Agriculture : pas de PAC pour la bio
Présentée vendredi 21 mai par le ministre de l’Agriculture, la future PAC privilégie la stabilité des aides déjà allouées plutôt que l'encouragement de la filière bio. Un statu quo qui satisfait la SNFEA mais a provoqué la colère des écologistes et des paysans.
Un « statu quo irresponsable »
À peine annoncée, déjà décriée. Vendredi 21 mai, le ministre de l’Agriculture a esquissé, lors d’une réunion en présence des syndicats et des ONG environnementales, les grandes lignes de la future Politique agricole commune (PAC), qui entrera en vigueur en 2023 et jusqu’en 2027. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ses annonces n’ont pas fait consensus. Alors que la FNSEA, le syndicat majoritaire, s’est félicitée des « des engagements importants pour la stabilité du revenu des agriculteurs », la Confédération paysanne et les ONG environnementales, fédérées au sein de la plateforme Pour une autre PAC, ont claqué la porte de la réunion après que le ministre Julien Denormandie a annoncé comment seront utilisés chaque année les neuf milliards d’euros alloués par l’Union européenne à l’agriculture française.
Si le ministre assure que « ces arbitrages sont le fruit d’une longue période de concertation et d’un débat public », les paysans et écologistes dénoncent des arbitrages faits sans qu’ils n’aient eu voix au chapitre. Pour preuve, cette réunion hautement attendue, et qu’ils n’ont obtenu que jeudi 20 mai au soir. « Nous avons été convoqués le jour même pour une réunion que nous demandions depuis des mois », constate amèrement Marie-Catherine Schultz-Vannaxay, chargée des questions d’agriculture à France Nature Environnement (FNE).
Pas de revenus pour les paysans
Première déception pour les partisans d’une agriculture plus responsable : le manque de soutien de la future PAC – comme l’actuelle – aux paysans et agriculteurs de petites parcelles. Concrètement, les aides distribuées aux départements devraient peu varier à compter de 2023. Mais elles reviendront essentiellement aux agriculteurs possédant de grandes surfaces, et seront donc peu tournés vers l’agroécologie. Alors que les ONG réclamaient que les subventions à la surface soient mieux réparties, elles seront une nouvelle fois indexées sur le nombre d’hectares. Et donc captées par les grands céréaliers, au détriment des petits producteurs, souvent plus vertueux dans leur pratique agricole. Les montants prévus d’ici à 2027 devraient rester stables pour les exploitations de grandes cultures, en hausse de 2 % pour les élevages laitiers et en baisse de 3 % à 4 % en élevage allaitant.
Pour Mathieu Courgeau, paysan et président de la plateforme, « cette aide à l’hectare est l’outil aveugle par excellence, il n’oriente pas du tout l’agriculture, il incite juste à avoir plus d’hectares pour plus d’aides, c’est une rente. » Interrogé par Reporterre, il déplore qu’« encore 30 % des agriculteurs ne reçoivent quasiment rien de la PAC ».
Une transition écologique ratée
L’autre grand regret de Pour une autre PAC est le manque d’aides accordées à la filière bio. Si Julien Denormandie assure que « l’aide à la conversion augmente de 250 à 340 millions d’euros par an », ces aides ne pourront suffire aux agriculteurs pour maintenir leur conversion dans le bio. Comme l’explique la Fnab (Fédération nationale de l’agriculture biologique) à Reporterre, l’aide à la conversion n’est perçue que les cinq premières années. S’en suit une aide au maintien, qui ne sera guère assurée avec la future PAC. Pour certaines fermes ayant choisi de se convertir en bio, la suppression de l’aide au maintien signifie des pertes d’aides allant jusqu’à 66 %. Ce qui va accélérer les déconversions.
« On assiste à un effondrement de la biodiversité, une accélération du changement climatique, et on fait comme si tout allait bien, déplore Arnaud Gauffier, chargé des questions agricoles au WWF France. On ne change rien, alors que les rapports de la Cour des comptes et de son homologue européenne ont montré que les mesures de verdissement de la précédente PAC n’ont pas eu d’effet. »
Les membres de la plateforme Pour une autre PAC ont désormais un espoir : celui de faire bouger les annonces faites par le ministère de l’Agriculture, avant qu’elles ne soient formalisées cet été, puis remises à l’Union européenne. Ils l’assurent : ils sont « prêts à revenir à la table des négociations si le gouvernement évolue ».
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