Modération de contenus de Twitter : la CIA était aussi de la partie, selon les Twitter Files

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FranceSoir
Publié le 27 décembre 2022 - 14:00
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Le journaliste Matt Taibbi revient dans un nouveau thread sur la manière dont la CIA participait, à son tour, à la modération de contenu.
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Après le FBI, le Département de sécurité intérieure et la Communauté de Renseignement, les Twitter Files s’intéressent à la relation du réseau social avec “d’autres agences gouvernementales”. Le journaliste Matt Taibbi est revenu dans un nouveau thread sur la manière dont la CIA participait, à son tour, à la modération de contenu.

Matt Taibbi a profité de ces nouvelles révélations pour réagir samedi 24 décembre au communiqué du FBI. Dénonçant une volonté de “discréditer l’agence”, le bureau fédéral avait qualifié plus tôt, le 21 décembre, les auteurs de cette “fuite” de “théoriciens du complot” qui contribuent à "la désinformation du public américain”. La réponse du journaliste est pour le moins ironique : “Ils vont penser que nous manquons d’ambition, si notre "seul but" est de discréditer le FBI. Après tout, toute une série d'agences gouvernementales se discréditent dans les Twitter Files”.

“Autre organisme gouvernemental”

Dans son thread, le journaliste souligne que le FBI agit comme le “portier” d’un “programme de surveillance et de censure des réseaux sociaux”, qui réunit des agences du gouvernement fédéral”, depuis le département d'État juqu’au Pentagone en passant par la CIA.

“Twitter avait des contacts avec tellement d'agences que les dirigeants en ont perdu le fil”, constate Matt Taibbi: “Est-ce aujourd'hui le DOD, et demain le FBI ? Est-ce l'appel hebdomadaire ou la réunion mensuelle ? C’était vertigineux ?”

Le 29 juin 2020, il montre qu’Elvis Chan, agent du FBI, a demandé au réseau social s’il serait possible d’inviter un “OGA” (Autre organisme gouvernemental) lors d’une réunion : “‘Autre organisation gouvernementale’ peut être un euphémisme pour la CIA, selon plusieurs anciens responsables et sous-traitants du renseignement, écrit Taibbi, qui se réfère ensuite à Ray McGovern, officier à la retraite de la CIA, pour confirmer ses dires : "autre agence gouvernementale, où j'ai travaillé pendant 27 ans", lit-on.

Une semaine plus tard, des emails de Stacia Cardille, une responsable juridique de Twitter, établissent clairement le lien de collaboration entre le réseau social et la CIA : “J’ai invité le FBI et la CIA assistera virtuellement à la réunion”, peut-on lire dans un mail envoyé à James Baker, ancien avocat du FBI, alors avocat de Twitter. Ce dernier a été licencié par Elon Musk au cours du mois de décembre suite à sa tentative d’interférer avec le projet de révéler les transgressions commises par l’ancienne équipe de modération du réseau social.

Le journaliste explique que l'une des activités communes “les plus courantes était une réunion régulière du groupe de travail multi-agences sur l'influence étrangère (FITF), à laquelle assistaient des cadres, du personnel du FBI et - presque toujours - un ou deux participants marqués OGA”, dit-il. Ces réunions débutaient toujours par un “briefing OGA” portant sur des questions d’”ingérence étrangère”

L’argument d’ingérence étrangère avancé par le FBI pour justifier son “intrusion” dans la modération des contenus de Twitter était difficile à tenir pour le réseau social. Les requêtes de modérations du FITF et du FBI de San Francisco portaient surtout sur des contenus locaux, signalés par les États fédéraux ou les polices locales. “Notamment lorsque les élections approchaient." Le groupe de travail FITF et le FBI “ont submergé Twitter de requêtes, envoyant des listes de centaines de comptes suspects”. Et le bureau fédéral, poursuit Taibbi, “adaptait clairement ses demandes aux politiques de Twitter, en les décrivant comme pouvant constituer une violation pour les règles”. 

Mais les employés de Twitter ne trouvaient pas de liens entre les contenus signalés et la Russie. “Je n’ai pas trouvé de liens avec la Russie”, a écrit un analyste de Twitter qui a proposé, selon une capture d'écran, d’essayer de “trouver une relation".

En raison du manque de preuve liant la Russie à ces contenus, un autre employé de Twitter, “qui travaillait pour la CIA”,  a reconnu au responsable de la modération, Yoel Roth, avoir “laissé tomber faute de preuves techniques”. Il constate également que “les partenaires gouvernementaux deviennent plus agressifs" et que la “fenêtre (de Twitter) sur cela se ferme”. En d’autres termes, poursuit Matt Taibbi, “l’agressivité” des “partenaires gouvernementaux” a réduit la marge d'indépendance de Twitter.

Un “dilemme difficile”

La CIA passait ainsi par le FBI et le groupe de travail FITF pour demander à Twitter une modération de contenus. Mais “ses signalements sont beaucoup plus controversés que ceux de leurs homologues nationaux”, souligne Matt Taibbi.

ll s’agit souvent de comptes liés à la "propagande" néo-nazie "de l'Ukraine” ou de contenus jugés comme faisant partie d’une campagne d’influence russe qui accusaient “l'administration Biden” de “corruption dans la distribution de vaccins”. “Les signalements se présentaient sous la forme de brefs rapports, suivis de longues listes de comptes simplement considérés comme pro-Maduro, pro-Cuba, pro-Russie, etc”, révèle le journaliste américain.

Les comptes étaient parfois bloqués. “Doit-on les bloquer ? C'est un dilemme difficile. Le gouvernement devrait-il être autorisé d'empêcher les Américains (et d'autres) de voir des comptes pro-Maduro ou anti-ukrainiens ?”, s’interroge Taibbi. “La ligne entre la ‘désinformation’ et la ‘propagande déformée’ est fine. Sommes-nous à l'aise avec le fait que tant d'entreprises reçoivent autant de signalements d'un gouvernement ‘plus agressif’ ?“, s’interroge-t-il.

“La CIA n'a pas encore commenté la nature de sa relation avec des entreprises technologiques comme Twitter (...) Les recherches ont été effectuées par des tiers, donc ce que j'ai vu pourrait être limité”, conclut Matt Taibbi. 

Un “état de surveillance”

Les Twitter Files ont révélé comment le FBI et à travers le bureau fédéral, d’autres agences de renseignements et de sécurité, intervenaient, via des canaux, dans la modération des contenus de Twitter. Dans la partie 6, dont les révélations ont été réalisées par le journaliste Matt Taibbi, la relation du réseau social avec le FBI a été étalée au grand jour. Le journaliste américain n'a pas hésité à qualifier Twitter de “filiale” de la police fédérale et les documents démontrent le caractère “hyper-intrusif” du service de renseignement.

Dans la partie 7, l’auteur Michael Shellenberger a expliqué comment le bureau a discrédité les informations sur les “affaires” du fils de Joe Biden à l’étranger, “avant et après” la publication par le New York Post d'un article sur le scandale lié au contenu de son ordinateur portable.

Cette affaire constitue la principale cause des Twitter Files, qui ont également mis en évidence les procédés de la précédente direction pour censurer les utilisateurs ou encore pour justifier les suspensions de leurs comptes, dont celui de Donald Trump. Le nouveau patron du réseau social, Elon Musk, désirait ainsi prouver que la plateforme “s’est ingérée” dans les précédentes élections présidentielles.

Le rôle joué par le FBI dans la modération de contenus autour des élections avait déjà été évoqué dans un troisième volet. Des documents internes montraient comment les employés du réseau social essayaient de définir le rôle joué par le FBI et les autres agences de renseignement dans la modération de contenus pour justifier les décisions de suspension prises à l’égard de leurs utilisateurs.

Pour certains, ces nouvelles révélations de Twitter Files confirment “l’état de surveillance” que représentent les États-Unis. Sur le réseau social, T.J. Moe, ex-joueur de football américain et chroniqueur sur The Blaze estime “ne pas être pas si loin d'un système de crédit social. La Chine le fait au grand jour. Nous le faisons dans l'ombre. Honteux.”

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