Eric Zemmour, premier meeting : "il faut réparer tant d'erreurs qui ont été commises ces 40 dernières années"
On connaissait déjà Éric Zemmour polémiste, bretteur de plateaux de télévision et chroniqueur engagé. Hier, nous avons découvert Éric Zemmour candidat. Oubliés, les couacs des dernières semaines : pour ce premier meeting de campagne, qui s’est tenu dans l’immense hall du parc des expositions de Villepinte, en présence de 11 000 à 15 000 personnes, l’équipe de l’ancien chroniqueur du Figaro n’avait rien laissé au hasard. Sept écrans géants, des drapeaux français distribués à la pelle, une scénographie et une musique galvanisantes... Ce premier rendez-vous visait à crédibiliser la candidature du nouveau visage de la droite dure. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’objectif a été atteint.
Même l’infiltration de quelques militants de l’association SOS Racisme n’a pas réussi à gâcher la fête. Contrairement à ce qui a été relayé à la presse, les heurts sont passés relativement inaperçus du plus grand nombre. « On s’attendait à une action de ce type. Quand on les a vus, on a augmenté le son et on a pu les expulser rapidement », souffle-t-on dans l’entourage du candidat.
« La France a tant souffert, a tant été oubliée par nos dirigeants successifs que sur tous les sujets, il faudrait réparer les erreurs qui ont été commises ces 40 dernières années. »
Jacline Mouraud, pionnière des "Gilets jaunes", a appelé à une "insurrection civique dans les urnes", Paul-Marie Coûteaux a moqué les diplomates américains ayant tenté de souffler sur les braises des échauffourées annoncées, Laurence Trochu (Mouvement conservateur), ou Stanislas Rigault (Génération Z) ont connu une forme de baptême du feu : les orateurs, parfois novices dans cet exercice, ont peiné à soulever l'enthousiasme de la salle qui n'attendait que son héros.
Un lycéen nous a confié assister à son premier meeting, à 17 ans, après une brève expérience déçue dans le mouvement jeune du Rassemblement national : c'est sans appel, seul Eric Zemmour emporte son enthousiasme. Un public déterminé, même si certains nous ont confié "attendre de voir", et qui ressemblait un peu à celui des meetings de François Fillon, avec peut-être une ferveur supplémentaire chez les jeunes, dont la patience a été mise à rude épreuve. Enfin ! Avec beaucoup de retard sur l'horaire annoncé, sous les acclamations d’une foule enthousiaste criant « Z, Z, Z », la musique de Thomas Bergersen, qui accompagne "le Bal des oiseaux-fantômes" du Puy du Fou - clin d'oeil à Philippe de Villiers dont il a déploré l'absence ? - a envahi la salle. Et Éric Zemmour, après une traversée musclée de la salle, est apparu sur la scène les deux bras levés, à la manière de ces hommes politiques qu’il a suivis tout au long de sa carrière de journaliste. « Merci de cet accueil. C’est incroyable. Quelle ambiance et quel bonheur d’être ici devant vous », a-t-il lancé en préambule.
Tout en n'approchant pas les "bêtes de scène" que furent en leurs temps Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy, l’ancien compère d’Éric Naulleau, très convaincant sur les plateaux de télévision, a fait montre de réelles qualités d’orateur. La métamorphose est apparue criante depuis son discours emprunté lors de la "Convention de la droite", en septembre 2019 : malgré la longueur de sa prise de parole – près de 90 minutes – qu’on a sentie très travaillée, le Z est parvenu à maintenir l’effervescence et l’attention de ses troupes.
Son intervention a débuté sur une longue série de constats. Les mêmes qu’il dresse depuis des années. « La France a tant souffert, a tant été oubliée par nos dirigeants successifs que sur tous les sujets, il faudrait réparer les erreurs qui ont été commises ces 40 dernières années. Économie, écologie, pouvoir d’achat, service public, immigration, insécurité… Aucun des chapitres majeurs de l’action que nous devons mener n’échappe au projet sérieux et complet que nous commencerons aujourd’hui à dévoiler aux Français. »
Régulièrement ovationné par une salle chauffée à blanc, parfois potache - « Ben voyons ! Ben voyons ! », a-t-elle scandé, adoptant une de ses interjections habituelles, reprise sur des T-shirts et casquettes - le néo-candidat a ensuite répondu aux nombreuses accusations qui lui sont portées. Celle d’être misogyne d’abord. « Cette accusation est ridicule. Enfant, j’étais toujours entouré par des femmes. Ma mère bien sûr, mais aussi ses sœurs, mes grands-mères. Les femmes de mon enfance, plus encore que les hommes, ont forgé mon caractère. »
« Toutes ces mesures seront soumises au peuple français par référendum. Ainsi sacralisées, elles s’imposeront à tous »
C’est également en évoquant son histoire personnelle qu’il s’est dédouané de tout racisme. « Le racisme, c’est s’imaginer que ceux qui sont différents de nous sont inférieurs et que nous pourraient être Français que des descendants en droite ligne de Clovis. Comment pourrais-je penser cela, moi petit Juif berbère venue de l’autre côté de la Méditerranée. » Une confession qui faisait écho au fameux "Ils m'ont enseigné, à moi petit Français au sang mêlé, l'amour de la France et la fierté d'être français" de Nicolas Sarkozy lors de son discours d'investiture le 15 janvier 2007.
Cette mise au point faite, Éric Zemmour a déroulé une partie de son programme avec aplomb, sous le regard de sa conseillère Sarah Knafo, assise au premier rang, qui à de nombreuses reprises lui communiquait par gestes ses recommandations sur le ton et le rythme à tenir. Sans surprise, la politique d’immigration y occupe une place centrale. Celle-ci s’articule autour de trois piliers : tarir les flux migratoires, réserver les aides sociales aux seuls Français et Européens, et expulser tous les clandestins ainsi que les délinquants étrangers. « Toutes ces mesures seront soumises au peuple français par référendum. Ainsi sacralisées, elles s’imposeront à tous, y compris au Conseil constitutionnel, aux juges européens et aux technocrates de Bruxelles. »
Diminution des charges pour les entreprises
À l’issue de ces propositions très offensives, celui que l’on taxe à l’envi d’islamophobie a tenu à rassurer la communauté musulmane. « Je tends la main aux musulmans qui veulent devenir nos frères. Beaucoup le sont déjà. Pour tous ceux qui veulent être Français et qui montrent au quotidien leur attachement à la France. […] À ceux-là je propose l’assimilation. » Un modèle que l’on sait cher aux yeux du désormais leader du parti Reconquête, dont la création et le nom ont été actés hier.
Très attendu sur la question économique, Éric Zemmour a fait sa première proposition forte de campagne sur ce terrain : diminuer les cotisations pour les entreprises afin que celles-ci puissent payer un treizième mois à leurs salariés au SMIC : « C’est chaque mois 100 euros de plus qu’ils recevront. Ce n’est que justice. C’est le fruit de leur travail et je ne conçois pas que nos salariés, surtout les plus pauvres, financent avec leurs charges un modèle social devenu obèse, car ouvert au monde entier », a-t-il déclaré.
L’ancien journaliste a également promis de refaire de la France une puissance industrielle. Pour cela, il souhaite « moins d’impôts, moins de taxes, moins de normes » et souhaite contraindre la commande publique à privilégier les sociétés françaises. « Il n’y a aucune raison pour que tous les pays du monde réservent leurs marchés publics à leurs entreprises nationales pendant que la France fait le choix de l’étranger par dogmatisme budgétaire et européen. »
Sur le volet éducation, enfin, Éric Zemmour a annoncé vouloir renouer avec les fondamentaux, « avec une attention particulière pour les mathématiques et les humanités ». « Dès la rentrée prochaine, nous referons de l’école l’instrument de l’assimilation et nous chasserons des classes de nos enfants le pédagogisme, l’islamo-gauchisme et l’idéologie LGBT », a-t-il scandé sous les acclamations du public.
Les enfants du candidat applaudissaient à tout rompre aux côtés de sa femme, stoïque. L'un de ses fils à qui l'on a demandé si c'était « à cause de lui qu'on en était là » , a botté en touche, mi-rieur mi-fier - Éric Zemmour avait raconté dans son dernier livre avoir été poussé par son fils à passer des « constats » à l'action.
En revanche, pas un mot sur le passe sanitaire et sur la gestion de l’épidémie de Covid-19 en général. « Il ne veut pas se laisser enfermer dans ce sujet », explique un membre de son équipe. Pas grave : l’un de ses soutiens, Jean-Frédéric Poisson, intervenu à la tribune quelques minutes plus tôt pour officialiser son ralliement annoncé, s’en est chargé pour lui en évoquant au milieu d'une litanie de libertés à retrouver, « la liberté d’être vacciné ou de ne pas l’être ». Ce à quoi la foule a répondu par un tonnerre d’applaudissements, scandant « Liberté, liberté, liberté ».
Et après ? La main tendue à Éric Ciotti
« Il a réussi sa mue », juge un sympathisant de droite « orpheline », conquis, à la sortie. Un autre reste plus réservé, le trouve en bonne voie mais regrette quelques restes d'agressivité et tacles dispensables dont il devrait s'exonérer pour se hissser « au-dessus de la mêlée ».
Pourra-t-il faire le trou à droite ? Le meeting d’Éric Zemmour s’est tenu au lendemain de la désignation de Valérie Pécresse comme candidate du parti LR, après sa victoire contre Eric Ciotti, représentant de l'aile droite du parti. Le député des Alpes-Maritimes était arrivé en tête d'un premier tour assez serré, et a été battu au second, assez nettement mais avec un score honorable (39%) qui le rend incontournable. Aux partisans de ce dernier, qu’il appelle « mon ami », le Z a lancé un appel : « votre place est parmi nous, dans ce combat pour la France. »
Sera-t-il entendu ? Quoi qu’il en soit, Eric Ciotti a pour sa part annoncé qu’il ne quitterait pas sa famille politique, jugeant par ailleurs qu’il était plus difficile de battre Emmanuel Macron avec Eric Zemmour qu’avec Valérie Pécresse.
Un sondage Harris-Interactive, pour Challenges, paru ce lundi, donne ces deux derniers au coude-à-coude (14%), derrière Emmanuel Macron (23%) et Marine Le Pen (18%).
Voir aussi :
Eric Zemmour candidat à l'élection présidentielle : une déclaration en vidéo... et déjà une polémiqueFace aux droites, Mélenchon "au combat" avec son "parlement" de campagne
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