Les radars privés embarqués à l'épreuve de la légalité
L’Etat a décidé de confier l’exploitation des radars embarqués à des opérateurs privés, qui ont commencé à verbaliser sur les routes de Normandie depuis avril, avant une généralisation annoncée sur tout le territoire. À terme, 383 véhicules avec radars intégrés, pouvant flasher les automobilistes circulant sur la même voie ou roulant de face, seront opérationnels. Ces véhicules rouleront huit heures et tourneront même les jours fériés et la nuit.
Cette externalisation consiste à placer des agents d'une société privée aux commandes de voitures équipées de radars embarqués. Pour que la présence d'un agent assermenté ne soit pas nécessaire, tout se fait automatiquement. Il est prévu que l’agent privé ne procède à aucun réglage manuel. Emmanuel Barbe le délégué interministériel à la sécurité routière a précisé que "l'opérateur privé ignore tout du nombre de flashs qu'il réalise sur l'itinéraire fixé par la préfecture".
Pour l'État, ce mariage public-privé ne peut qu'être profitable car il va permettre d’affecter les forces de l'ordre à d'autres tâches. Néanmoins la légalité de ce dispositif fait débat.
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En effet l’association 40 millions d’automobilistes a notamment engagé un recours devant le Conseil d’Etat.
Le Canard enchaîné a de son côté publié le 16 mai le contenu d’une note interne du ministère de l’Intérieur remettant en cause la légalité de ce système.
Dans sa note en date du 30 mars 2017, la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) met en doute trois points.
Un tel dispositif pourrait être "possible" s’il était "prévu par la loi", ce qui n’est pas le cas selon le Canard. La note précise que "l’externalisation [des contrôles de vitesse] devrait être prévue par la loi, celle-ci devant expressément prévoir la possibilité, pour des opérateurs privés, de procéder à ces opération". Il s’agit en effet d’une délégation au secteur privé d’une mission de police administrative, et faute de texte le permettant, cette activité pourrait être considérée comme l'exercice illégal d'une mission de police par une société privée.
Une deuxième réserve: les agents privés affectés à cette mission courraient un risque de voir leur contrat requalifié en "prêt de main-d’œuvre illicite", qui est une infraction au code du travail.
Troisième question sur "l’impossibilité" de vérifier la "moralité des agents". C’est-à-dire le fait de fournir un extrait de casier judiciaire.
La Fédération française des motards en colère, a demandé la suspension immédiate de la mesure avec l’association 40 millions d’automobilistes: "Le Gouvernement s’engage dans la privatisation de la Sécurité routière, qui devient toujours un peu plus rentière. La chasse au profit est lancée, avec les usagers de la route en guise de gibier. Avec la privatisation des voitures-radars, on parle de centaines de millions d’euros issus des amendes pour infraction à la vitesse, peut-être collectés en infraction à la loi française".
L’association demande la publication officielle de la note de la DLPAJ afin de connaître précisément les motifs d’inquiétude du ministère de l’Intérieur quant à la légalité de la mesure, ainsi que la suspension immédiate de la mesure. En attendant une réponse judiciaire du Conseil d’Etat, l’automobiliste pourra tenter de contester l'infraction, notamment la méthode d'établissement de celle-ci. Mais ce sera un parcours du combattant car il est de plus en plus difficile de contester les amendes Cela en raison d'un formalisme excessif qui compromet l’accès au juge qui est pourtant un droit fondamental reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme (article 6).
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