Loi sur l’immigration : tensions au sommet de l’État, le sort de Borne à Matignon lié à l’issue de la commission mixte paritaire ?
FRANCE - Le rejet de la loi sur l’immigration provoque des remous au sommet de l’État. Elisabeth Borne a peu apprécié les sorties du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et du porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. Une réunion de crise à Matignon entre le chef du gouvernement et ses principaux ministres s’est tenue sous haute tension jeudi 14 décembre 2023 à Matignon, en pleine négociations entre le camp présidentiel et Les Républicains (LR). Négociations qui, d’ailleurs, patinent. Elisabeth Borne a donc aussi dû sur ce front remettre les pendules à l’heure avec les autres membres du gouvernement, à propos de la démarche à suivre pour trouver un compromis.
Lundi dernier, l'Assemblée nationale a rejeté le projet de loi sur l'immigration. Un échec politique cuisant pour le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et Emmanuel Macron. Une motion de rejet préalable a été adoptée par 270 voix contre 265, avec les voix de la gauche, des Républicains (LR) et du Rassemblement national (RN). Le locataire de la place Beauvau a immédiatement présenté sa démission au chef de l’État, qui l’a refusée. “C’est un échec”, a reconnu Gérald Darmanin.
Les négociations avec les LR traînent
Dans la foulée, Elisabeth Borne, qui a rassemblé les ministres concernés et les chefs de la majorité pour arrêter une stratégie, a été missionnée par Emmanuel Macron afin de mener les négociations avec la droite. Celles-ci ont été lancées mercredi, au moment où l'installation de la commission mixte paritaire (CMP) a été confirmée. Celle-ci est composée de sept députés et de sept sénateurs, et a pour mission de concilier les deux assemblées après un désaccord persistant sur un projet ou une proposition de loi.
La CMP, réunie ce lundi 18 décembre 2023. A l’issue de cette réunion, un accord peut donc intervenir entre les parlementaires. Une nouvelle mouture du projet de loi sur l’immigration devant ensuite être validé par l’Assemblée nationale et le Sénat. Si un désaccord persiste, le processus législatif doit être repris depuis le début.
Une troisième solution avec un énième recours au 49.3 est-elle envisageable ? "Si les parlementaires ne se mettent pas d'accord à travers cette CMP, où s'ils se mettent d'accord et que les Assemblées rejettent le projet de loi (...) eh bien, il n'y aurait pas de 49.3, on prendrait acte de cela", a affirmé Olivier Véran. Selon France Info, le chef de l’État a également écarté l’idée d’un recours au 49.3 ou une dissolution de l’Assemblée nationale.
Elisabeth Borne, qui joue peut-être sa survie à Matignon, a tout intérêt à mener à bien les négociations avec LR. Un compromis entre le camp présidentiel et la droite est encore loin malgré deux premières rencontres mercredi et jeudi à Matignon. Le Premier ministre s'interrogeait sur les concessions à faire pour les dirigeants LR sans perdre l’équilibre et fracturer sa majorité toute relative...
Borne recadre ses ministres
Entre-temps, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a ouvertement tendu la main à la droite, dans un entretien au Figaro le 13 décembre. “Nous pouvons nous en sortir uniquement à deux conditions : si la majorité reconnaît qu'elle a subi une défaite et si les vainqueurs, les LR, font preuve d'un peu de mansuétude. Je suis peut-être optimiste, mais je pense qu'une voie est trouvable”, a-t-il déclaré. “Notre pays a-t-il besoin d'un texte sur l'immigration ? Cela me semble évident. Or quel est le seul moyen aujourd'hui pour qu'une telle loi passe ? C'est de reprendre la version du Sénat, en espérant que les LR comprennent qu’il faut bouger les lignes sur deux points sensibles pour notre majorité : l'AME et les conditions d'accès aux aides sociales”, a-t-il ajoué.
Une sortie qui ne passe pas pour Elisabeth Borne. Jeudi soir, la nouvelle réunion à laquelle ont pris part une douzaine de ministres, dont Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et Olivier Véran, s’est déroulée dans une ambiance tendue. Selon plusieurs médias, le Premier ministre aurait demandé à ses ministres “de ne pas parler à tort et à travers dans les médias pour ne pas entraver des négociations déjà complexes”.
"On a encore le droit de s'exprimer"
"Tout le monde a bien compris que le tir était pour lui", confie un participant. Bruno Le Maire aurait rétorqué qu’il fallait être lucide, affirmant "ne pas retirer un mot ni une virgule à ce qu'il avait dit car il faut être clair". La CMP s’est également invitée lors de cette soirée et les avis sur son issue étaient tout aussi divergents. Si Elisabeth Borne a exprimé son espoir que la commission soit concluante, Olivier Véran a estimé qu’il ne fallait pas tout concéder aux LR car ils ne respecteraient pas leurs engagements lors du vote.
Le Premier ministre a rappelé que "tous les membres du gouvernement doivent éviter les prises de parole intempestives sur le sujet", ce à quoi le porte-parole du gouvernement a répondu par : "On a encore le droit de s’exprimer ?"
Elisabeth Borne propose un projet de loi dépourvu de la réforme de l’Aide médicale d’État (AME) pour les sans-papiers, de l’allongement des délais de séjour en France pour bénéficier des prestations sociales et de certaines dispositions du code de la nationalité.
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