Panama Papers : Fin du procès, tous les accusés relaxés, y compris les fondateurs du cabinet Mossack Fonseca
Le procès des “Panama Papers” s’est achevé, huit ans après l’éclatement du scandale. Ouvert en avril dernier après de multiples reports depuis 2021, le procès s’est clôturé par la relaxe de 28 personnes accusées de blanchiment d’argent, en lien avec le cabinet d’avocats panaméen, Mossack Fonseca. Les deux fondateurs du cabinet, Jürgen Mossack et Ramon Fonseca Mora, figurent parmi les personnes relaxées. "Justice a été faite, nous sommes extrêmement satisfaits de la décision de la juge”, s’est félicité l’avocat de Mossack. Les “Panama Papers” n’étaient, affirme le nouveau président du pays, qu’un “canular pour saper le système financier, l'image et la compétitivité” du Panama.
L’affaire a éclaté en 2016. Des mois auparavant, une personne qui s’est fait appeler John Doe a transféré des fichiers inédits, liés aux sociétés offshores créées et gérées par le cabinet d’avocats Mossack Fonseca, au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Le volume de données, contenues dans plus de 11 millions de documents, a mobilisé 109 rédactions à travers le monde, dont l’enquête, qui porte le nom de “Panama Papers”, a été coordonnée par le Consortium international de journalistes d’investigation (CIJI).
Les révélations ont démontré que des chefs d'État et de gouvernement, des responsables politiques comme des ministres ou des Premiers ministres, ainsi que des personnalités du sport, de l’art ou des finances ont dissimulé des capitaux, des bénéfices et des propriétés au fisc. Citons David Gunnlaugsson, chef du gouvernement islandais qui a démissionné à la suite de ces révélations, David Cameron, actuel chef de la diplomatie britannique, l’ancien président argentin Mauricio Macri, l’actuel président ukrainien, Volodymyr Zelensky, le joueur de football, Lionel Messi ou encore l’acteur chinois Jackie Chan. Des multinationales comme Apple, Uber ou Nike ont également été épinglées.
Les 28 prévenus relaxés faute de preuves “authentifiées”
Par l’intermédiaire du cabinet panaméen, ces personnalités ou ces entreprises ont créé des sociétés opaques leur permettant d’ouvrir des comptes bancaires devant servir à dissimuler de l'argent, pouvant provenir d'activités illégales.
Le cabinet Mossack Fonseca, du nom de ses deux fondateurs, Jürgen Mossack et Ramon Fonseca Mora, a définitivement cessé ses activités en mars 2018, en raison des "dommages irréparables” infligés à sa réputation. Peu avant, c’est-à-dire en 2017, l’Union européenne (UE) avait inscrit le Panama sur sa liste noire des paradis fiscaux. En 2019, le CIJI annonçait que les 22 Etats concernés par ce scandale avaient réussi à recouvrer 1,2 milliard de dollars.
Le procès était prévu en 2021 mais a été reporté pour plusieurs raisons. En janvier 2022, la justice panaméenne avait annoncé des poursuites contre 32 citoyens du pays pour le délit présumé d'atteinte à l'ordre économique. Le procès devait alors se tenir en novembre de la même année.
Entre-temps, les deux avocats, Mossack et Fonseca, ont été arrêtés en 2017 et placés en détention provisoire dans une autre affaire, Lava Jato, dans laquelle ils risquent, depuis la tenue du procès en 2023, une peine pouvant aller jusqu'à 12 années de prison, pour blanchiment d’argent et corruption en relation avec des entreprises brésiliennes de BTP, dont le géant Odebrecht. Le jugement n’a toujours pas été rendu.
L’audience “prévue pour 28 accusés pour la commission présumée du crime de blanchiment d'argent” a débuté lundi 8 avril. Le duo de juristes figure naturellement parmi les personnes jugées, tandis qu’une employée a été exonérée en 2021 par la Cour suprême. Début mai, l’un des fondateurs du cabinet incriminé, Ramon Fonseca, absent du procès, est décédé après avoir été hospitalisé.
Le procès ne s’est achevé que vendredi dernier. Verdict les “28 personnes accusées d'avoir enfreint l'ordre économique via un blanchiment d'argent" dans le cadre de l'affaire des "Panama Papers" ont été relaxés par la juge Baloisa Marquinez, selon un communiqué du tribunal. Parmi eux figurent Jürgen Mossack et Ramon Fonseca Mora.
Pourtant, le procureur Isis Soto avait requis la peine maximale contre eux, à savoir 12 ans de prison. L’accusation leur reprochait ainsi qu’à leur cabinet d'avoir particulièrement dirigé la création de sociétés offshores impliquant la multinationale allemande Siemens, qui aurait utilisé cette caisse noire pour y “épargner” de l'argent lié au paiement de commissions.
La magistrate a estimé que les preuves recueillies sur le serveur du cabinet “ne respectaient pas la chaîne de traçabilité”. De ce fait, “leur authenticité et leur intégrité” n’ont pu être “établies avec certitude”. “En outre, la juge a déterminé que le reste des preuves n'étaient pas suffisantes et concluantes pour déterminer la responsabilité pénale" des accusés, poursuit-on. Par ailleurs, le tribunal a ordonné "la levée des mesures provisoires" qui pesaient sur les prévenus.
Une “injustice” pour Mossack, un “canular” pour le président
Guillermina Mc Donald, avocat de plusieurs accusés, dont Jürgen Mossack, qui a insisté sur les “failles” de la procédure, a exprimé son soulagement. “Justice a été faite, nous sommes extrêmement satisfaits de la décision de la juge". "Une grande injustice a véritablement été commise, non seulement à mon égard, mais aussi à l'égard de toutes les personnes qui ont travaillé avec moi, et elles sont nombreuses", a regretté Mossack. "Tant mon associé que toutes les personnes qui ont travaillé avec moi ont été des personnes sérieuses, honnêtes et correctes", affirme-t-il.
Une issue prévisible ? Si les activités du cabinet panaméen, comme la création et la gestion de sociétés offshores permettant l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent, sont avérées, le pouvoir judiciaire panaméen faisait déjà face à des difficultés en ce qui concerne les peines à prononcer, selon la presse. “Le nœud du problème est de savoir si un crime a été commis ou non au Panama selon les règles de l'époque”, expliquait-on, puisque certaines dispositions de la législation du pays contre le blanchiment d'argent n'étaient pas encore en vigueur lors de l’éclatement de l'affaire.
Pour José Raul Mulino, nouveau président du Panama, ce scandale n’est qu’un “canular”. "Regardez l'affaire Mossack Fonseca, qui a marqué le début de la fin de notre modèle économique financier. Ils viennent d'acquitter tous les accusés parce qu'en réalité, il s'agissait d'un canular international visant à saper l'image et la compétitivité de notre pays", a-t-il affirmé dans son discours d’investiture.
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