Passe vaccinal "gadget" : la commission d'enquête du Sénat appelle à sa "levée rapide"
Chose promise, chose due. Le 19 janvier dernier, Gérard Larcher a demandé la création d'une commission d'enquête sur l’adéquation du passe vaccinal à la situation épidémique. Le lendemain, ladite commission voit le jour et promet de rendre ses résultats avant l'élection présidentielle à venir. Elle les a rendus publics hier, et ses conclusions ont fait réagir. Le sénateur centriste Loïc Hervé déplore que cette enquête arrive si tard :
C'est très bien de demander la levée rapide du #PassVaccinal et de reconnaître son inutilité sanitaire. Bien sûr que c'est un gadget ! Mais que n'avons nous pas entendu dans l'hémicycle du @Senat quand, à quelques uns, nous avons développé ces arguments !https://t.co/7ax3YeZThR
— Loïc Hervé, Sénateur de la Haute-Savoie (@loichervepublic) February 25, 2022
« Une levée rapide du passe vaccinal »
Depuis le début de la crise, les sénateurs, majoritairement de droite, ont toujours été plus mesurés que leurs collègues de l'Assemblée nationale quant à l'application des restrictions sanitaires. Une fois n'est pas coutume, ils espèrent encore pouvoir respecter la demande première du Conseil d'État, à savoir que l'option du passe soit « strictement proportionnée aux risques sanitaires encourus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu ».
Là, eu égard au taux d’incidence de la semaine du 13 février et à la prédominance du variant Omicron (moins dangereux que son prédécesseur), la commission préconise une levée du sésame, « sans délai, mais avec prudence ». Elle souligne aussi le fait que l'instauration du passe vaccinal n'a pas rempli son objectif premier : convaincre les non-vaccinés. Alors que les Français ont été nombreux à se faire vacciner suite à l'application du passe sanitaire, son évolution en passe vaccinal n'a permis de gagner que quelques nouveaux abonnés. Majoritairement des jeunes (donc pas des "personnes fragiles"), de surcroit.
Notons par ailleurs qu'au 15 février dernier, quelque quatre millions de Français doublement vaccinés n'avaient pas encore reçu leur troisième injection. Le Sénat en est conscient, rappelant d'ailleurs que le 15 mars et le 15 avril, d'autres Français rejoindront sûrement les "désactivés".
Les élus n'excluent pas de ressortir l'outil si besoin est, selon l'évolution des critères habituels (situation hospitalière, nombre de contaminations…), mais ils soulignent que « la succession d’annonces parfois contradictoires, avant même que certains outils de gestion de l’épidémie soient applicables, a contribué à brouiller le message adressé à la population. »
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Pour le moment, entre les pages 27 et 32, le Sénat rapporte des « prévisions encourageantes » au niveau de l'hôpital, notant par exemple que les admissions "pour Covid" cèdent peu à peu leur place à des admissions "avec Covid accessoire". Autrement dit, ce virus ne semble plus être la cause de tous nos malheurs.
Manque de données et de transparence
Cette contradiction permanente et ce flou ambiant s'expliquent par le fait que « le suivi quantitatif et qualitatif des effets du passe vaccinal est largement insuffisant et ne permet pas d’évaluer son incidence sur la maîtrise de l’épidémie et sur la progression de la vaccination. » - il est trop tôt pour évaluer ses effets, confessait d'ailleurs Olivier Véran, auditionné par la commission lundi, invoquant un... manque de recul.
De plus, les données collectées par le gouvernement ne sont pas toutes rendues publiques. Un manque de transparence souligné par les sénateurs de la commission, qui ne permet pas « la bonne information du public et contribuer à éclairer la décision des pouvoirs publics. »
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Par ailleurs, le rapport chiffre à 80 les réunions du conseil de défense sanitaire depuis le début de la pandémie. Conseil qui relève normalement de l'exception, mais qui se déroule depuis mars 2020 en toute discrétion, et se substitue à l'habituel Conseil des ministres, n'arrangeant rien au manque de transparence du gouvernement.
« Un pur gadget » ?
« Le passe vaccinal a paru servir de justification au relâchement des réflexes prophylactiques. », peut-on aussi lire dans le rapport. Aujourd'hui, nous observons en effet que le gouvernement entame une levée progressive des mesures, sans prévoir la levée du passe vaccinal au même moment. Pour servir des intérêts de santé publique — plutôt que politiques, les sénateurs soulignent qu'il est étrange de considérer la fin du port du masque, sans pour autant considérer la levée du sésame. Dans beaucoup d'autres pays d'Europe (le rapport s'appuie sur l'exemple danois), l'une et l'autre sont allées de pair. Aussi la commission s'avance-t-elle à qualifier le passe vaccinal de « pur gadget ».
Le sénateur LR Alain Houpert, lui aussi, rappelle l'inconfort de n'avoir pas été entendu sur les mêmes positions.
Cela fait des semaines que nous le disons ! C’est dur d’être non entendu comme Cassandre ! @loichervepublic @MullerBronnL @noel_sylviane @andre_reichardt @Joyandet @CBonfantiDossat … 20 sénateurs ! https://t.co/tszvdJ3uO0
— Alain Houpert (@alainhoupert) February 24, 2022
De fait, le dimanche 13 février dernier, une vingtaine de sénateurs des Républicains avaient co-signé une tribune collective appelant à la fin du passe vaccinal. Dans un entretien le lendemain, à l'argument avancé par le vice-président du Sénat, Roger Karoutchi, qui regrettait son adhésion au passe vaccinal et invoquait le manque d'information, Alain Houpert répondait qu'il n'était pas recevable, et qu'il aurait dû être en mesure de s'informer correctement.
« C'est avoir tort que d'avoir raison trop tôt » (Marguerite Yourcenar). Que dire de ceux qui ont raison... trop tard ?
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