Instituts de sondages… entre contrôle et opinion

Auteur(s)
Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 05 juillet 2024 - 10:58
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Sondages
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Pixabay (DR)
Instituts de sondages… entre contrôle et opinion
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Pour prendre la température, rassurer ou inquiéter, argumenter pendant les joutes télévisées, médias et personnalités politiques raffolent des sondages d’opinion. Sans surprise, depuis la dissolution Macron et l’avènement des nouvelles législatives, il en pleut. D’autant que l’affrontement droite-gauche (épargnons-nous les superlatifs inutiles) a rarement été aussi virulent. Les instituts de sondages sont à pied d’œuvre, mais comment procèdent-ils ? Sont-ils sélectionnés ? Sont-ils contrôlés ?

Commander un sondage, c’est pour connaître l’opinion. Simple. Brandir un sondage, c’est pour influencer les opinions. Basique. C’est une arme de communication. Toutefois, il est difficile de mesurer l’effet réel que la présentation de ces résultats peut avoir, et ce pour trois raisons : la méfiance grandissante envers le monde médiatique et la captation des données n’incite personne à répondre ou à dire la vérité ; la présentation des résultats peut être arrangée, bien que contrôlés ; enfin, nul ne peut prédire que les actions correspondront toujours aux réponses données.

Tout ceci étant dit, il est tout de même intéressant de comprendre le fonctionnement des sondages. En trois temps : création, possession, contrôle et publication.

La création d’un sondage

D’abord, un sondage est commandé. La plupart du temps par un média, ou un parti politique. Les questions sont ensuite rédigées par l’institut, et validées par le commanditaire. Les plus gros instituts sont habitués à travailler avec les mêmes clients, et vice versa. Viennent ensuite la constitution du panel (généralement 1 000 personnes, les plus « représentatives » possible), le « terrain », et le redressement. Ce dernier est un point intéressant, souvent fantasmé. « Il nous permet de nous assurer de l'équilibre de nos données. Par exemple, on va demander aux personnes interrogées pour qui elles ont voté en 2017. Si les électeurs d'Emmanuel Macron sont surreprésentés par rapport au score qu'il a fait réellement, on va minorer leur poids. Même chose si on se rend compte qu'on a trop de cadres par exemple ou trop de Bretons... », explique le sondeur d’Elabe Vincent Thibault à BFMTV.

Ensuite, le rapport est analysé avant d’être rédigé, puis envoyé à la Commission des sondages pour vérification (nous y reviendrons). Une fois validé, il peut enfin être publié, ou pas. Entre 2002 et 2017, le nombre de sondages publiés est passé de 193 à 560. Mais, tous les sondages ne le sont pas. Il n’est pas rare qu’ils soient gardés « privés », notamment par les partis politiques. Fin avril, selon les informations de Libération, François Ruffin révélait un sondage qu’il avait lui-même commandé à l’institut Cluster 17. Ce dernier montrait le Picard dans une meilleure posture que Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle de 2027. Il n’est pas le seul à commander ce genre de sondage, dévoilé seulement si avantageux.

Retenons de toutes ces étapes que la moitié d’entre elles peuvent donner lieu à manipulation. Par exemple : mélanger des questions sur le pouvoir d’achat des Français avec des questions sur leurs intentions de vote ; constituer un panel avec des répondants qui vont plutôt dans notre sens ; un peu trop (ou pas assez) « redresser » les données ; rédiger de façon trompeuse le rapport. Sur ce dernier point, Vincent Thibault assure à BFMTV : « C'est quelque chose d'assez technique, qui vise surtout à faire gagner du temps à la personne qui va lire l'étude ».

Qui « possèdent » les instituts de sondage ?

Autre point d’interrogation, qu’il n’est pas rare de poser aux médias : qui possède quoi ? Petit tour de table des instituts réputés en France (en fonction des informations trouvées) :

  • Harris Interactive : partie du groupe ITWP, présidé par Frédéric-Charles Petit, fondateur de Toluna, entreprise française devenue modèle de réussite dans l’univers des études marketing.
  • Opinion Way : racheté en 2022 par le groupe Les Echos-Le Parisien, détenu par Pierre Louette (notoirement hostile à l'obligation d'accorder aux rédactions des garanties de pluralité et de pluralisme). Précision : le groupe Les Echos-Le Parisien est lui-même une filiale du groupe LVMH, détenu par Bernard Arnault. OpinionWay travaille aujourd’hui avec le JDD, Europe1, CNEWS et Les Echos, entre autres.
  • Elabe : fondé et présidé par Bernard Sananes, ancien PDF de l’institut CSA. Au cours de son parcours, il a conseillé différents hommes politiques, essentiellement des Républicains. Elabe est partenaire de BFMTV.
  • CSA : partie du groupe Havas, elle-même filiale du groupe Vivendi, détenu par la famille Bolloré.
  • IFOP : partie du groupe LFPI, qui d’après Les Echos, a été « fondé en 2002 par des anciens de Lazard : Gilles Etrillard, toujours président du groupe, et Jérôme Balladur, fils de l'ancien Premier ministre Edouard Balladur, aujourd'hui retiré en Autriche. » Le média spécialisé en économie raconte notamment que « les associés de cette maison très discrète, qui ne dévoile pas son actionnariat, ont les poches profondes. LFPI a déboursé entre 90 et 100 millions d'euros, selon plusieurs sources, pour racheter Meeschaert à la barbe de La Banque Postale, Oddo BHF et Rothschild & Co. »
  • IPSOS : fondé par Didier Truchot, aujourd’hui dirigé par Ben Page.

Le contrôle de la Commission des sondages

A-t-on des garde-fous ? En théorie oui : la Commission des sondages. Une fois la rédaction terminée, avant la publication, le sondage doit passer entre les mains de la commission, chargée d’en vérifier la fiabilité. Pour ce faire, cette institution se fait forte de neuf membres : deux membres du Conseil d’État, deux membres de la Cour de cassation, deux membres de la Cour des comptes, chaque fois élus par ladite institution, ainsi que trois autres personnalités, désignées par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.

Comme l’explique Les Echos, la commission peut retoquer les sondages, en demandant un éventuel correctif, voire imposer une peine maximale de 75 000 euros en cas de non respect des obligations légales. Dans les faits, l’amende n’arrive jamais, et les demandes de retouches sont très rares. La commission est donc peu connue pour une raison.

Finalement, les sondages d’opinion demeurent… de l’opinion, potentiellement arrangée qui plus est. Libre à chacun d’y croire ou d’en douter, d’y répondre ou de les ignorer.

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