Von der Leyen et Macron visent la destruction du concept de majorité
CHRONIQUE — "Il faut avancer plus vite", a déclaré Ursula von der Leyen lors du sommet sur le futur de l’Europe du 9 mai à Strasbourg, et cela passe par la destruction de la représentation populaire. "J’ai toujours argumenté que l’unanimité ou le vote de la majorité dans des secteurs clés, ne fait simplement plus sens si l’on veut bouger plus vite". Il est certain que dans les dictatures, le processus de décision est tellement plus rapide. Techniquement, on ne peut pas lui donner tort. Emmanuel Macron est aux premières loges : il reprendra la formule à son compte.
Ayant proféré cela, le rêve de n’importe quel populiste, elle est applaudie par des parlementaires, issus des plus vieilles démocraties du monde. On aurait pu imaginer qu’un député issu d’un groupuscule de démocrates extrémistes la chahute, ce ne sera pas le cas.
Voir aussi : L'Europe fantasmée d'Emmanuel Macron: "science libre", démocratie transparente... et réinvention
"Nous devons améliorer la manière dont notre démocratie fonctionne sur une base permanente." Un effort exégétique s’impose. Le terme "permanent" est central. Quasiment tous les régimes totalitaires se disent démocratiques. Rares sont les régimes totalitaires ayant l’honnêteté d’assumer leur nature despotique. Mais tous insistent sur la dimension permanente du régime. Sur l'importance de leur permanence au pouvoir. Les Chinois en savent quelque chose. La permanence est la clé du succès d’un régime.
"Je veux être claire", ajoute von der Leyen. Ses intentions à ce stade sont diaphanes quant au coup d’État institutionnel en gestation. "Je serais toujours du côté de ceux qui veulent réformer l’Union européenne pour faire en sorte qu’elle travaille mieux." Pas du côté de ceux qui ne pensent pas comme elle. Comme si elle occupait un poste électif et pouvait se permettre des affinités partisanes. Comme tous les populistes, von der Leyen se pose en agent messianique du changement. Elle vient créer un avant et un après. "Travailler mieux" consiste à terminer de rompre les fondements posés par les fondateurs du projet européen, Monnet, Adenauer, Schuman. Dans cette nouvelle Union, ce ne seront définitivement plus les États membres qui délègueront au bloc régional des prérogatives, mais l’Union, en tant que métagouvernement, qui imposera sa politique aux États membres.
Ceux qui pensent que l’Europe est en train de se transformer en une fédération régionale, sont encore loin du compte. Dans une fédération se pondèrent les voix en fonction de l’importance des territoires. La course à la vitesse de la petite dame patronnesse, entrée en politique par la porte de la corruption, vise beaucoup plus haut.
"Le fait est : vous nous avez dit où vous vouliez que cette Europe aille et c’est maintenant à nous de prendre le chemin le plus direct, soit en allant jusqu’aux limites que nous confèrent les traités, soit, oui, en changeant les traités si nécessaire". On ne sait pas qui lui a dit, quoi et quand, dans la mesure où elle n’a jamais été élue. En conférence de presse, elle ira jusqu'à admettre qu’elle a "déjà été au-delà des traités". Mais elle l’affirme comme s'il s’agissait d'un exploit, et non pas d’un abus de pouvoir. En revanche, il ne fait pas l'ombre d'un doute que "le chemin le plus direct" est celui qui se passe de l’obstacle du vote.
Un référendum serait un minimum pour une telle refonte du fonctionnement des institutions européennes, sachant que les traités en cours sont en grande partie fondés sur une trahison du peuple, en France du moins. Mais ce qui se passe auprès de l’Union européenne n’est pas un phénomène isolé. La mécanique d’asséchement des démocraties souveraines, substituées par des entités administratives dirigées par des fonctionnaires internationaux, non-élus, sans relation avec les territoires administrés, gangrénés de conflits d’intérêt, affecte aussi l’OMS, par exemple.
Le Traité pandémique de l’organisation onusienne de la santé devrait entrer en vigueur en août 2022. Il conférera à cette institution, dont le second financier n’est autre que la Fondation Melinda et Bill Gates, le pouvoir de prendre des mesures qui n’auront plus simplement rang de préconisations, mais viendront conformer le droit public international.
D’abord, ils ont supprimé les contre-pouvoirs, et on n’a rien dit. Le quatrième pouvoir a disparu. Les syndicats et les associations civiles sont traversés de trafic d’influence et/ou d’endoctrinement. Deux mondes qui n’ont a priori rien à se dire, l’oligarchie de la Silicon Valley d’une part, les entités agissant pour les intérêts du parti communiste chinois (PCC) dans le cadre du programme colonialiste du "Belt ans Road", d’autre part, structurent la vie institutionnelle, économique, la santé, et les aspects les plus intimes du citoyen, au travers du contrôle social. Et ce, en absence de toute forme de réaction des traditionnels garde-fous.
Les grands groupes de presse ont été rachetés par l’une ou l’autre de ces colonnes structurantes de tout ce qui a trait à notre contemporanéité. Jamais l’homogénéité de contenus, tous courants d’opinion confondus, n’aura été aussi obscène. La presse occidentale est presque plus chinoise que celle qui a cours en Chine. Jamais la censure n’aura été aussi revendiquée. Il fut un temps où un grand média pouvait se fendre de l’interview d’un dictateur africain cannibale, sans se poser la question de si ce qu’il retransmettait était de la propagande ou inconvenant. Mais c’était alors une culture de contrepoids, de contre-pouvoirs, d’insolence, d’illustration, de démocratie pleine. La case destruction des contre-pouvoirs étant arrivée à terme, reste à détruire le concept de majorité. Viendra ensuite la phase de destruction du vote par lui-même.
En renommant son parti, « Renaissance », Macron vise l’homme nouveau, émancipé des pesanteurs de la majorité des emmerdés, quoique affecteusement. C'est son projet prométhéen à visée personnelle. Entre lui et von der Leyen, il est certain que s’ouvre une période "historique", telle que définie par lui-même, au cours de laquelle, ils auront les moyens de nous faire taire.
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