"On a ouvert une brèche" : à la veille de l'élection, les Gilets jaunes rappellent leur engagement
Les Gilets jaunes sont devenus un mouvement historique, qui a fait parler de lui à l'international. Ils représentent ceux qui alertent sur les conditions de vie du peuple. Souvent attaqués par l’ensemble des médias "mainstream" et par certains politiques, ils veulent aujourd’hui "affirmer leur fierté, non pas la retrouver". Nous avons écouté leurs témoignages aux quatre coins de la France, à la veille de l’élection présidentielle.
Nous rapportons ci-dessous quatre témoignages de Gilets jaunes engagés. Tous ont exposé leur corps lors de manifestations afin d'affirmer leurs idées. Ils répondent à une question unique de notre part : "Pouvez-vous rappeler comment, en tant que citoyen, vous avez été amené à descendre dans la rue ?"
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Livio (canal historique), Montpellier, Agent de sécurité incendie :
Initialement, ce qui a fait que je suis devenu Gilet jaune, ce sont les taxes. La France est un des pays les plus taxés. La TVA, la paupérisation galopante, la classe moyenne qui s’appauvrit, on n'en peut plus. Par conséquent, on demande que les salaires soient relevés à la hausse, pour les retraites.
On est passé de la 5e à la 10e économie mondiale, alors qu'on a des systèmes de travail qui sont à la pointe et que le Français fait partie des travailleurs les plus productifs. La richesse du pays, c’est l’oligarchie qui en profite, on en peut plus de l’évasion fiscale et du fait que de plus en plus d’argent va directement dans la poche des actionnaires. Le peuple existe aussi, ça les politiques ne s'y intéressent pas.
Après on peut continuer : le logement, très cher, par rapport à 40 ans auparavant, même à Montpellier et je ne vis pas sur Paris. On a aussi l’augmentation des denrées primaires, les besoins énergétiques. Tout ça plombe le pouvoir d’achat des Français.
Notre révolte est liée pour beaucoup aux besoins primaires. On subit de plein fouet l’augmentation du prix des péages, des transports. La fraude sociale, tout ça devient insupportable pour nous, qui essayons de survivre. En France, on doit survivre, c’est quoi ça ?
Ils sucent le sang du peuple, au lieu de chercher l’argent là où il y a des fraudes. 82 % de l’opinion publique soutenait le mouvement des Gilets jaunes. C’est le peuple qui paye les pots cassés.
La France n’a jamais été aussi riche, on veut profiter de la richesse du pays. On veut mieux vivre, on ne vit pas bien par rapport à ce que la France propose. J’en veux pour preuve les dix millions de pauvres dans un des pays les plus taxés.
Anita (canal historique), Corse, enseignante :
À la base, je suis descendue dans la rue en tant que citoyenne du monde. Je savais que quelque chose se préparait et bien au-delà de la France, ce n’est pas un mouvement français, je l’ai toujours dit, pour moi c’est une révolte des peuples. Et c’était magnifique, on était les précurseurs, on était à l’avant-garde.
Je suis rentrée comme on rentre dans un courant, parce qu’on veut du changement. Je suis enseignante, je n’avais pas de problème spécifique pour répondre à votre question. Au-delà de ça, on est pris en otage en Corse, on a toujours eu double peine ici, tout est plus cher : entre le carburant et les aliments, les produits de premières nécessités.
Mais chez les Gilets jaunes, il y avait la perspective d’une vision, d'un changement de paradigme, un bouleversement sociétal. On est fatigués de la politique politicienne. Nous sommes politiques, il faut arrêter de dire que les Gilets jaunes, nous ne sommes pas politiques. Au contraire, nous rendons à la politique ses lettres de noblesses.
Je veux m’approprier le pouvoir démocratique. Je veux le RIC, il faut que ça s’arrête, cette République est corrompue. Les dirigeants savent très bien ce qu’ils font, tout est manipulé, tout est dans l’ingénierie sociale, et ça marche, les gens ont peur.
Les Gilets jaunes c'est aussi des rencontres. J’ai rencontré des gens que je n’aurais jamais vus dans ma vie. La fraternité, maintenant quand j’ai des problèmes, matériellement, il y a des gens pour m’aider. Ce sont des communautés qui se sont créées, on nous a traités de racistes, de fachos, moi personnellement je suis d’extrême gauche et d’autres sont de droites, royalistes, etc. Il y a de tout ! On échange.
On est rentrés dans un vrai débat démocratique, on a mis en place des discussions citoyennes. C’est fondamental que l’on débouche sur plus de démocratie participative. La puissance du peuple peut se développer grâce à l’intelligence collective.
Crédits : ARA
Gérard (canal historique), Bourg-de-Péage, commerçant bar-PMU :
C’était un ras-le-bol général, un élan a été donné et toutes nos revendications différentes se sont rassemblées.
C’était un tout, un ras-le-bol de constater que plus rien ne va pour le Français moyen. Entre le monde de l’argent et les esclaves, il n’y a plus de justice.
C’est cela qu’on demande : la justice, c’est la base. Notre souci est d’unir tout le monde. On lutte contre le nouvel ordre mondial, le but c’est de se rassembler, montrer qu’on est ensemble. Les Gilets jaunes sont mondiaux, ça va au-delà de la France.
Nous savons que dans ce combat, nous n’avons pas de presse, hormis FranceSoir, Nexus et les presses indépendantes. Le seul axe d’expression, c’est d’avoir une chaine de télévision du peuple.
Les dirigeants mangent tous au même râtelier. 90 % des gens sont favorables à un jugement populaire.
Jean-Christophe (canal historique), Bandol :
Mon engagement a commencé, à l’origine, sur les taxes sur le carburant. Ça m’a motivé pour l’acte 1, on est allés sur le rond-point. Ensuite, on a exprimé les problèmes sur le pouvoir d’achat, les augmentations à répétitions, on a des difficultés à s’en sortir, on a des difficultés à se faire entendre par ce système politique. On a mis le gilet jaune sur nos épaules parce qu’on était invisibles et qu’on ne nous écoutait pas.
Ils sont élus, ils font ce qui veulent. On sort d’une période difficile, avec le Covid, etc. Financièrement, on a des difficultés, il y a un problème de ruissellement, ils font des bénéfices, mais tout le monde n’en profite pas.
Il y a eu le « Grand débat ». C’était honteux. Le 15 avril 2019, ils devaient écouter les cahiers de doléances du mouvement, mais on n'a pas pu parce qu'il y a eu l’incendie de Notre-Dame.
Pour éteindre la flamme des Gilets jaunes, les flammes de Notre-Dame se sont allumées. Ça a été d’une violence ! Et puis sur les manifs, on a été éborgnés, incarcérés, amputés, amendés. Ils ont crevé des yeux pour que les autres n’aient plus l’envie de nous regarder.
C’est une violence d’État qu’on a subie.
Au début, on demandait simplement un pouvoir de mieux vivre, et on a été accueillis avec des balles en plastique. Ils ont compris qu’ils n’auraient pas le dernier mot avec le peuple, il fallait rentrer dans le tas pour que les gens aient peur.
Depuis, le coût de la vie a encore augmenté. Ces dernières semaines, ils se sont permis de mettre le carburant à 2,40 €. Ça va s’arrêter quand ? Ils se servent de l’Ukraine pour justifier l'appauvrissement le peuple, mais le carburant, c'est à plus 70 % des taxes de l’État !
Ça doit s’arrêter, de mettre le peuple en difficulté. Si les Gilets jaunes ont gagné sur un point, c’est que les gens ont compris, on a ouvert une brèche.
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