L’Allemagne prévoit une baisse drastique de son aide à Kiev entre 2025 et 2027
Le soulagement ukrainien ayant résulté de l’adoption, par l’UE et le Congrès américain, d’une aide financière cumulée de plus de 100 milliards d’euros en février dernier, laisse à nouveau place à l’inquiétude, après l’annonce, par Berlin, d’une réduction drastique de sa contribution à Kiev. L’information, relayée par la presse locale ces précédents jours, a été confirmée le weekend dernier. Cet apport allemand, le deuxième après celui des États-Unis et qui s’est établi à 8 milliards d’euros de crédit en 2024, pourrait être réduit de moitié pour 2025 pour baisser encore à moins de 500 millions d’euros en 2027.
En toile de fond de cette décision, la situation économique compliquée marquée par une récession en 2023 ainsi que les désaccords de la coalition au pouvoir mené par le chancelier Olaf Scholz. En 2023, Berlin a connu une contraction de son activité économique, avec un PIB en recul de 0,2 %. Les prévisions pour 2024 restent faibles, avec une croissance estimée à seulement 0,2 % à 0,4 % selon différentes sources.
L’aide à l’Ukraine plombée par les tensions de la coalition
En outre, la politique budgétaire allemande est influencée par une règle constitutionnelle, c’est-à-dire le "frein à l'endettement" qui limite les emprunts publics. En 2023, une décision de la Cour constitutionnelle a restreint les modalités de dérogation à cette règle, ce qui a contraint le gouvernement à réviser son budget pour 2024 et à réduire ses marges de manœuvre budgétaires.
Celles-ci cristallisent justement les tensions parmi les membres du gouvernement de coalition, composée du Parti social-démocrate (SPD) d’Olaf Scholz, des Verts et du Parti libéral-démocrate, dont les dirigeants sont d’ailleurs à la tête du ministère des Finances. Les écologistes se voient mal valider des coupes budgétaires sur le social ainsi que la transition écologique. Le social-démocrate Boris Pistorius, ministre de la Défense et fervent soutien à l’Ukraine, prône la poursuite de l’aide allemande, accentuant ses appels après le bombardement d’un hôpital pour enfant à Kiev en juillet. Toutefois, le libéral Christian Lindner, à la tête des Finances, ne lâche pas du lest.
Un des points d’entente réside alors dans la réduction du soutien financier allemand à Kiev. “La fête est finie”, a commenté une source gouvernementale à la presse locale. Après une hausse vertigineuse de cette aide à 8 milliards d’euros cette année, l’Allemagne envisage une coupe de moitié pour 2025, soit 4 milliards d’euros, autant que la somme dépensée dans ce sens en 2023. Mais cette proposition du budget, qui doit passer par le Bundestag à la rentrée, prévoit le maintien de cette courbe descendante pour les années à venir avec 4 milliards pour 2025, trois pour 2026 et moins de 500 millions d’euros en 2027.
Le débat suscite des controverses en Allemagne. Ce pays voisin est le deuxième fournisseur d’armes à Kiev, loin derrière Washington et bien devant Paris. Entre février 2022, mois du début de la guerre, et juin de cette année, la contribution allemande s’est élevée à plus de 14 milliards d’euros. Il est entre autres question de crédits ou encore du transfert de 76 chars Leopard, des systèmes antiaériens Patriot, des systèmes de missiles antiaériens de courte ou moyenne portée Iris-T.
L’Allemagne lorgne les actifs russes gelés en Europe
Pour Moritz Schularick, président du Kiel Institute for the World Economy, un institut de recherche économique allemand, le gouvernement veut “sauver la paix de la coalition au détriment de l’Ukraine et de la sécurité européenne". De son avis, la réduction de l’aide allemande entraînerait "des coûts consécutifs bien plus élevés que les moyens actuellement économisés", comme un éventuel afflux conséquent de réfugiés en cas de "défaite de l’Ukraine".
Le champion des jeux d’échecs, Gary Kasparov, réputé pour être opposant à Vladimir Poutine, rappelle, comme un reproche, l’histoire nazie de l'Allemagne qui “a mené le monde au bord du gouffre”. “Monsieur le Chancelier Scholz, ne permettez pas que cela se reproduise. Donnez à l'Ukraine l'aide militaire dont elle a besoin", a-t-il écrit dans Bild.
L’ambassadeur d’Ukraine à Berlin martèle que c'est "la sécurité de l’Europe tout entière qui dépend de la volonté politique de l’Allemagne". Le débat intervient dans un contexte international marqué par les élections américaines de novembre et la possible victoire de Donald Trump, qui a maintes fois mis en cause l’aide américaine à Kiev.
L’Allemagne, de son côté, mise surtout sur les intérêts générés par les 300 milliards de dollars d’actifs russes, gêlés par les banques européennes depuis le début de la guerre, pour compenser la différence. Si plusieurs États, dont ceux du G7, se sont mis d’accord pour transférer les intérêts de ces placements vers l’Ukraine, les détails techniques et juridiques restent à déterminer.
Fin juillet, l'Union européenne a annoncé le transfert à Kiev d'1,5 milliard d'euros provenant des actifs russes gelés. “Aujourd'hui, nous transférons 1,5 milliard d'euros provenant des actifs russes immobilisés à la défense et à la reconstruction de l'Ukraine”, avait déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
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