Attal, Premier ministre pas démissionnaire mais toujours exposé à la censure
Le Premier ministre Gabriel Attal n'est "pas démissionnaire" selon l'entourage du président Emmanuel Macron : il est donc maintenu dans ses prérogatives antérieures, plus larges qu'une simple gestion des affaires courantes. Mais sa marge de manœuvre reste faible en l'absence de majorité à l'Assemblée, qui peut toujours le renverser.
- Démission ou pas démission ?
Gabriel Attal a remis lundi sa démission au chef de l'Etat, comme de tradition après des élections présidentielle ou législatives. La veille il s'était dit prêt à "(assumer) bien évidemment (ses) fonctions aussi longtemps que le devoir l'exigera", y compris pendant les Jeux olympiques qui débutent le 26 juillet.
Mais Emmanuel Macron n'a pas précisé s'il avait accepté ou refusé cette démission. Il a simplement fait savoir qu'il lui avait demandé de se maintenir à son poste "pour le moment, afin d'assurer la stabilité du pays".
Gabriel Attal "n'est pas démissionnaire parce que le président de la République lui a demandé de rester" à Matignon, a expliqué l'entourage du chef de l'Etat. Le chef du gouvernement a été conservé "dans la continuité" de ses fonctions antérieures, a abondé une source au sein de l'exécutif.
Or Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l'université Paris II, rappelle qu'en droit, le président ne peut pas refuser la démission d'un Premier ministre, qui lui seul décide de rester ou pas: "Ce n'est donc pas une vraie démission".
La lettre de démission de Gabriel Attal n'a en outre aucune valeur juridique, il faut un décret du président qui mette fin à ses fonctions. Or ce décret n'a pas été publié, rappelle la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina.
- Quelles prérogatives ?
Gabriel Attal reste donc dans les prérogatives de son décret de nomination daté du 9 janvier, qui sont plus larges que s'il avait effectivement démissionné. Auquel cas il ne gérerait que les affaires courantes.
"Dans la mesure où le Premier ministre est maintenu dans l’intégralité de ses fonctions, des décisions peuvent être prises", a expliqué sur franceinfo la ministre de l'Education nationale Nicole Belloubet. "On est dans un fonctionnement normal, on peut lancer des initiatives, mais le climat fait qu’on lève naturellement le pied", ajoute un autre ministre.
Le chef du gouvernement peut ainsi faire passer par décret une réforme de l'assurance chômage, changer un règlement, ou lancer un plan. Il peut aussi théoriquement présenter un projet de loi mais à "ses risques et périls", selon M. Morel, puisqu'il ne dispose plus de majorité, même relative, à l'Assemblée.
Emmanuel Macron peut aussi réunir un Conseil des ministres pour procéder à des nominations ou décréter l'état d'urgence, ce qui est quasi impossible avec un gouvernement démissionnaire.
Gabriel Attal pourrait donc conserver ses pleines compétences pendant les JO, apparaissant bien plus armé qu'un gouvernement démissionnaire qui ne peut "pas durer longtemps", note M. Morel.
- Censure possible
La "limite politique" pour Gabriel Attal, c'est qu'il n'a "pas de soutiens" à l'Assemblée, où le camp présidentiel est arrivé deuxième derrière l'alliance de gauche, rappelle Mme Bezzina.
Il peut donc toujours être renversé par une motion de censure, contrairement à un gouvernement démissionnaire. Et ce à partir de la session parlementaire qui s'ouvre le 18 juillet.
A moins qu'une majorité de députés (289) considèrent qu'il faut laisser Gabriel Attal à Matignon le temps des JO. "Il ne survivrait que par la bonne grâce des députés", selon M. Morel.
- Ministres ou députés ?
Les 18 ministres qui ont été élus députés dimanche sont confrontés à un dilemme : rester au gouvernement pour quelques jours ou semaines - une situation inconfortable pour ceux "qui veulent briguer postes à responsabilités" au Palais Bourbon, souligne M. Morel - ou bien aller dès à présent à l'Assemblée.
Leurs suppléants ne pouvant pas siéger, ils représentent en outre 18 voix en moins pour voter la semaine prochaine sur les postes-clés de l'Assemblée, comme la présidence ou la questure. De quoi précipiter leur départ du gouvernement à l'heure où chaque vote compte ?
S'ils décidaient de se maintenir au gouvernement à l'ouverture de la législature le 18 juillet, il leur faudrait ensuite respecter un mois de carence avant de revenir au Palais Bourbon.
En revanche si le gouvernement était démissionnaire, ils pourraient aller voter.
Emmanuel Macron a dit pour sa part qu'il attendrait la "structuration" de la nouvelle Assemblée "pour prendre les décisions nécessaires".
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