Kohler colère, après avoir échoué en appel à affaiblir la procédure le visant pour "prise illégale d'intérêts"
Revers procédural majeur pour Alexis Kohler : la cour d'appel de Paris a écarté mardi la prescription des faits de prise illégale d'intérêts reprochés au bras droit d'Emmanuel Macron pour ses liens familiaux avec l'armateur MSC et confirmé les poursuites le visant.
Plusieurs sources proches du dossier, confirmées par une source judiciaire, ont indiqué à l'AFP que la chambre de l'instruction a confirmé les ordonnances des deux magistrates instructrices constatant la non-prescription des faits et a rejeté une requête en nullité.
Avant l'audience, plusieurs sources côté défense avaient indiqué qu'en cas de défaite, des pourvois seraient formés par M. Kohler et les deux autres grands commis de l'Etat mis en cause. Mais à l'issue du délibéré, aucun avocat de la défense n'a souhaité commenter.
Le bras droit d'Emmanuel Macron est mis en examen depuis 2022 pour prise illégale d'intérêts pour avoir participé comme haut fonctionnaire de 2009 à 2016 à plusieurs décisions relatives à l'armateur italo-suisse dirigé par les cousins de sa mère, la famille Aponte.
Kohler est d'abord mis en cause pour des faits remontant aux années 2009-2012, où il officiait comme représentant de l'Agence des participations de l'Etat (APE) au sein du conseil d'administration de STX France (devenu Chantiers de l'Atlantique) mais aussi au conseil d'administration du Grand port maritime du Havre (GPMH).
Il est ensuite soupçonné d'avoir, entre 2012 et 2016, participé à des choix sur des dossiers impliquant MSC à Bercy, au cabinet de Pierre Moscovici puis d'Emmanuel Macron.
Depuis le début, la défense d'Alexis Kohler affirme d'une part qu'il s'est toujours tenu à l'écart de toute décision relative à MSC et qu'il a informé ses supérieurs de l'existence de liens familiaux "très au-delà de ses obligations déontologiques".
D'autre part, elle assure au terme d'un calcul juridique qu'au moins une partie des faits, antérieurs à 2014, sont prescrits.
- Pas d'"enterrement" -
La chambre de l'instruction, qui a étudié ce dossier à huis clos le 1er octobre, a adopté mardi une position différente du ministère public, partisan d'une prescription, en confirmant une ordonnance des magistrats instructeurs d'avril 2023 par laquelle ils concluaient que les faits n'étaient pas prescrits, notamment à cause des "actes positifs pour dissimuler" ce conflit d'intérêts allégué imputés à M. Kohler.
Cette position permet de placer le début du délai de prescription au moment où ils ont été révélés par Mediapart, en mai 2018, et donc de déclencher des poursuites.
Pour les juges, M. Kohler a en effet tu cette attache en n'informant que de manière "restreinte ses collaborateurs directs" et a opté pour une "non-révélation délibérée de ce lien à des interlocuteurs majeurs" institutionnels ou économiques impliqués avec lui dans des orientations relatives à MSC.
Deux anciens patrons de l'APE, Bruno Bézard (2007-2010) et Jean-Dominique Comolli (2010-2012), mis en cause pour leur "pacte de silence" avec M. Kohler qui résulterait d'un "embarras" quant à cette situation, se sont également fait retoquer mardi leur demande de reconnaissance de la prescription.
Me Jean-Baptiste Soufron, avocat d'Anticor, partie civile à l'origine de la relance des investigations après le classement d'une enquête préliminaire en août 2019, a qualifié auprès de l'AFP la décision de "satisfaisante, surtout au regard des nombreuses tentatives d'enterrer le dossier, y compris de la part du président (Emmanuel Macron) lui-même".
Emmanuel Macron avait fourni une "attestation d'employeur", une note versée à l'enquête initiale, pour dédouaner son collaborateur. Plus tard, il avait exprimé publiquement à plusieurs reprises sa "confiance" en son "honnête" bras droit et estimé que la "procédure n'(était) pas en train d'aboutir".
L'association anti-corruption s'est dite elle "soulagée par cette décision qui intervient alors que des efforts colossaux sont déployés pour faire enterrer ce dossier (...). Personne n'est au-dessus des lois".
Les investigations sont closes depuis avril 2023 et sous réserve de l'avis de la Cour de cassation en cas de pourvoi, le PNF sera ensuite amené à prendre ses réquisitions et à choisir entre garder sa position initiale d'opposition à des poursuites ou se ranger à l'avis de la cour d'appel et des juges d'instruction.
Ces derniers auront ensuite le dernier mot sur la tenue éventuelle d'un procès correctionnel.
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