Dissolution 2024 (4/6) : Tuer la macronie… en emportant LFI dans la tombe.
Le 9 juin 2024, alors que le Rassemblement National et Reconquête ! parvenaient à hisser l’extrême-droite française au plus haut de l’histoire des élections européennes, Emmanuel Macron ordonnait, à la surprise générale, la dissolution de l’Assemblée nationale. Le « geste le plus démocratique et le plus républicain qui soit » selon le chef de l’État. Une stratégie risquée qui, si elle vise vraisemblablement une multitude d’objectifs, n’a pour autant aucun rapport avec la fibre républicaine du Président. Analyse (en six parties).
[Note de l’auteur : cette suite d’articles n’a pas vocation à prendre parti pour une idéologie plutôt qu’une autre. La démarche journalistique ici recherchée est de proposer une analyse globale des mouvements entre blocs politiques et des raisons ayant pu entraîner la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron. Cette chronique n’a donc ni pour ambition de questionner la qualité (ou la médiocrité) des individus ou de leurs programmes ni de chercher à influencer insidieusement le lectorat dans le choix de ses représentants.]
Précédent article : Dissolution 2024 (3/6) : RN et Macronie, les deux faces d'une même pièce (de théâtre)
Si RN et macronie font tout pour, comme le dit Eric Dupond-Moretti, « avancer ensemble », ils n’ont toutefois pas encore réussi à se retrouver totalement seuls. En effet, sur une planète où le débat politique est appelé à s’uniformiser en se limitant au seul duel entre « souverainistes » et « progressistes », la gauche radicale française, et plus particulièrement celle incarnée par la France Insoumise, fait figure d’exception politique.
La faute à l’histoire de France. De la Révolution à la Commune en passant par 1848, dans ce domaine, il faut bien reconnaître que la culture nationale est riche. Et, si on lui ajoute le début du XXe siècle et son mouvement anarchiste, le Front Populaire de 1936, le programme du Conseil national de la Résistance en 1944 (un consensus national de tendance nettement gauchiste) et, bien que de moindre importance, la révolte de mai 1968, le peuple français fait assurément office de gardien du temple en matière de défense de l’idéologie de gauche en occident.
À ce titre, aucune des plus grandes démocraties libérales ne dispose aujourd’hui de « grand » parti politique du type de LFI, c’est-à-dire avec une idéologie ancrée dans le marxisme (qui ne veut pas nécessairement/toujours dire bolchevisme) et dans le socialisme (au sens de Jaurès).
Ainsi, sur l’ensemble des pays du G7 (États-Unis, Royaume-Uni, Italie, Canada, Allemagne, Japon), seule la gauche française jouit d’un parti avec un électorat suffisamment important pour s’autoriser à se passer du soutien de ses figures sociales-démocrates. À l’inverse, dans ces six autres nations, ces dernières font office d’uniques représentantes légitimes de la gauche.
Or, entre LFI et les sociaux-démocrates, le choix est vite fait aux yeux de la macro-oligarchie.
Et ce n’est pas le chef de l’État qui dira le contraire, tant il remercie encore les SocDems français pour leurs votes dès le premier tour de chaque élection présidentielle… là où les électeurs de LFI ont toujours eu l’outrecuidance d’attendre les seconds pour baisser leur culotte.
HARO SUR LA DÉMOCRATIE !
De ce fait, bien plus encore que ses prises de position sur tel ou tel sujet, c’est avant tout la seule présence « trop à gauche » du parti de Jean-Luc Mélenchon qui dérange. Et, si on y ajoute l’obsession de la France Insoumise de vouloir taxer les ultra-riches, et donc les géniteurs et les soutiens de la macronie et du RN, alors, on dessine un peu mieux pourquoi les personnalités politiques et les médias affiliés aux oligarques français s’entêtent autant à attaquer frontalement ce parti.
Le (mini) pluralisme qu’il offre fait vraisemblablement un peu trop (sur)vivre la « démocratie » à leur goût. En effet, quelles que soient les idées propres à LFI, au RN ou aux « progressistes », quelle que soit l’opinion de chacun sur telle ou telle force politique, une chose est bien certaine : plus au sein d’un pays les idéologies sont nombreuses, diverses et variées et plus la démocratie vit.
Autrement dit, par sa seule capacité à alimenter le débat public en s’immisçant entre les « gentils progressistes » et les « méchants d’extrême-droite », ne serait-ce que pour cette simple raison, la France Insoumise fait tache. Elle rappelle à la macronie que celle-ci n’est pas de gauche, mais bien d’extrême-centre. Or, dans ce monde binaire en train de se dessiner sous nos yeux, les progressistes sont forcément de « gauche ». Exactement comme les Démocrates aux États-Unis se considèrent l’être… alors qu’en France, leur parti serait, au mieux, idéologiquement positionné au centre du paysage politique, bien plus proche de la macronie que de LFI.
Jugé comme trop menaçant, trop radical, trop « woke » et incapable de rassembler en dehors de son camp, le parti de Jean-Luc Mélenchon n’a, en l’état, aucune chance de pouvoir un jour séduire l’ensemble du bloc « progressiste », ce qui le disqualifie de facto aux yeux des puissants.
La preuve de l’incapacité de LFI à pouvoir chasser ailleurs que sur ses terres : ses alliances à gauche se sont toutes très vite soldées par des échecs. Les divergences de fond étant trop importantes pour maintenir un semblant d’unité. Néanmoins, par ses bons résultats lors des différents scrutins présidentiels et législatifs, Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise continuent de peser de tout leur poids sur la scène politique nationale et sur la gauche… imposant de ce fait un récit tripartite, totalement incompatible avec l’agenda macro-oligarchique.
Voici pourquoi la cible politique préférentielle d’Emmanuel Macron est devenue LFI.
En résumé, après avoir largement droitisé l’exercice de son pouvoir, Emmanuel Macron s’est vite rendu compte qu’il serait incapable de convaincre un jour l’électorat de la France Insoumise de le rejoindre volontairement. Faute de mieux, le chef de l’État s’est alors fixé comme objectif politique de déplacer progressivement le centre de gravité de la gauche le plus à droite possible, c’est-à-dire en essayant de la resituer au niveau des sociaux-démocrates… aussi connus comme les « ennemis de la Finance », ceux-là même qu’Emmanuel Macron a mis au pas depuis 2017.
Pour y parvenir, ce ne sont pas les ballons d’essai qui ont manqué au cours des dernières années. Plusieurs personnalités ont ainsi été jetées dans le grand bain pour tenter de faire chavirer le bateau LFI :
- Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre de François Hollande, a par exemple, en 2023, essayé de lancer son mouvement : La Convention, avec pour ambition « de reconstruire une grande force de gauche capable de porter une fois encore la gauche au pouvoir », parce que, selon lui, « l'enjeu n'est pas de savoir qui va être le premier à gauche, mais si cette nouvelle sociale-démocratie est capable d’entraîner le peuple ».
Spoiler : elle ne l’a pas été et Cazeneuve est alors reparti aussi vite qu’il n’était arrivé ;
- Laurent Joffrin, dans le même registre, a lui aussi tenté de convaincre l’électorat gauchiste en lançant le mouvement Engageons-nous ! Si ce nom était plutôt bien trouvé, l’ancien directeur de la rédaction et de la publication de Libération a toutefois très vite compris, qu’en dehors de ses tout proches, pas grand monde ne souhaitait réellement « s’engager » à ses côtés. Pourtant, il avait, lui aussi, clairement identifié sa cible lorsqu’il expliquait que « la presse est affectée de mélenchonisme ».
À défaut d’avoir pu purger la presse de son affection au gourou de LFI, cette démarche politique infructueuse avait au moins eu le mérite de débarrasser efficacement les médias du Joffrinisme. On ne peut pas non plus tout avoir ;
- Anne Hidalgo, sorte de Ursula von der Leyen parisienne, a de son côté réussi, en 2022, l’exploit de faire un score encore plus faible que celui de Benoît Hamon en 2017… et, donc, le plus bas de toute l’histoire du Parti socialiste dans une élection présidentielle.
Grâce à cela, même si elle n’a pas été en mesure de rassembler derrière son nom, la maire de Paris a malgré tout rempli l’un de ses objectifs personnels en s’assurant de rester longtemps dans les annales de « la gauche » ;
- Et, même, François Ruffin ! Qui vient de déclarer, ce mardi 25 juin, que Mélenchon était « un obstacle à la victoire » parce qu’il « repousse les électeurs ».
Si, contrairement aux trois autres personnalités citées, lui n’est pas à proprement parler un social-démocrate, l’élu de la Somme a toutefois déjà démontré l’étendue de ses capacités à pouvoir trahir la cause sociale. En effet, personne n’a oublié le jeu de dupes médiatique (1) orchestré avec Emmanuel Macron dans le cadre du plan de licenciements réalisé, en 2016, au sein de l’entreprise ECOPLA.
Bien que maintes fois démentie par les médias dominants, cette pièce de théâtre – d’abord écrite en coulisse entre les deux protagonistes… alors en précampagne électorale (Ruffin était encore officiellement membre du journal Fakir à cette époque) – leur avait tous deux permis de gagner des points de popularité auprès de l’opinion publique, avant, quelques mois plus tard, de remporter leur toute première élection. L’un en tant que Président, l’autre comme député.
En d’autres termes, François Ruffin a déjà montré toutes ses capacités à pouvoir entretenir un récit factice… soit une qualité particulièrement appréciée et recherchée au sein de la macro-oligarchie.
Au final, rien n’y a fait. Quels que soient les personnages mis en avant, Jean-Luc Mélenchon tient bon ! Malgré ses sorties colériques, sa soumission à Emmanuel Macron lorsqu’il le croise, son incapacité à fermement dénoncer les mesures liberticides mises en place durant la pandémie de Covid, et, avec elles, le totalitarisme macroniste (liste non exhaustive), le vieux loup de mer et son parti sont, faute de concurrence digne de ce nom, toujours restés suffisamment puissants pour être le choix le plus crédible aux yeux du peuple de gauche.
MACRON DÉTACHE LA LAISSE DES SOCIAUX-DÉMOCRATES
Enfin, ça, c’était avant les dernières élections européennes.
En effet, à cette occasion, un miracle oligarchique s’est produit. Comme à l’accoutumée, bien aidée par la horde médiatique qui n’a cessé de mettre en avant Raphaël Gluskmann, la macronie s’est enfin dégoté un champion capable de siphonner une partie de l’électorat de LFI. Avec plus de 13 % des voix lors de ce scrutin européen, le chef de file de Place Publique, voire du PS, a enfin réussi là où tous les autres avaient échoué avant lui.
Bien joué !
La macronie, au leader sans avenir, étant déjà en état de mort cérébrale avec un RN au plus fort pour continuer le jeu binaire entre « globalistes » et « souverainistes », il devenait manifestement plus intéressant dans la stratégie oligarchique de commencer à préparer 2027. Sacrifier la majorité présidentielle pour rebattre les cartes du Palais Bourbon afin de permettre aux sociaux-démocrates du Parti Socialiste et de Place Publique (PS-PP) d’y prendre une place plus importante, tout en diluant l’hégémonie à gauche du parti de Jean-Luc Mélenchon en le repoussant encore davantage dans le camp des radicaux, voilà finalement bien ce qui semble avoir été un pan important de la stratégie du pouvoir au moment de dissoudre l’assemblée.
Alexis Poulin, lors de son interview avec Éric Lemaire, abondait dans ce sens : « Que le Rassemblement National soit en hégémonie [dans ces législatives], c’était le cas avec ces élections européennes, donc ce n’était que la suite. En revanche, Emmanuel Macron comptait sur une explosion de la gauche, avec l’idée des deux gauches irréconciliables ».
Dans une chronique dans Le Monde, la journaliste Solenn de Royer considère, elle aussi, que Macron a tenté de rejouer une énième fois la symphonie de l’appel aux « castors », alias ces individus qui ne votent plus que pour faire barrage.
En introduction de son article, Le Monde résume ainsi les propos de la journaliste : « Ayant observé, notamment depuis le 7 octobre 2023 et l’attaque du Hamas contre Israël, les profondes divisions de la gauche et la mort clinique du parti Les Républicains (LR), Emmanuel Macron a voulu pousser son avantage, espérant un nouveau face-à-face entre ses candidats et ceux du Rassemblement national (RN), rejouant le “moi ou le chaos” ».
Ainsi, nombreux sont les observateurs à avoir considéré que, grâce à cette division de la gauche, même diminué, le bloc centriste gardait bel et bien toutes ses chances de rester la seule force politique capable de faire face au Rassemblement National après cette dissolution.
D’ailleurs, Le Figaro, sur la base d’un article du Figaro Magazine, révélait qu’Emmanuel Macron « affichait son optimisme, au lendemain de sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale ». Face à un petit comité composé de ministres et de collaborateurs, le chef de l’État aurait jubilé face à la division de la gauche, assurant à ses convives : « Je leur souhaite bien du plaisir pour s’unir en vingt jours ! ».
Moins de deux jours plus tard, le Nouveau Front Populaire (NFP) était créé… Aussi, selon Le Figaro, « le chef de l’État n’imaginait pas une seule seconde la gauche capable de se réunir ».
En bref, Emmanuel Macron aurait été tout bonnement surpris par cette alliance soudaine autour du NFP.
Un raisonnement qui se tient, puisque, là où la NUPES était écrasée sous le poids de la France Insoumise, bien plus puissante électoralement que n’importe lequel de ses alliés, grâce aux résultats de ces dernières élections européennes, les forces politiques de gauche sont à présent séparées en deux corps électoraux numériquement bien plus équilibrés.
Pour autant, si cette petite mélodie apparaît comme crédible aux oreilles de beaucoup, elle n’est pas obligatoirement source de vérité. Il semble, en effet, difficilement croyable que, lors de la réflexion ayant entraîné le choix de dissoudre l’Assemblée nationale, cette potentialité de voir la gauche s’unir n’ait pas du tout été prise en compte par la macro-oligarchie, ni par les têtes pensantes de Blackrock et de McKinsey. La surprise aurait été totale !
Pour Jean-Pierre Raffarin, devenu proche politiquement d’Emmanuel Macron, cette alliance à gauche était, en réalité, inéluctable.
Invité sur CNEWS à exprimer son avis sur ces élections législatives anticipées, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac déclare (à partir de 01:33:20) : « Si on m’avait interrogé, moi, sur une dissolution, je vous aurais dit, pour avoir vécu [celle de] 97, que la dissolution provoque l’unité de vos adversaires ! (…) En politique, quand ça sent la poudre, les gens se rassemblent ».
À en croire Jean-Pierre Raffarin, Emmanuel Macron a donc beau jeu de faire le surpris, aucun suiveur assidu de la politique française ne peut décemment imaginer que les souffleurs du Président n’aient pas préalablement envisagé la probabilité qu’un tel scénario puisse survenir.
Or, ce petit détail change tout de même pas mal de choses à l’histoire.
L’UNION DE LA GAUCHE, UNE VRAIE-FAUSSE SURPRISE POUR MACRON
En effet, dès lors que le chef de l’État était conscient de ce risque, c’est donc qu’il a choisi délibérément de le prendre, c’est-à-dire qu’il a accepté l’idée qu’une alliance de gauche puisse finalement voir le jour au point de devenir la seconde force politique du pays… devant la macronie.
C’est bien que là n’était pas l’essentiel pour le Président (et ses marionnettistes).
Si ces « deux gauches irréconciliables » ont finalement trouvé un accord en créant – personne n’est dupe – une coalition purement électoraliste, cette union a surtout permis – et ce n’est pas rien – de déboucher sur un pacte de non-agression entre le clan de Glucksmann et celui de Mélenchon… au moins jusqu’à la fin du dépouillement du second tour.
Un rapprochement républicain dicté par le besoin de s’opposer conjointement au RN, soit, mais, concrètement, qui a le plus à gagner avec cette alliance ?
Les chiffres ne trompent pas. En raison de cet accord de non-agression signé entre LFI et le PS-PP, quand en 2022, le parti de Jean-Luc Mélenchon présentait un candidat dans 360 circonscriptions, cette année, ils ne sont plus que 229. Le PS-PP passe, lui, de 70 circonscriptions en 2022 à 170 aujourd’hui.
Les résultats du second tour éclaireront la nature de la percée réelle au sein de l’assemblée de l’union du Parti socialiste et Place Publique, mais en multipliant par presque 2,5 leur nombre de candidats, alors que LFI perd plus de 40 % des siens, il est incontestable que les grands gagnants de cette coalition, et par extension de cette dissolution, sont, en plus du RN, les sociaux-démocrates qui devraient faire leur retour en trombes sur la scène politique nationale.
Et, du coup, forcément, avec toutes ces gamelles disponibles, d’anciennes têtes bien connues… mais pas toujours appréciées, ressortent de leur terrier. Par exemple, François Hollande et Dominique Voinet, qui, pour gagner, sont visiblement prêts à tout, y compris à s’allier avec LFI en prenant l’étiquette du NFP.
Jérôme Cahuzac, sûrement le plus pestiféré de tous, n’a, lui en revanche, pas osé revendiquer son attachement à la nouvelle alliance de gauche. Se présentant en candidat libre, il sera toutefois bien présent pour faire le nombre… puisqu’aucun macroniste ne se présente face à lui. C’est que devoir chercher 100 nouveaux candidats « progressistes » au sein d’un Parti socialiste revenu d’outre-tombe et d’un jeune mouvement à peine naissant, cela ne se trouve pas si facilement… d’où, certainement, l’injonction faite aux éléphants de repartir au combat pour gonfler les rangs.
Et pour tous ceux qui n’ont pas eu le courage de prendre le risque de subir un nouveau désamour populaire dans les urnes, tels que Bernard Cazeneuve ou Manuel Valls, ils ont vite pris le pli en se chargeant d’aller pourrir le parti de Jean-Luc Mélenchon dans les médias.
Au final, s’il s’agit là d’une stratégie politique qui ne date pas d’hier, le mouvement général actuel de la Hollandie, précurseur du progressisme à la française, montre bel et bien que les sociaux-démocrates ont engagé toutes leurs forces dans la bataille contre LFI.
EMMANUEL LE PEN FAIT CAMPAGNE POUR SON CAMP
Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls. Que penser des déclarations du chef de l’État lors de sa venue sur l’île de Sein ?
Face au retour du clivage gauche-droite, Emmanuel Macron a visiblement choisi son camp lorsqu’il explique à un couple de retraités, croisé lors de la commémoration de l’appel du 18 juin du Général de Gaulle, que le programme économique du Nouveau Front Populaire « c'est quatre fois pire en termes de coûts » que celui du RN.
Puis, s’étant manifestement trompé de script ce matin-là, il se met soudainement à jouer le rôle de Marine Le Pen en qualifiant le programme du NFP de « totalement immigrationniste ».
En roue libre, Emmanuel Macron critique ensuite cette gauche qui souhaite faciliter le « changement de sexe en mairie », sous-entendu que lui s’y opposerait. Un discours particulièrement étonnant de la part d’un homme qui, lors de la dernière élection présidentielle, se disait justement favorable à ces changements de genre… et dont l’épouse se dit elle-même victime de transphobie.
Emmanuel Macron n’en est plus à une incohérence près. Il ne raisonne pas ainsi. Quel est l’objectif du jour ? Favoriser le RN et plomber l’union de la gauche, LFI en particulier ? Pas de problème, le Président est là !
Le chef de l’État a beau jeu ensuite de chercher à prôner le « ni-ni » – c’est-à-dire qu’au moment du second tour la macronie dit vouloir appeler à voter blanc, nul ou à s’abstenir en cas de duel entre le RN et LFI – in fine, les intentions macro-oligarchiques semblent claires.
LE PHÉNIX PROGRESSISTE
Par ailleurs, si le chef de l’État a ostensiblement massacré sa macronie en décidant de dissoudre l’assemblée, a-t-il pour autant réellement tué l’avenir de l’extrême-centre et des progressistes ?
Pas sûr ! Toujours sur l’antenne de CNEWS (à partir de 01:28:55), Jean-Pierre Raffarin estimait qu’il allait prochainement falloir « construire un grand parti politique (…) capable de rassembler (…) et qui préparera l’alternance ». L’ancien Premier ministre ajoute qu’il souhaite voir l’émergence « d’une grande famille politique » qui irait du « centre droit au centre gauche ».
Autrement dit, un nouveau bloc capable de remplacer la macronie pour impulser un nouvel élan « progressiste ».
Voilà qui tombe à pic, les SocDems sont justement en pleine Renaissance ! La preuve supplémentaire que si les plus vieux briscards de la politique ont tous ressorti le nez de leur caveau, c’est aussi parce qu’ils ont acté que la macronie était, à son tour, définitivement morte et qu’il fallait dès à présent commencer à construire ce nouveau bloc.
Lors de son interview avec Éric Lemaire, Alexis Poulin ajoutait un élément supplémentaire à cette réflexion : « La République en Marche, même si elle va perdre beaucoup d’élus, reste suffisamment importante et pourra faire des rois pour le futur candidat de ce bloc centriste ».
Et oui ! Dissoudre l’assemblée permet, certes, d’asseoir durablement un jeu binaire avec le RN, tout en affaiblissant LFI et en ressuscitant les sociaux-démocrates, mais cela offre surtout l’opportunité de préparer l’avenir. L’objectif final pour l’oligarchie restant de trouver un nouveau champion capable de prendre la tête du bloc ultra-libéral en 2027 afin de conserver l’Élysée.
Et la boucle pourra alors être bouclée !
« En même temps », il faut bien trouver quelqu’un pour pouvoir donner le change aux « méchants souverainistes d’extrême-droite », c’est-à-dire à cet énorme fourre-tout dans lequel se retrouvent les partisans du Rassemblement National et de Reconquête ! - bel et bien qualifiables d'extrême-droite, comme l'a récemment confirmé le Conseil d'Etat au sujet du RN - mais aussi tous ceux accusés d'être complotiste, antivax, anti-passe, frexiter, russophile, climato-sceptique, Gilets Jaune, [continuez la liste par vous-même…].
En bref, tout individu qui se situe un tant soit peu en dehors des clous « progressistes ».
Un vrai projet de société ! Ne reste donc plus qu’à trouver celui ou celle qui aura l’envergure politique nécessaire pour tenir le rôle du futur « roi » ou de la future « reine » !
À suivre, le cinquième volet de cette chronique : Dissolution 2024 : Il faut sauver le soldat Attal !
NB : Les médias ayant l’obligation légale de ne pas publier d’articles ayant trait à la politique française durant le week-end, retrouvez la suite de cette analyse après le premier tour des législatives.
Wolf Wagner, journaliste indépendant pour France-Soir.
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