Sous-financées par l'État, les universités françaises veulent être revalorisées

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Axel Messaire, pour France-Soir
Publié le 18 janvier 2025 - 18:30
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Dans la bibliothèque de l'université Paris-Saclay à Saclay dans l'Essonne, le 17 septembre 2021
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AFP/Archives - ALAIN JOCARD
Dans la bibliothèque de l'université Paris-Saclay à Saclay dans l'Essonne, le 17 septembre 2021.
AFP/Archives - ALAIN JOCARD

En dépit d’une masse d’étudiants croissante, les universités françaises peinent à fournir des conditions de travail agréables et un niveau d'enseignement excellent, notamment parce que le budget qui leur est alloué est trop faible. Et cette dégradation des financements, qui ne date pas d'hier et ne prévoit pas de s'arranger en 2025, a des répercussions bien au-delà des murs académiques.

Nous pourrions dire que l’argument selon lequel l’université publique en France est sous-financée remonte à 1968. Et globalement, c'est une chute constante depuis. Le budget de l’enseignement supérieur français a baissé de 4% en euros constants depuis 2017, tandis que le nombre d’étudiants a augmenté de près de 12%. La gestion, c'est "en cours d'acquisition", et ça commence à se voir.

Des Universités en mauvais État

Laurent Gatineau, président de CY Cergy Paris Université, alerte auprès de Paris Match : « Les universités françaises sont sous la tutelle de l’État, or depuis 2022 celui-ci nous impose des mesures qu’il n’assume pas totalement financièrement, telles que la revalorisation du point d’indice en 2023, et maintenant la revalorisation des cotisations retraites ». Les établissements sont forcés de compenser ces déséquilibres par des économies drastiques. Si les répercussions sur le quotidien des étudiants et des chercheurs sont déjà visibles, elles menacent également le développement économique et scientifique du pays.

La France, malgré une position honorable dans certains classements internationaux, peine à maintenir son niveau d’excellence scientifique. Le manque de moyens pour attirer et retenir les jeunes chercheurs est évidemment une des raisons de cet échec. La baisse d’attractivité du doctorat français, en déclin depuis 2011, souligne un problème plus large : la capacité du système à nourrir l’innovation, qui se trouve fragilisée au cœur même de ses institutions. En réalité, plutôt que d'encourager ses jeunes à allerau bout de ce qu'ils peuvent entreprendre, la start-up nation chère à notre gouvernement vise plutôt à formater des profils le plus rapidement possible pour remplir les cases de l'entreprise. C'est le double objectif de Parcoursup, le système de candidature post-bac : d'une part, réguler le flux d'étudiants dans les universités pour en pas les surcharger ; d'autre part, trouver un rôle à chacun, et rediriger les candidats restants vers les postes vacants.

On en vient à l’égalité des chances. Si l’on accentue les inégalités entre établissements, en fonction de leur localisation ou de leurs ressources, l’université publique se transforme en une institution à deux vitesses. C’est notamment ce que soulignent les critiques de l’augmentation des droits d’inscription, qui risquent d’accentuer l’exclusion sociale et d’enterrer l’accessibilité de l’enseignement supérieur pour les plus modestes. De fait, cela s'observe aussi avec l'explosion des écoles privées. Comme le rapporte The Conversation, depuis 2010, le nombre d’étudiants du privé a presque doublé, représentant aujourd'hui 26 % du total.

Des universitaires qui se libèrent

Sachant cela, il est étonnant de constater que le sous-financement des universités ne fait pas l’objet d’une plus grande mobilisation dans le débat public. Aujourd'hui, l'éducation française est bien souvent réduite aux problématiques du primaire et du secondaire, ou aux moments de blocages tels que Parcoursup. Et lorsque l’université est mentionnée, c’est généralement pour pointer du doigt ses déficits d’efficacité ou son incapacité à « produire » des diplômés compétitifs. A côté de ça, on parle beaucoup des grandes écoles telles que Sciences Po, que ce soit pour en faire l'éloge, ou pour les critiquer.

"Notre système universitaire, qui accueille aujourd’hui beaucoup plus d’étudiants qu’il y a 20 ans, est très diversifié, avec des situations très variables selon les établissements et les disciplines. Cette hétérogénéité rend difficile une compréhension globale des enjeux et une mobilisation collective sur des revendications communes", explique Laurent Gatineau, avant de suggérer que les universitaires se rassemblent davantage et arrêtent d'être de si bons élèves auprès du gouvernement, pour enfin être entendus, compris et valorisés.

De fait, les grandes écoles, c'est une chose, mais c'est aussi et surtout au coeur des universités que l’avenir même de la société se construit : la formation des jeunes, le développement des savoirs, la recherche d'innovations... Alors il faut en parler. Pour Laurent Gatineau, la solution passe par une véritable autonomie des universités, non pas pour accroître leur concurrence, mais pour leur permettre de mieux s’adapter aux réalités locales et de s’autofinancer grâce à des partenariats avec les entreprises et la mise en valeur de leur offre de formation continue. L'argumentation en faveur de cette autonomie ne se limite pas à des considérations administratives, mais touche à la nature même de l'université comme service public. En réduisant la dépendance de ces établissements vis-à-vis de l'État, mais également en augmentant la transparence et la responsabilité des décisions financières, les universités pourraient dégager les marges nécessaires à leur développement. Cependant, pour que ce modèle fonctionne, il est essentiel que les gouvernements successifs s'engagent à encourager cette démarche, voire à l'accompagner financièrement. Et c'est peut-être là le plus gros problème.

Si les présidents d'universités commencent à prendre position et à donner de la voix, notamment à travers leur association "France Université", rien n'assure encore qu'ils soient entendus. Peut-être la tension devra-t-elle encore monter d'un cran. Comme le souligne The Conversation, "les exemples historiques montrent que la pression des mobilisations est d’autant plus efficace qu’elle montre que des enjeux internes à l’université peuvent toucher la société entière". Sous la pression, en 1995, Bayrou était ministre et avait accepté d'ouvrir des postes et de rallonger le budget. Aujourd'hui, il est Premier ministre.

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