Données manquantes et failles juridiques autour du projet de loi pour le passe vaccinal

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FranceSoir
Publié le 10 janvier 2022 - 14:07
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F. Froger / D6, pour FranceSoir
"Cette vulnérabilité ne pourra être longtemps ignorée et sera le talon d’Achille de cette loi."
F. Froger / D6, pour FranceSoir

Demain, le Sénat étudiera le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire lors d'une première séance publique. Dans une lettre ouverte aux élus, en s'appuyant sur les avis des institutions de santé internationales (OMS, ANSM, FDA), des spécialistes de santé, toxicologues et juristes posent la question de l'obsolescence (ou de l'absence) des données sur les vaccins et des failles juridiques autour de l'instauration du passe vaccinal.


LETTRE OUVERTE — Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Mesdames et Messieurs les Administrateurs du Sénat,

Alors que le Sénat débute demain l’examen du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique, nous estimons nécessaire de porter à votre connaissance un certain nombre d’éclaircissements relatifs à la mise sur le marché des vaccins Covid-19 au sein de l’Union européenne et en France en particulier.

Nous, professionnels de la réglementation européenne en la matière et juristes, pensons que le Parlement et les législateurs doivent absolument disposer des données fiables et objectives qui manquent cruellement au débat public.

À notre sens, le projet de loi instaurant un « passe vaccinal » pour les activités du quotidien des Français pourrait, s’il était adopté en l’état, susciter à l’avenir de nombreux recours juridiques et/ou recherches en responsabilité, qui, au-delà de ceux qui pourraient être intentés au fabricant, pourraient l’être également à l’encontre de toutes les personnes ayant participé au processus décisionnel, à l’instar des conséquences des décisions passées relatives à l’amiante ou au Médiator.

Le projet de loi que le Sénat doit examiner rend de fait quasi obligatoire, pour une grande partie de la population française, l’administration de trois doses ou plus de vaccin Covid-19, ainsi que d’un délai de trois à quatre mois entre les doses deux et trois. Pourtant, les analyses des plus hautes autorités sanitaires de l'Union européenne (UE) et des États-Unis, conformes aux données du fabricant, l’avis de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et de la HAS (Haute Autorité de Santé) convergent toutes vers quatre points cruciaux :

  • Il n’existe pas de données fabricant de sécurité ni d’efficacité au-delà de deux doses de vaccin ;
  • Les études additionnelles acceptées par l’EMA (Agence européenne du Médicament), visant à évaluer l’efficacité et la sécurité de deux doses de vaccin sont planifiées, ou en cours, de mai 2021 à octobre 2025 ;
  • La dose numéro trois, si elle doit être administrée, est réservée à des catégories précises de personnes concernées ;
  • La réduction du délai à trois ou quatre mois entre la dose deux et la dose trois, comme proposé par l’ANSM (Agence Nationale de la sécurité du médicament), ne repose sur aucune donnée fabricant, décision de l’UE (ou US) ou avis d’autorité sanitaire.

En effet, si la loi nationale entend soumettre l’activité quotidienne des Français à l’injection de trois doses, voire plus, de vaccins prophylactiques à ARNm à un rythme de trois ou quatre mois par an, nul n’est censé ignorer que la mise sur le marché de produits pharmaceutique est régi par le droit européen.

Les États membres disposent de prérogatives réduites en la matière : fixation du prix du médicament, suivi des essais cliniques, de la pharmacovigilance et de la fabrication sur le territoire national, procédure centralisée ou de reconnaissance mutuelle d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché). C’est l’Agence européenne du Médicament (EMA) qui coordonne l’évaluation de la sécurité et de l’efficacité.

Les vaccins à ARNm sont des prophylaxies innovantes qui bénéficient depuis fin 2020 d’autorisations de mise sur le marché conditionnelles (règlement CE N° 507/2006) soumises à une procédure centralisée au niveau de l’UE.

Le RCP des vaccins à ARNm (Résumé Caractéristique produit) - émanant du rapport d’évaluation et des plans de gestion de risque fournis et mis à jour par le fabricant - sont du ressort exclusif de l’EMA. Ces documents ont pour but de définir les risques liés à l’utilisation d’un médicament, les minimiser et assurer le suivi et la mise à jour des études nécessaires tout au long du cycle de vie du médicament. La France, par l’ANSM, les traduit en notice à destination des soignants et du grand public, sans modification.

Le vaccin COMIRNATY de Pfizer BioNTech est actuellement, et de loin, majoritaire sur le territoire français.

À ce jour, Pfizer BioNTech dans son dernier RMP à jour au 25/11/21, et malgré le fait qu’une extension conditionnelle de la dose trois ait été obtenue, n’a fourni aucun élément d’efficacité et de sécurité sur :

- la vaccination chez les enfants de moins de cinq ans, qui n’est pas recommandée par le fabricant ;
- les personnes fragiles à comorbidités (maladies pulmonaires, diabète, maladies neurologiques chroniques, troubles cardiovasculaires, maladies auto-immunes) ;
- les personnes immunodéprimées (traitements de cancers, de maladies auto-immunes, greffes) ;
- les femmes enceintes, allaitantes et le fœtus ;
- la co-administration avec le vaccin contre la grippe saisonnière ;
- la toxicité à moyen et long terme de deux doses (deux ans) ;
- le risque associé à la répétition de plus de deux doses.

Des études post-marché « en vie réelle » sont en cours ou planifiées avec des résultats attendus d’ici fin 2022 jusqu’à fin 2025. Les résultats actuellement mis en avant reposent principalement sur l’étude clinique pivot randomisée en double aveugle C4591001/BNT162-02. Cette étude n’est plus en double aveugle, le groupe placebo ayant été majoritairement vacciné. Le critère d’efficacité est la réponse sérique neutralisante de la protéine Spike, produite un mois après une et/ou deux doses à l’aide d’un test de neutralisation sériques. Cette étude se finira fin 2022.

L’efficacité revendiquée par le fabricant de 95 %* est en réalité l’efficacité observée fin 2020-début 2021 sur des cas confirmés non graves apparus plus de sept jours après la deuxième dose, avec le variant initial. L’efficacité tombait alors à 66 % pour les cas de Covid-19 sévères de 7 à 14 jours après la dose deux. Le fabricant n’a pas donné de critère d’efficacité à plus long terme en vie réelle.

L’EMA a donné son accord, avec des réserves explicites, pour la dose trois, sur la base d’études fournies par le fabricant, études de qualité, durée et portée limitées, constituant un niveau de preuve peu robuste : une dose de rappel (dose trois, appelée « booster ») de Comirnaty peut être administrée au moins six mois après la deuxième dose chez les personnes âgées de 18 ans et plus, la décision devant tenir compte des données de sécurité limitées.

Aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a autorisé l'usage, pour cette troisième dose, du vaccin COMIRNATY selon le même schéma vaccinal d’au moins six mois après la deuxième dose.

En savoir plus sur l'avis de la FDA : ici et .

L’avis du groupe SAGE (Groupe stratégique consultatif d’expert sur la vaccination) de l’OMS sur la dose trois est très clair : il rappelle que, dans le contexte où les efforts de vaccination doivent rester axés sur la réduction des décès et des maladies graves et la protection du système de santé, la plus grande prudence reste de mise compte tenu du manque d’informations probantes d’efficacité et de sécurité ainsi que sur le moment optimal pour le rappel ; il appelle à une stratégie ciblée et interroge même son inutilité pour réduire les formes graves, les formes bénignes, l’infection et la transmission, ainsi que l’efficacité au soutien du système de santé.

Comme le précise l’EMA, et sur la base de son avis, les organismes de santé publics nationaux peuvent émettre des recommandations officielles sur l'utilisation des doses de rappel.

L’avis de la Haute Autorité de Santé (HAS) [1] est de recommander la dose trois aux soignants et à l’entourage des immunodéprimés. Elle recommande de n’utiliser que les vaccins pour lesquels l’AMM a permis de définir les conditions d’administration d’une dose de rappel, ce qui n’est pas le cas du vaccin PFIZER BIONTECH. Les données dites « israéliennes » (publiées dans des revues à comité de lecture par des pairs) sur lesquelles elle appuie son avis ne remplacent pas les données du fabricant ni celles de l’EMA et ne sont pas intangibles.

[1] : Lien 1 ; Lien 2 ; Lien 3.

Le 24 décembre dernier, l’ANSM confirmait ce délai d’au moins six mois pour les 12 ans et plus. Mais elle rendait également un avis, basé sur une sélection d’études de faible niveau de preuve (contestables, biaisées, limitées et inadaptées à OMICRON et à COMIRNATY), de réduire à trois mois l’administration de la dose trois (dose trois elle-même non évaluée dans le RMP du fabricant). Elle conseille même l’interchangeabilité (non évaluée et non conseillée par le fabricant) sans précision sur la tranche d’âge de la population concernée et en reconnaissant elle-même la forte limitation des études.

Cet avis n’a pas de portée décisionnelle réglementaire contraignante et ne peut pas être une justification — pas plus qu’un avis du conseil scientifique qui ne respecte pas les règles de la comitologie — pour conditionner la vie quotidienne et professionnelle de l’ensemble des Français de 12 ans et plus à l’injection volontaire et répétée de trois doses et plus, d’un espacement de trois mois entre la dose deux et la dose trois, voire à des injections futures tous les trois mois.

Nous estimons que cette vulnérabilité ne pourra être longtemps ignorée et sera le talon d’Achille de cette loi.

Nous vous prions, Mesdames, Messieurs les Sénateurs et Administrateurs du Sénat, d’agréer l’expression de notre considération la plus distinguée,

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