"Pas obnubilé" par la présidentielle de 2027, Édouard Philippe visé par une plainte pour "favoritisme" et "détournements de bien" la veille de sa rentrée politique
POLITIQUE - L’ancien Premier ministre Édouard Philippe et son parti Horizons ont fait leur rentrée vendredi 15 septembre 2023 à Angers, avec la présidentielle de 2027 en ligne de mire. Dans son discours, le maire du Havre a omis de commenter les dernières actualités. Parmi celles-ci figure un sondage qui le place à la tête des intentions de votes avec 6 Français sur 10 qui l’estiment capable de battre Marine Le Pen. Mais la plus controversée est la plainte qui le vise pour des faits de "prise illégale d’intérêts, détournements de biens, favoritisme, concussion et harcèlement moral". L’affaire est entre les mains du parquet national financier (PNF), qui a confirmé l’information. Les ambitions de l’ancien Premier ministre seraient-elles contrariées ?
C’est l’ex-directrice générale adjointe de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole qui a déposé cette plainte contre l’actuel maire de la commune normande. Deux autres personnes sont visées. La première est l’adjointe au maire chargée de l’innovation et du numérique de la communauté urbaine, Stéphanie de Bazelaire, principale incriminée. La seconde est la directrice générale des services, Claire-Sophie Tasias.
Conflit d’intérêt et "sérieux risques juridiques"
Les faits remontent à juillet 2020 selon la plainte, révélée par le quotidien Le Monde. Édouard Philippe, à peine élu à la tête du Havre Seine Métropole après avoir démissionné de son poste de Premier ministre, signe une convention avec Stéphanie de Bazelaire, alors présidente bénévole de LH French Tech, association créée ce même mois de juillet 2020.
L’accord porte sur l’exploitation et l’animation de la Cité numérique du Havre et LH French Tech est la seule soumissionnaire l’appel à manifestation lancé en mars 2020 dans le cadre d'un service d'intérêt économique général (SIEG).
LH French Tech et sa présidente bénévole devaient toucher de la part de la communauté urbaine une compensation de service public de 2,154 millions d’euros, devant servir au fonctionnement de la Cité numérique. Pour Me Christelle Mazza, avocate de la plaignante, dont l’identité n’a pas été dévoilée, "on peut s'interroger sur le choix d'un tel montage juridique quand le président de la communauté urbaine est lui-même conseiller d'État rompu aux marchés publics".
L’ancien Premier ministre aurait pourtant été alerté par les juristes quant à la situation de conflit d’intérêts dans laquelle se trouvait son adjointe chargée de l’innovation. En septembre 2022, c’est au tour de la plaignante de lui adresser une note afin de signaler le cumul des fonctions de Stéphanie de Bazelaire. La cliente de Maître Mazza a évoqué, dans son document, la situation financière de LH French Tech et les "sérieux risques juridiques" que l’association soit placée en liquidation judiciaire. Une possibilité tout aussi inquiétante pour la communauté urbaine que pour l’organisation chargée de l’animation de la Cité numérique.
La plainte évoque également le "harcèlement moral" subi par l’ex-directrice générale adjointe du Havre Seine Métropole, dont le contrat de trois ans n’a pas été renouvelé. Si l’ex-collaboratrice d’Édouard Philippe a retrouvé un poste dans l’administration centrale, elle démontre sa détermination à obtenir justice en déposant en mars 2023 un dossier auprès du Défenseur des droits pour obtenir le statut de lanceuse d’alerte.
L’affaire est entre les mains du parquet national financier (PNF), qui a confirmé auprès des médias le dépôt de la plainte et qui doit décider de l’ouverture ou non d’une enquête pour "prise illégale d’intérêts, détournements de biens, favoritisme, concussion et harcèlement moral".
Édouard Philippe "capable" de vaincre Marine Le Pen
Contactée par l’AFP, la communauté urbaine du Havre a affirmé qu’Édouard Philippe, Stéphanie de Bazelaire et Claire-Sophie Tasias - dont l’implication n’a pas été détaillée - n’étaient "pas informés de la plainte". "Si cette procédure était avérée, ils seraient évidemment et en toute sérénité à la disposition du parquet national financier pour faire valoir leur bon droit", poursuit-on.
En attendant la décision du PNF, l’ancien Premier ministre ne fait toujours aucun commentaire. Au lendemain de cette annonce, Édouard Philippe était à Angers pour clôturer la rentrée de son parti Horizons. Dans son discours, il a évoqué l’inflation et l’inquiétude qu’elle suscite chez les Français, alertant contre la situation des classes moyennes. "Aucune démocratie ne me paraît pouvoir résister durablement à un appauvrissement de la classe moyenne ou même à une absence de perspective de celle-ci", a-t-il déclaré.
Il affirme ne pas être obsédé par les présidentielles de 2027 puisque "notre horizon ne peut pas être celui d'une simple élection, fut-elle la plus prestigieuse ou la plus importante". Le maire du Havre a par la même occasion abordé la décentralisation, l’Europe, exprimant son soutien à Élisabeth Borne et Gérald Darmanin tout en lançant des piques à Marine Le Pen.
L’ancien chef du Gouvernement a d’ailleurs qualifié quelques jours plus tard une victoire de la députée du Rassemblement national à la prochaine présidentielle de "possible". La candidate malheureuse des deux précédentes élections est donnée favorite selon plusieurs sondages. Mais une enquête Elabe révèle que 58% des Français estiment qu’une "victoire d’Édouard Philippe face à Marine Le Pen est un scénario probable".
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