"N'intervenez pas" : incompréhension des policiers face aux ordres reçus lors des manifestations du 1er mai

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Laurence Beneux, pour FranceSoir
Publié le 06 mai 2022 - 17:21
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F.Froger / Z9, pour FranceSoir
« On doit laisser faire »...
F.Froger / Z9, pour FranceSoir

Tandis que les hommes politiques s’écharpent par réseaux sociaux interposés, suite aux violences commises lors de la manifestation du 1er mai 2022 à Paris, des policiers expriment leur incompréhension sur des consignes leur ayant été données.

« Les violences parasites du 1er mai invisibilisent la marche des syndicats et servent la propagande à nos pires adversaires. Ras-le-bol ! Le préfet de police savait. Incapable de garantir le droit de manifester en paix », s’indignait Jean-Luc Mélenchon sur Twitter le 1er mai dernier.

« Je regrette le double langage et l’ambiguïté de Monsieur Mélenchon. Qu’il n’ait pas un mot pour les policiers, gendarmes et sapeurs-pompiers qui ont subi aujourd’hui des violences inadmissibles, cela blesse ces fonctionnaires », lui rétorque le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, sur le même réseau social.

Une chose est certaine. Des ordres donnés, alors que la manifestation dégénérait, ont suscité une grande incompréhension chez les policiers. FranceSoir a eu accès à certains échanges entre des membres d’unités d’intervention sur le terrain ce jour-là ; ils sont parlants.

« Incompréhensible » était le maître mot. Les policiers énumèrent ce qui se passe sous leurs yeux : « black blocks nombreux », « banque ciblée, barricades et feux, voitures brûlées », et répètent avec incrédulité la consigne « n’intervenez pas ». Une consigne pourtant confirmée : « On doit laisser faire », « on n’interpelle pas ».

Spectateurs impuissants devant les dégâts, la frustration des policiers est palpable. Ils se désolent de devoir rester en retrait alors qu’ils pourraient « casser les groupes » (de black blocks, ndlr), c’est-à-dire les séparer, ou se demandent pourquoi « on n’envoie pas des CRS pour faire du maintien de l’ordre ». Frustration qui se mue en inquiétude dans ce message : « Pompier blessé dans les 15 dernières minutes ».

Bilan de ce 1er mai à Paris : huit policiers blessés et des dégâts matériels importants. Mais pas de civils blessés, pas de tirs de LBD blessant grièvement des manifestants et 54 arrestations. Rien qui rappelle, inopportunément en période électorale, les tragédies vécues durant les manifestations des Gilets jaunes.

Voir aussi : "On demandait justice pacifiquement, ils nous ont gazés en retour": des Gilets jaunes témoignent

D’ailleurs, un cadre policier ne se montre pas insatisfait du bilan : « Notre travail est aussi que les manifestations puissent se dérouler, c’est un droit constitutionnel, et nous devons faire en sorte que le 'flow' s’écoule. Alors oui, il y a eu de la casse, mais la manifestation a pu aller à son terme, et on a pu quand même interpeller pas mal de monde. Preuve qu’il n’y a pas eu de consigne générale de ne pas interpeller. Et il n’y a pas eu un bilan énorme de blessés parmi les policiers. Les pompiers ont été pris à partie, mais ça ne s’est pas trop mal terminé, justement parce que les policiers sont intervenus pour leur porter secours. Il n’y avait pas d’ordre de ne pas intervenir et de laisser les pompiers se faire blesser, et globalement, les policiers ont fait du bon boulot, même s’il y a eu certains commerces qui ont été dégradés. »

Elle comprend que les « collègues aient envie d’interpeller tous les délinquants, d’arriver et qu’il n’y ait aucune casse, c’est le principe d’un flic, sauf qu’il y a des moments où ce n’était pas possible, ce n’était pas pertinent. » Car la gestion de ce genre de mouvement populaire n’est pas simple.

Le cadre policier plaide : « Quand on n’a pas pu interpeller les casseurs tout de suite, en flagrant délit, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’enquêtes ouvertes et qu’il n’y aura pas d’autres interpellations par la suite. Ce n’est pas de l’impunité non plus. Mais il y a eu des moments, où si les policiers intervenaient, ils auraient été pris à partie et ils n’étaient pas assez nombreux. On pouvait le voir sur les caméras, mais eux n’avaient pas forcément cette vision-là. Donc, il a eu ponctuellement des consignes de ne pas intervenir. À douze, les policiers se sentent forts, et ils veulent arrêter la casse et les 'méchants', mais ils ne voient pas forcément que les gens en face d’eux sont beaucoup plus nombreux. Donc, je comprends qu’il y ait des policiers qui ne comprennent pas et ne sentent pas satisfaits. Je suis flic aussi ! Sauf que c’est un tout ! C’est pour ça qu’il y a un commandement. »

« Et puis, argumente-t-elle encore, le ministre l’a rappelé, et c’est pas parce que c’est le ministre, hein, il s’agit de respect du droit : malheureusement, on ne peut pas interpeller préventivement. Et tant que les personnes n’ont pas cassé quelque chose, même si on sait qu’ils vont le faire, qu’ils sont cagoulés et habillés tout en noir, il faut qu’ils commettent une infraction pour qu’on puisse les interpeller. Rien n’est simple, et rien n’est tout blanc, ni tout noir. J’essaie de faire de la pédagogie, parce que ce sont des dispositifs qui sont de tellement grande ampleur que, quand on a juste un prisme, ce n’est pas très facile de voir la globalité. Mais il faut voir le rendu final qui n’était pas si mal ».

Il n’est pas certain que les victimes des vandales partagent la relative satisfaction de la hiérarchie policière, ni que les Gilets jaunes ne voient pas une forme de deux poids, deux mesures concernant les ordres donnés pour encadrer les manifestations, selon les circonstances.

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