Remettre la laïcité à l’ordre du jour
TRIBUNE - L’actualité la plus récente nous démontre l’urgence de remettre la laïcité française, ses principes, ses objectifs, à l’ordre du jour car elle fait partie des fondements essentiels de notre République une et indivisible, dont les trois piliers sont : Liberté-Egalité-Fraternité.
Ce qui se passe actuellement en Israël n’est bien sûr pas uniquement une guerre de religion, mais c’est également une guerre de religion.
Et sur ce sujet, il faut bien comprendre le rôle essentiel de notre laïcité qui permet à la religion de demeurer dans la sphère privée.
C'est grâce à la loi de 1905 que l'enseignement a été ouvert à tous, et en particulier aux filles.
C'est grâce à cette neutralité qu’elle introduisait que la France a réussi à conclure un accord comme celui du CNR (Conseil national de la Résistance) qui alliait des communistes athées, des juifs et de fervents catholiques. C'est cette neutralité qui a permis de les faire se rassembler sur un projet commun qui dépassait les dogmes, dans l'intérêt général de tous les Français.
Compte tenu de la population française actuelle et de sa diversité, la défense de ces principes est aujourd’hui plus importante que jamais.
Et rappelons déjà le premier article de la loi de 1905 :
La notion de liberté de conscience étant d’ailleurs reprise par l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen (DUDH) :
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.
En France,les pratiques et l’accomplissement des rites ne peuvent être contraires à nos lois civiles, comme le précise la Cour de cassationpar son jugement dans l’affaire Bouziane :
“Les réquisitions du parquet, aussi bien en première instance qu’en appel, le délibéré de la cour d’appel déclarant que ‘l’exercice par le prévenu des libertés fondamentales de pensée, conscience, de religion et d’expression ne peut l’affranchir du respect des limites légitimes posées par la loi française’ ont confirmé le sens de notre action. La loi de la République est supérieure aux traditions religieuses, toutes les femmes en France ont les mêmes droits et les violences faites aux femmes ne peuvent être justifiées sous prétexte religieux. »
C’est cette liberté de pensée si chère à Voltaire qui a permis de poser les premiers jalons du débat démocratique.
“Le droit de l’intolérance est donc absurde et barbare : c’est le droit des tigres, et il est bien horrible, car les tigres ne déchirent que pour manger, et nous nous sommes exterminés pour des paragraphes.”(Traité de la Toléranceà l’occasion de la mort de Jean Calas, 1763).
C’est cette liberté de pensée et de conscience, article premier de notre loi de 1905, qui sera formulée pour la première fois dans le texte de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le discours du pasteur Rabaud Saint-Etienne à l’Assemblée constituante est édifiant :
“Vos principes sont que les libertés de la pensée et des opinions est un droit inaliénable et imprescriptible. Cette liberté, messieurs, elle est la plus sacrée de toutes, elle échappe à l’empire des hommes, elle se réfugie au fond de la conscience comme un sanctuaire inviolable où nul mortel n’a le droit de pénétrer, elle est la seule que les hommes n’aient pas soumise aux lois de l’association commune. La contraindre est une injustice, l’attaquer est un sacrilège.”
L’Eglise catholique et romaine n’était pas très favorable à cette liberté de changer de religion qui pouvait provoquer une désaffection de ses fidèles, mais elle fut obligée d’évoluer. Le XIXe siècle, du Concordat à la loi de 1905, fut jalonné de bulles papales qui étendaient de plus en plus le champ des libertés de pensée.
Bien que défavorable à l’obtention de ce droit, l’Eglise avait abandonné toute idée de punition temporelle pour le reniement religieux depuis la condamnation du chevalier de La Barre. La seule punition étant l’excommunication, elle laissait donc une relative liberté aux individus qui voulaient se convertir.
De plus l’intemporalité de la punition dans la religion chrétienne a toujours fait que les catholiques disposaient d’une relativeliberté. La peine de mort pour abandon de croyance fut rarement appliquée sauf aux pires moments de l’Inquisition ou des guerres de religion.
Ce sont tous ces travaux, dans tous les pays d’Europe, qui vont préparer la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat qui verra sa dernière formulation dans notre loi de 1905, plus révolutionnaire que ses auteurs n'auraient pu l’imaginer : elle met fin à des millénaires de croyances obligatoires qui contraignaient et, le cas échéant, sanctionnaient les incroyants ou les adeptes des religions non admises par l’Etat. C’est elle qui officialise la séparation des pouvoirs temporels et spirituels en France.
Les positions religieuses constitutionnelles des différents pays européens ne sont pas toutes rédigées sur le même modèle. Certains pays européens ont conservé une religion d’Etat dans leur Constitution, ou un concordat avec le Vatican.
Ainsi le Danemark, la Finlande, la Norvège, la Suède ont conservé une religion d’Etat (mais c’est une religion qui autorise la liberté de conscience puisque c’est celle de Luther), le Royaume-Uni également avec l’Eglise anglicane.
L’ex-Constitution européenne, comme la Charte de l’ONU, reconnaissent la liberté de conscience comme un droit inaliénable. La notion de religion d’Etat devient alors limitée à la subvention du culte et à l’instruction religieuse dans le milieu scolaire.
Cette liberté de conscience n’existe pas dans l’Islam.
L’apostasie est un crime puni de mort dans un bon nombre de pays musulmans, Iran, Yémen et Arabie saoudite par exemple. L’Organisation de de la coopérationislamique, ou OCI (anciennement Organisation de la conférence islamique), qui regroupe 57 adhérents a modifié les articles de la Charte de l’ONU de 1948 sur ce sujet.
La Déclaration des droits de l’homme dans l’Islam (DDHI) a été ratifiée par l’Organisation de la conférence islamique du Caire du 5 août 1990.
Cette Déclaration des droits de l’Homme en Islam (DDHI), qui est le texte de référence de la Conférence Islamique, a volontairement modifié le texte de l’ONU et comporte un certain nombre de divergences fondamentales.
Il est très difficile de trouver une version exacte de ce texte, d’autant plus qu’il paraît que la version rédigée en arabe et la version rédigée en anglais ou en français divergent quelque peu sur le fond. Des versions plus ou moins édulcorées circulent, mais voici à peu près le texte commun à toutes, rédigé en 1981, repris par la Charte officielle de l’OCI en 1990 et repris encore par la Charte arabe de 1994 publiée par la Ligue arabe :
Art. 12 – Droit à la liberté de croyance, de pensée et de parole
- a) Toute personne a le droit d’exprimer ses pensées et ses convictions dans la mesure où elle reste dans les limites prescrites par la l
Tous les textes sans exception font référence à la loi (qanun) et il s’agit bien de la loi coranique…
Que dit la loi coranique en la matière ? « Celui qui change de religion, tuez-le », est un hadith d’où l’intégralité du droit coranique tire la notion de crime pour apostasie.
Certains diront que la sourate du Coran : « Nulle contrainte en religion » indique que le droit musulman autorise la liberté de conscience. Mais en fait, il s’agit de l’absence de contrainte dans le cadre de la loi qui interdit de changer d’avis, de conviction ou de religion.
Cette sourate caractérise plutôt l’absence de formalisme ou de contrainte rituelle, en appuyant sur la relation individuelle du musulman à Dieu.
Cette interdiction est renforcée par une sourate du Coran parfaitement explicite, Al-Mumtahana (sourate 60, verset 10), qui interdit les mariages mixtes à une musulmane :”Ô vous qui avez cru! Quand les croyantes viennent à vous en émigrées, éprouvez-les ; Allah connaît mieux leur foi ; si vous constatez qu’elles sont croyantes, ne les renvoyez pas aux mécréants. Elles ne sont pas licites (en tant qu’épouses) pour eux, et eux non plus ne sont pas licites (en tant qu’époux) pour elles. Et rendez-leur ce qu’ils ont dépensé (comme mahr). Il ne vous sera fait aucun grief en vous mariant avec elles quand vous leur aurez donné leur mahr. Et ne gardez pas de liens conjugaux avec les mécréantes. Réclamez ce que vous avez dépensé et que (les mécréants) aussi réclament ce qu’ils ont dépensé. Tel est le jugement d’Allah par lequel Il juge entre vous, et Allah est Omniscient et Sage.”
C’est cette sourate qui légitime ce que l’on appelle le crime d’honneur en Islam, c’est-à dire-le droit de tuer ou de punir la fille ou la sœur qui se mettrait à fréquenter un non-musulman.
Toutes les interprétations théologiques actuelles sans exception, tous les textes, tous les discours renforcent cette interdiction de la liberté de conscience.
Tout récemment encore puisqu’il s’agit de 2003, l’université Al-Azhar du Caire, université islamique de référence, réputée pour répandre un Islam modéré, publiait une fatwa parfaitement explicite sur l’interdiction de la liberté de conscience : "Lorsqu’une personne accepte l’Islam pour religion, elle devient dès lors membre de la communauté musulmane ; elle possède les mêmes droits que les autres musulmans, et lui incombent les mêmes devoirs que les musulmans. De cette manière, elle entre avec la communauté musulmane dans un contrat social qui détermine l’appartenance et l’allégeance - avec tous les droits et devoirs impliqués par ces notions - à l’individu et à la communauté à laquelle cette personne est désormais rattachée."
Par ce contrat social, l’individu devient une partie intégrante du corps de la communauté telle que décrite par le célèbre hadith : "La métaphore des croyants, dans l’amour, la compassion et la miséricorde qu’ils se témoignent les uns les autres, est celle d’un corps unique. Si l’un de ses membres est souffrant, tout le corps tombe malade et devient fiévreux. Si malgré cela, un membre quelconque de la communauté s’avise d’apostasier, c’est-à-dire d’abandonner la communauté dont il faisait partie intégrante, il se sera alors rendu responsable de ce qui peut être assimilé à une trahison au niveau politique. Or, la trahison de la patrie est sanctionnée par la peine de mort. Il n’en sera alors pas moins pour la trahison de la religion. L’Islam n’oblige personne à l’embrasser. Mais si on l’accepte librement et par conviction, on doit respecter son engagementcar la religion est à considérer avec sérieux et n’est pas un jeu.” (voir aussi des citations comme celle de Dr Yûsuf Al-Qaradâwî).
La société musulmane et la lutte contre l’apostasie
“La troisième attaque revient à l’invasion laïque et athée, qui poursuit sa mission jusqu’à aujourd’hui au cœur même des terres d’Islam. Tantôt elle se manifeste, tantôt elle se dissimule. Sans relâche, elle poursuit l’Islam véritable, tout en célébrant un Islam factice. Ce troisième type d’invasion est probablement le plus vicieux et le plus dangereux.”
Ce texte est également lourd de conséquences sur la manière dont il affirme la suprématie de la communauté religieuse sur la communauté nationale.
Tout ceci est exactement l’inverse de notre loi sur la laïcité et l’inverse de l’article 18 de la DUDH sur la liberté de conscience.
Ces rappels historiques sont là pour aider à comprendre que le concept même de laïcité est de faire en sorte que, quelles que soient les croyances et les religions, les hommes puissent s’exprimer, croire, changer d’avis, de religion ou de conviction, sans que personne ne puisse s’y opposer. C’est pour préserver cette liberté essentielle que les lois civiles sont, en France,en principe prises en dehors des contraintes liées aux différents dogmes des religions monothéistes, de manière à ce que les citoyens français puissent se respecter les uns les autres, sans faire de prosélytisme.
Ces notions sont essentielles à rappeler en ce moment pour éviter des combats interreligieuxqui pourraient naître à la suite des événements récents.
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