrophiques. Il n’y a pas un seul pays développé qui a un indice de fécondité suffisant pour permettre le renouvellement naturel de sa population. Tous ces pays sont en dessous de 2,1 enfants par femme, et même très en dessous. Et comme ces pays sont aussi vieillissants, avec une espérance de vie optimale, leur population va décroître brutalement à cause d’une mortalité en hausse : personne n’est éternel, pas même un Japonais de l’île d’Okinawa où il fait bon vivre. Les auteurs écrivent : « avec 8 décès pour 1 000 habitants en 2024, le Burkina Faso [est] mieux classé que le Japon qui en compte 12 ». 

Le « vieux » monde s’écroule de ne pas réussir à trouver une stabilité après avoir achevé sa transition démographique. Les pays d’Afrique sub-saharienne sont quasiment les seuls aujourd’hui à avoir une natalité dynamique du fait qu’ils ne sont pas tous encore, loin de là pour certains, dans un régime démographique moderne. Mais le problème n’est pas la natalité encore forte du Niger, c’est la dénatalité de la Corée du Sud. Pour faire simple : le monde « vieux », ce sont l’Europe, l’Amérique et même l’Asie, le monde « jeune », l’Afrique. Autant dire que cette situation et la perspective qu’elle dessine n’augurent rien de bon : immigration mal maîtrisée, paupérisation des personnes âgées, poids de cette population sur les actifs jeunes, etc. 

Mais il y a un problème bien plus important encore : une fois le constat fait, comment relancer la natalité dans des pays où le renoncement à enfanter semble s’accentuer ? Quelques chiffres : 1,6 enfant par femme en France, ex-championne de la natalité en Europe, 1,1 en Espagne, 1 en Ukraine (qui aura en plus des classes creuses à cause de la guerre) ; 2 enfants seulement en Inde (qui, certes, détrônera la Chine en 2050 en gagnant 200 millions d’habitants selon les estimations, alors que sa « rivale » en aura perdu à peu près autant) ; 1,6 au Brésil, 1,3 au Canada (l’immigration ne cessera pas) et 0,9 à Taïwan. 

Le tableau est simple à établir mais les raisons de la dénatalité sont bien plus complexes à trouver. Les facteurs les plus banals sont le mode de vie urbain, l’éducation supérieure qui fait reculer l’âge des femmes pour enfanter, les perspectives de carrière pour celles-ci qui entraînent une limitation des naissances, etc. Mais sans doute ne peut-on pas réduire la natalité au nombre moyen d’enfants par femme. En effet, un enfant est « normalement » l’enfant d’un couple. Et ce couple, auparavant, avait plusieurs enfants dans l’idée de fonder une famille. 

La notion de famille est presque connotée négativement dans les sociétés post-industrielles. L’individu souhaite se réaliser seul et semble ignorant de sa vieillesse à venir. Si rien ne vient inverser cette tendance à la dénatalité – un soudain réenchantement du monde, sans guerre (peace & love) ni angoisse millénariste (sauver la planète…) –, alors l’espèce humaine s’éteindra ou se réduira considérablement. Les techniques biomédicales pourront alors être mises en œuvre sans aucune éthique dans le seul but de maintenir une arche de Noé sur une planète vide. Spinoza avait écrit que l’homme est naturellement porté à persévérer dans son être. Visiblement, il n’en est rien en ce qui concerne sa descendance, sa vie s’arrête à lui : après moi, le déluge… 

Il est à noter enfin que la vaccination des jeunes femmes contre le covid dans nombre de pays occidentaux ou sous influence occidentale, avec des vaccins ARNm, n’a pas arrangé la situation. La natalité en France s’est effondrée fin 2022 et jusqu’à aujourd’hui, et des pays peu natalistes mais moins vaccinés comme la Roumanie, la Moldavie et la Bulgarie ont aujourd’hui un indice de fécondité supérieur à leurs voisins de l’ouest : 1,7. Il est évident que les dirigeants de nos pays sont si ignorants de la situation démographique qu’ils n’ont même pas songé à protéger la jeunesse pour préserver l’avenir. Induire que la venue d’un nouveau-né au monde est un problème écologique est une forme de nihilisme. Les enfants sont la vie et, sans eux dans les rues, l’ambiance sera celle d’un confinement sanitaire.  

Christophe Lemardelé 

Enseignant et chercheur en Sciences sociales 

 

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