Pour entrevoir une troisième voie, faire le deuil de l'actuelle gouvernance

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Laurence Waki*, pour France-Soir
Publié le 16 septembre 2023 - 15:00
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Macron
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F. Froger / Z9, pour France-Soir
Emmanuel Macron, le 25 avril 2022.
F. Froger / Z9, pour France-Soir

TRIBUNE/OPINION - Ces rentrées qui se suivent, et qui n’amènent plus rien de positif, plus rien de nouveau non plus. Un manège sans fin. Ce mois de septembre 2023, amorcé par des annonces anxiogènes dès la dernière semaine d’août, avec le recyclage du Covid, puis du réchauffement climatique amalgamé à la récente semaine de "canicule", avec les mêmes bobines de ces gens qui causent dans les médias, dont on ne sait plus de l’interviewé ou de l’interviewer qui feint de croire ce qui est dit ; que la parole n’est que du bruit parlé. Au-delà même des mensonges, des contradictions, il y a ce flot incessant de rien. Qui induit cette fatigue devant ces vides de sens qui pourtant nous encombrent, volent nos vies en brisant nos élans ; tellement nous sommes tirés vers le bas, dans la médiocrité de ces gens qui devraient diriger le pays.

Les cinq phases du deuil

C’est une autre étape du deuil qui est en train d’être franchie, l’une de ces cinq phases, théorisée par Élisabeth Kübler-Ross en 1969 (1). Ce processus qui ferait passer toute personne en deuil par le déni, la colère, le marchandage, la dépression pour arriver à l’acceptation. Qui initialement ne concernait que la perte d’un être cher, pour être élargi à toute perte, à toute séparation. Comme toute théorie, il ne s’agit pas de l’appliquer comme un diktat, mais comme un possible éclairage pour accepter nos vulnérabilités, afin de s’accompagner dans cette épreuve. Ces cinq étapes de deuil qui peuvent permettre aussi à sortir des illusions, pour faire face en toute lucidité à ce qui est.

Chacun réagit à sa façon. Et à l’intérieur d’un pays, la population en entier ne franchit pas pareillement les étapes. Combien à croire qu’un président élu voudrait du bien à tous les citoyens, vu qu’ils ont voté en majorité pour lui. Du moins que ce président est forcément légitime, donc compétent, donc remplit sa mission de diriger le pays et permettre son enrichissement, tant matériel que culturel.

Rappelons que Hitler a été élu démocratiquement. Ce nom d’Hitler, qui fait surgir ces terribles images rapportées des camps de concentration, qui agit comme un repoussoir absolu. Qui reste gravée dans notre mémoire collective, quand ceux qui ont réellement vécu cette période sont de moins en moins nombreux. Sans oublier les horreurs, cela ne devrait pas empêcher de prendre conscience dans le présent que le processus démocratique des élections ne garantit pas la saine gouvernance d’un pays. N’est-ce pas une lapalissade d’ailleurs ?

Sacrifice(s)

Pourtant, combien ont longtemps estimé que ces gouvernants savent ce qu’ils font ; certes ils commettent des erreurs – qui n’en fait pas ? – mais ils font ce qu’ils peuvent, croient certains. Combien aujourd’hui sont sortis du déni, de cette première étape de deuil, face à tout ce chaos de la crise Covid ? Beaucoup sont vite passés au stade de la colère quand ils ont affronté ce quotidien qui ruinait leurs vies, leurs projets, leurs rêves, à subir la faillite de leurs commerces, et la mort de leurs proches, tout en comprenant que tout cela était largement évitable.

Certainement que le marchandage et la dépression sont encore très présents chez de nombreux Français. Ceux qui remettent le masque sont-ils dans cette phase de marchandage ? Et ceux qui se convainquent qu’il faut faire des sacrifices, se serrer la ceinture, qu’à suivre les recommandations de limitation d’électricité cet hiver, d’eau cet été, bientôt de limiter ses déplacements au nom de la qualité de l’air, fera que tout va rentrer dans l’ordre, revenir comme avant. Comme d’ailleurs ces gouvernants le promettent, même disent qu’il n’y a pas de hausse des prix, pas de chômage, et tous les drames assortis, que les germes de la croissance seraient là.

Pourtant ce n’est pas ce que vivent la majorité des personnes. Et les faits sont là, qui montrent le vrai visage des décisions politiques et les conséquences sur la vie privée, même la vie intime de tout un chacun. L’on peut constater que la main que nous avions sur nos vies privées est peu à peu retirée. Il est notamment de plus en plus contraignant de posséder un chez-soi en propre. La propriété privée n’est-elle pas remise en question quand la taxe foncière est augmentée de plus de 50%, que sont exigés des travaux onéreux pour mettre aux nouvelles normes "écologiques" – ces biens désormais déclarés "passoires thermiques" – afin d’avoir le droit de louer, que beaucoup de propriétaires ne pourront plus faire. Moins de logements disponibles, des loyers en hausse dans cette logique de rareté, qui se justifie en partie avec ces nouveaux frais à supporter par tout propriétaire. Comment les gens vont-ils se loger s’il n’y a plus de logements ?

Promesses

Quand avant ces nouvelles interdictions à louer, les loyers déjà trop élevés au regard des ressources des gens, voire aussi ces exigences effarantes de garantie par les propriétaires pour accepter de louer, quand ne manquent pas les candidats, faisaient la part belle à ces marchands de sommeil, qui vont encore plus en tirer profit avec leurs logements insalubres. C’est favoriser la recrudescence d’encore plus de logements indignes. Quand c’est ça ou être à la rue…

Que gouverner le pays c’est déjà assurer ce minimum que d’avoir de quoi se loger. N’est-ce pas d’ailleurs l’une des promesses de Macron, qui finalement prédisait le contraire, à savoir que de plus en plus de Français allaient se retrouver sans logement. Au point que nombreux sont les étudiants qui se retrouvent à renoncer à leurs études faute de pouvoir se loger.

Qu’est-ce que cela prédit quand ce président déclare que désormais l’école est son "domaine réservé" (2) ? Que va-t-il se passer pour les écoliers ? Que va-t-on leur apprendre à l’école ? Et comment et par qui cela va-t-il être enseigné quand le nombre d’enseignants est insuffisant. Qu’est-il annoncé pour cette rentrée scolaire comme nouvelles mesures gouvernementales ? Désormais Gabriel Attal béotien en école publique est nommé ministre de l’éducation nationale, qui a démarré avec l’interdiction de l’abaya, à poursuivre dans la même problématique vestimentaire sur "faut-il des uniformes" et imposer une "tenue unique" aux élèves (3), et se retrouve muet face au vrai problème du manque d’enseignants pour cette rentrée… Quant à la question de savoir quelle place est accordée à l’instruction, au savoir, même à quoi sert l’école, des réponses seront-elles données ? N’est-ce pas mal parti ?

Accentuation de la crise du logement, puis de la crise de l’enseignement, qui vont de pair avec la hausse des factures d’énergie, et des prix de l’alimentation. Là s’arrête pour beaucoup toute illusion. C’est l’étape de l’acceptation dans le deuil, qui fait se terminer cette croyance d’un président élu qui va mener son pays dans l’intérêt de tous les citoyens. C’est réaliser que nos Institutions non seulement ne nous protègent plus, mais ne nous mènent plus à la richesse, et même nous appauvrissent.

Légitimité démocratique

La fin de cette fausse croyance en la bienveillance présidentielle par de plus en plus de Français, s’est révélée lors du discours du président Macron ce 9 septembre, officialisant en personne le lancement du Mondial de rugby, qui s’est fait copieusement siffler par les 80.000 spectateurs présents au Stade de France. Et aussi par les réactions de ceux qui ont relayé en vidéo et par écrit ce fait jamais arrivé auparavant. C’est ouvertement la contestation de la légitimité de ce chef de l’État qui a failli à la mission qui lui a été confiée, de présider à la destinée d’un pays pour le rendre plus puissant et riche.

Mais que peut faire le citoyen quand il ne reconnaît plus une légitimité du président pourtant élu et même réélu démocratiquement ? Que peuvent faire d’autre ceux qui ont hué Macron ?

S’il s’agit de ne surtout pas s’habituer, donc à banaliser, à trouver normal même, ces prises de pouvoir sur nos vies privées et intimes, à savoir considérer nos pertes matérielles qui vont de nos Industries à nos territoires agricoles en passant par nos biens propres, c’est aussi prendre du recul pour ne pas s’épuiser à lutter contre, pour ne pas s’obstiner sur ce qui n’est peut-être que l’arbre qui cache la forêt.

Si d’aucuns croient encore qu’il existe encore des partis d’opposition qui pourraient tempérer un trop grand pouvoir présidentiel, l’invitation ce 30 août 2023 à Saint-Denis (4) des chefs des partis d’opposition au Parlement a rappelé que le symbolique prime uniquement, que ce soit dans le lieu choisi, "dans la maison d’éducation de la Légion d’honneur, à Saint-Denis. Un établissement pour filles prestigieux et chargé d’histoire" (5), ou dans ce nouveau concept nommé "préférendum", "qui serait une consultation destinée à tester plusieurs sujets à la fois." C’est un échec. Pourtant ce n’est pas moi qui le dis, mais Macron lui-même qui reconnaît que la discussion du 30 août à Saint-Denis "n’a pas fait émerger de consensus" sur la question centrale du référendum, mais, sur ce sujet et les autres, il donne rendez-vous aux partis politiques "à l’automne" est-il écrit dans Le Monde (6).

Qui de toute façon ne pouvait duper ceux déjà échaudés qui ne croient qu’au concret, qu’aux actions de terrain. À chercher une opposition, un contre-pouvoir, ou seulement ce sentiment de pouvoir agir, certains rejoignent des mouvements politiques, telles ces personnes que j’ai pu voir à Arras lors du Congrès des Patriotes ce 2 septembre 2023. Des sans étiquettes politiques, qui cherchent des réponses quand avant ils avaient renoncé ; ils ne veulent plus subir, ils veulent prendre part.

Quand enfin et de plus en plus, les citoyens s’opposent à ce qu’un chef de l’État prétende, et peut d’ailleurs le faire, de décider de leurs vies privées, voire intimes. Parce que de telles décisions ne peuvent être considérée du ressort de la politique gouvernementale, mais de la volonté de décider à la place du citoyen. Nous n’en sommes même plus sur une question de démocratie qui se perdrait, même plus sur la souveraineté du pays, mais bien sur notre propre souveraineté dans nos vies de chaque instant.

Comme l’humoriste Naïm qui annonce dans sa "Rentrée Actu", sur YouTube qu’il a décidé de faire moins de vidéos sur Macron (7), quand ainsi prendre du recul, est un bon moyen de conserver sa lucidité, sa clairvoyance ; de préserver cette disponibilité à soi. Tel qu’est le système en place avec Macron, où tous les outils de contre-pouvoirs ont été bâillonnés, l’on pouvait se demander quelle alternative pouvait être prise, entre être le pot de terre contre le pot de fer, ou agir en robot sans conscience. La fin du deuil, cette l’acceptation de chacun et de tous, qui permet d’en finir avec nos fausses croyances sur la gouvernance, qui permet de voir avec clarté la situation politique actuelle, laisse entrevoir une possible troisième voie.

Des Aphorismes et cætera, Laurence Waki - le 12/09/2023.

*Laurence Waki est écrivain et philosophe. Retrouvez ses textes sur son site internet.

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