Lutte contre la corruption : la loi Sapin II présentée en Conseil des ministres
Lobbies, lanceurs d'alerte, entreprises accusées de pots-de-vin... Le gouvernement a détaillé mercredi la panoplie de mesures qu'il entend mettre en oeuvre, via la loi Sapin II, pour renforcer l'arsenal anti-corruption en France, "en retard" par rapport aux standards internationaux. Ce projet de loi sur la "transparence et la modernisation de la vie économique", présenté en Conseil des ministres, sera discuté au parlement en procédure accélérée (une seule lecture par chambre), fin mai ou début juin. Il complète une précédente loi anti-corruption portée par le ministre des Finances Michel Sapin en 1993. L'objectif, c'est de "mettre la France au niveau des meilleurs standards internationaux", a souligné lors d'une conférence de presse Michel Sapin, disant vouloir "rompre le cercle de la défiance entre les citoyens et les acteurs publics ou privés".
Dans le classement de l'ONG Transparency international, la France occupait en 2015 le 23e rang en terme de lutte contre la corruption, sur 104 pays notés. Loin derrière les pays d'Europe du Nord, mais aussi l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis. L'OCDE elle-même, en 2014, avait jugé insuffisant le dispositif français de lutte contre la corruption d'agents publics étrangers, regrettant le manque de volonté de Paris pour poursuivre les entreprises mises en cause dans des affaires de ce type. Il est "vraiment indigne pour notre pays et préjudiciable pour nos entreprises qu'il puisse y avoir un regard aussi critique sur notre capacité à lutter contre la corruption", a reconnu Michel Sapin.
Le texte présenté au Conseil des ministres prévoit ainsi la création d'une "agence nationale de prévention et de détection de la corruption", chargée de contrôler la mise en place de programmes anti-corruption dans les grandes entreprises. Il programme également un registre obligatoire pour les lobbyistes, la mise en place d'un statut protecteur pour les "lanceurs d'alerte", et la création de nouvelles infractions pour punir les faits de corruption transnationale. Le texte, enfin, contient quelques mesures issues de l'ex-loi Noé, que devait porter le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, comme le renforcement des sanctions pour les entreprises en cas de retard de paiement, ou la clarification des règles de qualification pour certaines professions artisanales.
Exit, en revanche, l'un des dispositifs phare du projet de loi, retiré in extremis par le gouvernement, faute de feu vert du Conseil d'Etat: la "transaction pénale", qui aurait permis aux entreprises mises en cause dans des affaires de corruption de payer une amende pour s'éviter un procès. Cette mesure, inspirée du "plaider coupable" américain, était contestée par plusieurs ONG, comme Anticor ou Oxfam, qui redoutaient une "impunité de fait" pour les entreprises, mais défendue par d'autres associations comme Transparency International.
Dans un communiqué, l'organisation a fait part mercredi de son "incompréhension" et de sa "frustration", estimant que le projet de loi se trouvait "vidé d'une bonne partie de son caractère incisif et novateur". "Non seulement la transaction pénale a disparu mais les amendements introduits suite à l'avis du Conseil d'Etat réduisent fortement la portée des chapitres consacrés à l'encadrement du lobbying et à la protection des lanceurs d'alerte", a-t-elle déploré. La France n'a condamné aucune entreprise pour des faits de corruption d'agents publics étrangers au cours des quinze dernières années. Mais plusieurs de ses entreprises ont été sanctionnées à l'étranger, comme Alstom, Technip ou Alcatel.
Interrogé lors de la conférence de presse, Michel Sapin a assuré être toujours favorable à la transaction pénale, au nom de "l'efficacité", tout en s'en remettant à d'hypothétiques amendements parlementaires. Dans l'avis du Conseil d'Etat, "il y a des perspectives, des possibilités d'évolution", a-t-il jugé, faisant valoir que plus de "transparence", permet de faire "reculer" la corruption et "prospérer" le commerce. Selon les estimations de Bercy, qui s'appuie sur des travaux internationaux, le renforcement du cadre anti-corruption, via la loi Sapin II, pourrait ainsi faire gagner à la France quelque 0,2 point de croissance par an, à moyen ou long terme.
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