Le Sénat entame les débats sur l'instauration du passe vaccinal
Pour la douzième fois depuis le début de la crise sanitaire, le Sénat s'est rassemblé ce jour à 14 h 30 pour débattre du projet de loi instaurant le passe vaccinal. La discussion générale ouvrant la séance s'est achevée au bout de deux heures, laissant d'ores et déjà apparaître quelques points de convergence et des fractures au sein de l'assemblée.
« Tout a été fait pour que ce débat soit perturbé par des polémiques »
Plein d'élégance, c'est le rapporteur de la commission des lois Philippe Bas, qui donnait de la voix en premier : « Vous m'excuserez de ne pas recourir à un vocabulaire fracassant pour me faire entendre, j'ai toujours pensé que venant de leurs représentants, les Français ressentent la vulgarité comme une humiliation et non comme une marque de proximité. » Une allusion claire aux récents propos du président de la République.
« Le Sénat est engagé dans la lutte contre l'épidémie en conjuguant exigence sanitaire, respect des libertés et contrôle parlementaire », assure-t-il ensuite, pour entamer un numéro d'équilibriste entre l'avis gouvernemental et celui de l'opposition.
Philippe Bas, dans le but de recentrer le débat sur ce qu'il estime essentiel, énumère plusieurs faits éclairants. D'abord, si l'épidémie flambe en termes de contaminations, le variant Omicron se montre beaucoup moins virulent que son prédécesseur Delta, qu'il « évince » petit à petit. Ensuite, concernant les non-vaccinés, il assure qu'il « n'est pas juste de les accuser de la flambée de l'épidémie, puisque les trois quarts des Français actuellement contaminés sont vaccinés. On ne peut davantage leur reprocher de saturer l'hôpital, car les malades du Covid hospitalisés en soins critiques sont, pour près de la moitié, des personnes vaccinées. » Aussi lance-t-il à l'intention d'Olivier Véran que « les non-vaccinés ont bon dos », notamment pour masquer l'usure du système de soins en France. « Le seul argument médical doit être celui de la protection, non celui de la punition. Il faut renouer le fil du dialogue. Convaincre sans montrer du doigt », finit-il par dire, toujours convaincu lui-même de l'efficacité du vaccin, qui « réduit à 90 % les formes graves de la maladie. »
En bon représentant, c'est avant tout « pour leur bien » que Philippe Bas invite finalement les non-vaccinés à franchir le pas. C'est aussi pour leur bien qu'ils doivent « éviter les lieux propices à la contamination. » Il se montre donc en faveur du passe vaccinal, sous quelques conditions toutefois : le maintien du passe vaccinal ne sera pas laissé à la seule appréciation du gouvernement actuel (clause de caducité) ; les mineurs doivent en être épargnés ; les entreprises doivent avoir la main sur les méthodes de travail de leurs salariés sans risquer de sanction.
« L'escalier sans retour vers la restriction des libertés »
C'est le sénateur Loïc Hervé, de l'Union centriste, qui a pris le micro après lui pour défendre sa motion de censure. Aussi en a-t-il profité pour amener le débat sur un terrain plus philosophique. Il souligne le fait qu'historiquement, le « Sénat s'est toujours battu pour la préservation des libertés. » Après quelques mots sur la stratégie vaccinale et le contrôle d'identité, il clame : « Où est la gauche des droits de l'Homme ? Où est la droite de la liberté ? Où sont les grands penseurs, les intellectuels ? »
S'opposant à cette initiative, Philippe Bas reprend la parole pour assurer que si « les libertés sont sacrées, elles ne sont pas absolues. Elles se rapportent à des limites et les restrictions doivent ainsi être strictement proportionnelles à la mesure de l'épidémie. » La motion de censure a rapidement été rejetée.
« Il faut vacciner le plus de monde possible, le plus vite possible »
Peu de temps après, c'est Claude Malhuret, président des Indépendants, qui s'est livré, une fois n'est pas coutume, à une diatribe sans filtre contre les non-vaccinés, étalant par là même sa verve et sa culture générale. Si les qualités d'orateur sont indéniables, la capacité à faire avancer le débat l'est peut-être un peu moins, puisque c'est catégorique qu'il avance : « Nous avons aujourd'hui trois certitudes. Le vaccin empêche l'immense majorité des formes graves. La probabilité de faire un séjour en réanimation est dix fois supérieurs chez les non-vaccinés. Les services d'urgence sont remplis par la petite minorité qui refuse la vaccination. La conclusion est d'une simplicité biblique, il faut vacciner le plus de monde possible, le plus vite possible. »
Comme lors des précédentes discussions, le numéro de Claude Malhuret lui a attiré les foudres de ses détracteurs, qui, tout en lui reconnaissant une certaine verve, ont condamné ce numéro de cabotinage dogmatique, à commencer par son confrère Alain Houpert, aux premières loges :
« L’idéal serait une vaccination obligatoire ». Voilà l’acmé du discours de mon collègue Claude Malhuret, fervent défenseur du gouvernement et du Président qui multiplie les bons mots comme autant de grelots sur son costume de fou du roi. pic.twitter.com/A2jQ4BEqyZ
— Alain Houpert (@alainhoupert) January 11, 2022
« Les garde-fous sont prévus »
S'il est difficile de deviner l'issue du vote final dès à présent, les sénateurs semblent toutefois avoir trouvé quelques points de convergence. À l'exception de Stéphane Ravier qui préfère se tester régulièrement pour ne pas risquer la contamination, tous les orateurs ont semblé convaincus des bienfaits de la vaccination, et seulement diverger sur ses modalités : consentement libre et éclairé, le passe vaccinal, ou l'obligation claire et nette.
Cela étant, ils sont nombreux à avoir mis en garde contre « une société de contrôle permanent », appuyant notamment sur les contrôles d'identité qui ne seraient plus l'apanage des forces de l'ordre.
Enfin, l'argument de la « clause de caducité », comme l'appelait Guy Benarroche, sénateur écologiste des Bouches-du-Rhône, semble faire beaucoup d'adeptes. Philippe Bas l'appelait de ses vœux, assurant qu'il fallait définir des critères d'évaluation de la pandémie afin de ne pas risquer une pérennisation déraisonnée des contraintes.
Mais Olivier Véran est rapidement venu répondre sur ce point : « Les seuils dans la loi sont rigides, et nous empêchent d'agir. » Aussitôt assure-t-il, se voulant rassurant, que « les dispositions actuelles en matière d'application du passe vaccinal renvoient à la notion d'urgence sanitaire. S'il s'avérait que la situation épidémique et sanitaire n'était plus jugée compatible avec le maintien du passe, la justice ordonnerait à ce que ces dispositifs tombent. Les garde-fous sont prévus. » Nous voilà rassurés !
La discussion générale terminée, l'examen des amendements se poursuit aujourd'hui et demain.
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