Lettre au premier ministre Michel Barnier : les gens « d’en bas »

Auteur(s)
Christophe Lemardelé pour France-Soir
Publié le 10 septembre 2024 - 07:30
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Barnier
Crédits
Marin / AFP
Lettre au premier ministre Michel Barnier : les gens « d’en bas »
Marin / AFP

TRIBUNE

Monsieur le premier ministre, 

Depuis votre nomination, j’ai entendu deux mots : respect et écoute. L’expression « gens d’en bas » m’a d’abord heurté, après j’ai mieux compris : maladroit mais sincère. C’est finalement mieux que de dire « citoyens », qui ne mange pas de pain… 

Je dois vous dire que je ne reconnais plus mon pays depuis quatre ans au moins – les gilets jaunes, déjà… Je résumerai la situation en deux mots, moi aussi : culpabilisation, manipulation. L’Europe n’est plus, depuis qu’elle pense garantir la paix par la guerre. En 2022, certains n’hésitaient pas à dire que l’armée russe menaçait de nous envahir : manipulation. Que vouloir une négociation, c’était être pour Poutine : culpabilisation. Aujourd’hui, l’effort de guerre pèse sur tous les Français et qu’importe que l’Ukraine ne soit plus à terme qu’un cimetière à ciel ouvert où les drapeaux bleu et jaune, que tous les édifices publics ont brandi (je l’ai vu à Verdun…), flotteront dans un silence de mort. Pourquoi l’ARCOM laisse une chaîne d’informations commenter de manière orientée et indécente cette guerre comme s’il s’agissait d’une guerre virtuelle ? 

En 2021, le président et ses ministres d’alors ont considéré que les personnes refusant un vaccin de nouvelle technologie, craignant pour leur santé future, n’étaient plus vraiment des citoyens – culpabilisation – et étaient un danger pour leurs coreligionnaires – manipulation. Pourquoi aucune excuse, aucun bilan, n’a été formulée, n’a été tiré de cette pandémie si mal gérée ? Pourquoi avoir divisé ainsi les gens, d’en bas comme d’en haut, au point que des couples se sont déchirés, des familles ont été brisées ? Au point que des enfants vivent aujourd’hui avec des retards d’apprentissage et, pour les vaccinés, une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Car il y a bien des effets secondaires : on ne meurt pas dans son sommeil d’un soudain arrêt cardiaque avant l’âge de cinquante ans… Parce que la science, si invoquée alors, n’était qu’une croyance. Comment avoir confiance en des produits pharmaceutiques dont l’efficacité même fut si mal appréciée par ceux qui les défendaient ? Comment penser qu’ils étaient safe (pardonnez cet anglicisme) alors que leur impact sur l’organisme, notamment notre génome, est encore aujourd’hui si mal connu ? La science, ce n’est ni les profits ni la précipitation. Encore moins de désigner des boucs émissaires… 

En 2020, le « Nous sommes en guerre » d’un ancien président, pas très inspiré, fut repris par son successeur, encore moins inspiré… Le confinement généralisé fut un choc. Seuls les nantis, c’est-à-dire les « cols blancs », pouvaient penser que c’était une excellente idée de récréation, une pause pour la planète. Les gens d’en bas, les travailleurs des matins très tôt, des soirs très tard, voire de la nuit, savaient eux que tout ça n’était pas normal et aurait un coût. Car eux savent que travailler durement c’est pour se nourrir, se loger, s’habiller, et nourrir ses enfants, et les loger, et les habiller. Eux, véritables adultes responsables, savent que le réel de la vie n’est pas d’avoir des congés payés par l’État. Culpabilisation : restez chez vous, sinon… Manipulation : le sort de tous dépend de vous… Les gens d’en bas ont pris le « quoi qu’il en coûte » en pleine figure après. 

Monsieur le premier ministre, la vérité, comme vous l’avez dit, doit être dite, clairement. La démocratie (la véritable démocratie !) est à ce prix. Alors l’histoire, la science, l’information ne peuvent plus être instrumentalisées comme elles le sont de nos jours. Nous avons droit à des données brutes, nous sommes assez grands et intelligents – les gens d’en bas, pendant le mouvement des gilets jaunes, ont suffisamment montré à quel point ils étaient des citoyens éclairés et responsables – pour ne plus avoir des instructeurs qui nous disent comment bien penser.  

Dans toutes les démocraties occidentales, l’opposition n’est plus entre gauche et droite mais entre gens d’en haut et gens d’en bas. Aux États-Unis, où tout va se décider, Robert Kennedy Jr a rejoint Donald Trump tandis que les néoconservateurs contre qui Jacques Chirac et Dominique de Villepin avaient lutté il y a vingt ans se rangent du côté de l’administration d’État. Ne nous décevez pas. L’indépendance d’esprit est la seule voie dans ce contexte incroyablement culpabilisateur et manipulateur.  

Christophe Lemardelé, enseignant, chercheur en histoire ancienne, fils de paysan, fermier sans toutes ses dents, mort à 92 ans d’un manque de vie sociale une fois le club des anciens de son village interdit pour cause de covid… 

 

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