Passe sanitaire : des débats parlementaires à l'image de la société, confus et électriques
Après avoir été revu en commission, le projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire - qui prévoit entre autres choses l'extension du passe, a été remis entre les mains de l'Assemblée nationale hier à 15h. Au programme des débats : 1 146 amendements à passer au crible de la démocratie. Au grand dam du gouvernement qui prévoyait d'expédier le projet de loi en quatre jours, "urgence" oblige, les différentes oppositions ont fait montre de verve pour exprimer leurs inquiétudes. Résultats : hier soir à minuit, il restait 900 amendements à étudier.
L'objectif du gouvernement est clair : vacciner, vacciner, vacciner. D'un côté, légiférer l'obligation vaccinale des professions qui nécessitent un contact proche avec le public, de l'autre, inciter à la vaccination en étendant le passe sanitaire aux activités de la vie quotidienne.
Incompréhension générale
En miroir et porte-parole du peuple, l'ambiance à l'Assemblée était tendue, chacun y déplorant largement l'incohérence des mesures et la précipitation des prises de décisions, toutes deux induites par la confusion ambiante. Nous pouvions entendre certains députés s'exclamer : "C’est le degré maximum de l’absurde" Marc Le Fur ; "Aujourd’hui, les messages sont dévoyés et beaucoup n’y comprennent plus rien" Christophe Blanchet ; "Devant de telles tergiversations, comment voulez-vous que les Français fassent confiance aux pouvoirs publics ?" Lamia El Aaraje. Dans le même temps, des centaines de Français marchaient...
Plusieurs centaines de personnes manifestent en direction de l'Assemblée Nationale contre le #PassSanitaire alors que le projet de loi du gouvernement est actuellement étudié au Parlement. (Ruptly) #Manif21Juillet #PJLSanitaire #AssembléeNationale pic.twitter.com/5jx6eGeZs3
— Anonyme Citoyen (@AnonymeCitoyen) July 21, 2021
Beaucoup de temps mais peu d'avancées
Finalement, après neuf heures de débats, seuls deux amendements sur les quelques 250 étudiés, ont été adoptés. L'un d'eux, n°274 proposé par le groupe MoDem, "propose que cette obligation [flasher le QR Code à l'entrée des différents établissements] soit réaffirmée par la voie législative et d’ajouter à cette obligation une peine équivalente à celle de la mise en danger d’autrui." Ceci ayant pout objectif "d’alléger la responsabilité imposée aux établissements tout en faisant gagner du temps aux commerçants", qui risquent déjà la fermeture assortie de 45.000 € d'amende en cas de non respect du protocole.
Tous les autres amendements proposés ont été rejetés. Parmi eux, un amendement du groupe UDI voulait modifier la date de fin de l'état d'urgence du 31 décembre au 31 octobre 2021.
Une fois n'est pas coutume, Martine Wonner s'est levée pour mettre l'accent sur la question de l'accès au soin, qui sera lui aussi conditionné par le passe sanitaire. Réponse de la ministre chargée de l'autonomie Brigitte Bourguignon : "En cas de soins programmés à l’avance, la personne a le temps de faire un test pour protéger les autres si elle a des conditions non remplies pour être vaccinée. En cas d’urgence, il n’y a évidemment pas besoin de passe sanitaire !"
[NDLR] Autour de 16h ce jour, l'amendement 372 a été adopté, supprimant la neccessité du passe sanitaire pour l'entrée dans les hôpitaux ou autres établissements de santé.
Voir aussi : Les vraies questions avant les petits mouchoirs
Ces tergiversations, si elles ont fait monter la pression d'un cran, ont particulièrement su exaspérer le ministre de la Santé, Olivier Véran, qui s'est égosillé : "Gouverner c'est choisir, et parfois faire des choix qui ne nous plaisent pas, et c'est ça le courage en politique monsieur le député ! Ce n'est pas de faire durer les débats en nous disant que c'est à cause de nous qu'il y aurait de l'obstruction parlementaire."
"Si le virus pouvait nous regarder, je pense que ce soir, il serait assez content et il se servirait une petite bière !", lance @olivierveran alors que les débats piétinent.
— LCP (@LCP) July 21, 2021
> "Gouverner, c'est faire des choix qui ne nous plaisent pas."#DirectAN #COVID19 #PJLSanitaire pic.twitter.com/xAN1oD0m6Z
Manifestement, Olivier Véran n'a pas le temps, et préférerait que la démocratie se fasse plus vite. Un tel dérapage de la part d'un Ministre, au coeur de l'enceinte démocratique des Français dans laquelle il s'exprime en invité, serait probablement désapprouvé par un Président qui avait pour projet de redorer la parole gouvernementale.
Toujours est-il que s'il y a autant d'amendements, c'est peut-être parce qu'il y a des choses à redire ou à revoir. D'ailleurs, les députés ne sont pas les seuls à le penser, car toutes les institutions (Conseil d'État, CNIL, Défenseure des droits) qui ont été saisies pour étudier le projet de loi s'accordent à dire que les atteintes à nos libertés sont importantes et qu'il y a de nombreuses barrières à poser dans le texte.
Voir aussi : La CNIL juge les atteintes aux libertés "particulièrement fortes"... mais ne s'y oppose pas
Lendemain difficile
Ce matin, c'est dans un climat légèrement plus détendu mais toujours électrique, et avec une assemblée moins nombreuse, que les débats ont repris. Les amendements continuent d'être épluchés, et les députés de faire valoir leur temps de parole. Parmi eux, c'est avec un ton léger que Jean-Luc Poudroux se permettra de rire un peu, soulignant par là même les incohérences de la politique sanitaire :
"J'aimerais savoir, si c'est possible, parmi nous quels sont ceux qui sont vaccinés ?", demande Jean-Luc Poudroux, qui lève ensuite la main.#DirectAN #COVID19 #PasseSanitaire pic.twitter.com/Kp1iXyhZwx
— LCP (@LCP) July 22, 2021
Il pose la question qui fâche, puis enchaîne en évoquant la troisième dose de vaccin, ainsi que les contrôles prévus pour les voyages internationaux : "Alors le virus ne circule pas dans le sens Réunion-Paris, mais dans le sens Paris-Réunion, il circule !" Un de ses collègues d'ajouter en rigolant : "Il est intelligent ce virus, en plus il boit des bières ! C'est le Ministre qui l'a dit."
Finalement, la navette parlementaire est largement freinée et le texte ne sera donc pas au Sénat ce jour, comme c'était prévu. En revanche, les manifestions qui anticipaient justement son arrivée, notamment celle du président de l'UPR François Asselineau, se tiendront.
Que ce soit au sein des hémicycles ou au milieu de la rue, la pression se fait sentir de jour en jour.
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