Finlande et Suède dans l'Otan ? Des adhésions non issues du pacte de Varsovie, une première depuis longtemps
CHRONIQUE — La possibilité que la Suède et la Finlande deviennent les 31ème et 32ème membres de l’Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) n’est plus une hypothèse. Le 15 et le 17 mai, les ministres des Affaires étrangères de Suède et de Finlande seront associés à un dîner informel offert par l’organisation atlantiste. Ceci vient s’ajouter à la multitude de gestes de plus en plus ouverts, tant sur le terrain diplomatique que dans le cadre de théâtre d’opérations extérieures conjointes. Fin mars, des exercices de l’Otan ont incorporé des soldats finlandais et suédois sur des missions, il est vrai, symboliques.
Voir aussi : Face à une Russie agressive, Finlandais et Suédois s'aguerrissent aux côtés de l'Otan [AFP]
Les Premiers ministres de Finlande et de Suède, Sanna Marin et Magdalena Andersson, se sont réunies mardi pour concerter leur approche. Il s’agit d’une rupture de doctrine pour leurs pays respectifs. La condition de pays non-aligné a très bien fonctionné pendant toute la période de la Guerre froide, sans incident de frontière, ni menace.
Les événements en Ukraine depuis le 24 février et un discours, plutôt de centre gauche, plutôt woke, sur les valeurs de l’Otan et ses mérites en termes de perspective de genre dans les questions stratégiques a terminé par convaincre les deux États nordiques du bien fondé de cette intégration. Le parti social-démocrate de Sanna Marin, traditionnellement le plus hostile à l’adhésion, a complétement revu sa position.
Pour l’Otan, ce sera la première ouverture vers des États non issus de l’ex-bloc soviétique depuis la fin de la Guerre froide. Le Membership Action Plan (MAP), ou plan d’accession, n’a fonctionné au cours des 30 dernières années que pour des nations issues de derrière le rideau de fer. Au lieu de tomber en désuétude, l’Otan qui n’avait a priori plus de raison d’être après 1989, a incorporé un à un tous les pays issus de l’ex-pacte de Varsovie. Sauf l’Ukraine, malgré les intérêts stratégiques qu’elle représente, en raison de sa corruption sauvage, même en comparaison régionale, et parce que l’Otan croit disposer de meilleurs plans pour ce pays.
Dans les non-admis restent trois pays balkaniques, la Serbie, le Kosovo et la Bosnie. Le président de la Serbie, Alexandre Vucic, a déclaré récemment qu’il n’adhérerait pas au bloc atlantique du fait des crimes de guerre commis par l’Otan dans son pays. Les bombardements commis par l’Otan, en dehors de tout cadre de droit public international, y auraient provoqué plus de 4000 morts de civils, selon les estimations les plus conservatrices. Le Kosovo ne peut être admis, car il n’est pas reconnu par cinq pays membres de l’Alliance, l’Espagne, la Roumanie, Chypre, la Grèce et la Slovaquie. Mais l’Otan y est chez elle pour nombre de ses exercices. En ce qui concerne la Bosnie, c’est une question de temps avant qu’une provocation ne motive un processus d’adhésion.
Pour l’Otan, l’incorporation de nations scandinaves apporterait une touche occidentale de deux pays disposant d’une mémoire à la fois de défiance, mais aussi de longue tradition de neutralité. C’est un apport, moins passionnel, faisant état de moins de ce ressentiment propre aux pays d’Europe de l’Est, lesquels agissent souvent avec le zèle des nouveaux convertis aux valeurs occidentales, tout en conservant quelques traditions à la Kusturica.
Dans la mesure où l’alliance est un bloc militaire, mais aussi et surtout politique, il sera intéressant d’observer ce que donne cet improbable alliage entre des sensibilités et héritages historiques si distincts entre les nouveaux entrants.
L’intégration de ces deux pays devrait se faire par la voie parlementaire et non par la voie référendaire. Le président finlandais Sauli Niniistö a donné son aval mardi. Il ne fait aucun doute que le vote est acquis. Les gouvernements des deux pays disposent d’une claire majorité parlementaire. Par ailleurs les sondages d’opinions sur l’adhésion indiquent qu’une très large majorité y est favorable. Qui plus est, cette opinion couvre tout le spectre politique.
En février, l’adhésion à l’Otan brisait son plafond de verre pour la première fois de son histoire en Finlande. Elle atteignait selon l’institut de sondage Yle, 53% de partisans, puis 62% en mars et 76% en mai. D’autres études indiquent un vrai plébiscite à 81%. Il est aussi vrai que tout ce qui ne va pas dans le sens de la doxa atlantiste, covidienne et woke est frappé de censure ou de l’anathème de fausse information. La procédure d’intégration devrait donc s’initier officiellement, sauf coup de théâtre, avant le sommet de l’Otan prévu les 29 et 30 juin.
Reste la réaction russe. Selon Dimitri Peskov, porte-parole de Vladimir Poutine, en déclaration aux correspondants accrédités au Kremlin, ce mercredi, « nous gardons un œil excessivement ouvert envers tout ce qui a trait aux actions qui peuvent d’une manière ou d’une autre changer la posture des forces de l’alliance, le long de notre frontière [...] Nous ne pouvons rien dire de plus à ce stade ».
En cas d'adhésion de la Finlande, les frontières terrestres entre les pays de l'Otan et la Russie doubleraient d'un coup, avec 1 300 kilomètres de plus.
Voir aussi : Pour le pape François, "les aboiements de l’OTAN" ont peut-être provoqué l’offensive russe en Ukraine
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